les citations
dieux (mille –) loc. interj.
Gard, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne, Dordogne fam. "(juron)".
1. Il revoyait Fabre, le visage écarlate, hurlant au milieu de la place :
Mille Dieux ! Ça y est ! Ils ont signé ! Il n’y aura pas de guerre. Enfin ! (P. Gamarra, Le Maître d’école, 1994 [1955], 294.)
2. Mille dieux ! On peut pas dire qu’on lui avait déjà bourré la caisse avec le réalisme socialiste, au Jeannot ! Ça lui venait tout seul […]. (J.-P. Chabrol, La Folie des miens, 1977, 107.)
3. – Ah ! mille dieux, c’en sera bientôt fini […] ! On va les chasser tous. (P. Gamarra, Le Fleuve palimpseste, 1984, 183.)
4. – Tu as dû te lever à bonne heure*, Alban. Je te fais du café.
Il fourragea dans un placard en grommelant.
Mille dieux, je ne sais plus où je l’ai serré*, ce putain de café. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 194.)
□ En emploi autonymique.
5. Mon père avait, quand on lui cherchait dispute, une de ces façons de dire : « Mille Dieux ! », en se soulevant de son fauteuil, que personne n’insistait. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 49.)

remarques. La locution a aussi été relevée, sous diverses formes non adaptées.
1. 〈Surtout Lot, Aveyron, Limousin, Dordogne, Landes (essentiellement en milieu rural bilingue)〉 « “Mais comment il a fait son compte, millédious, comment il a fait son compte ?” répétait le Béarnais […] » (R. Boussinot, Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes, 1976, 40) ; « – Miladiou  ! Comment tu fais ? grogna Léon avec envie. Moi, je n’y comprends rien à tous ces chiffres ! » (Cl. Michelet, Des Grives aux loups, 1982 [1979], 14) ; « – On crèvera si on a plus de terres, miladïou ! » (Chr. Signol, Antonin Laforgue, paysan du Causse, 1897-1974, 1981, 143) ; « – Mais, miladiou ! Pourquoi ? T’as pas l’âge de la retraite, toi ? » (Cl. Michelet, La Terre des Vialhe, 1998, 172). □ En emploi autonymique. « […] le vieux père Combas tira des bordées de milodiou pendant plus d’une semaine quand son fils lui annonça qu’il fricotait depuis un an avec Annette et qu’il voulait pour de bon l’épouser » (R. Béteille, Souvenirs d’un enfant du Rouergue, 1984, 66). – PierdonPérigord 1971 milo Dius ! « mille dieux, juron favori des Bergeracois » ; NouvelAveyr 1978, s.v. diou « millo Diou mille Dieux » ; BoisgontierMidiPyr 1992 mille-dious « “Mille Dieux”, juron usité surtout en Quercy » ; MoreuxRToulouse 2000 millo diou(s) « mille dieux ».
2. 〈Surtout Loire « […] une inaltérable joie de vivre qui donnait son prix au moindre petit rien de satisfaction et ne prenait au tragique que les catastrophes. Et du moment qu’on s’en sortait, miladzeu ! il ne restait plus qu’à goûter les menus plaisirs de l’existence » (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 16) ; « Miladzeu ! Tout ce train parce que je voudrais faire comme tout le monde : me marier ! » (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 230) ; « – […] oh miladzeu, leur esperluette, tu parles, je m’en souviendrai » (J.-N. Blanc, Esperluette et compagnie, 1991, 124). – BaronRiveGier 1939 ; ParizotJarez [1930-1940] ; DornaLyotGaga 1953 « miladzeu n. m. Mot patois, resté tel quel, pour désigner les mineurs, sans doute parce que “miladzeu” était leur juron familier. Le mot n’a aucun sens péjoratif, mais seulement familier » ; PlaineEpGaga 1998.
◆◆ commentaire. Cette locution populaire est attestée aux 19e et 20e siècles, selon Frantext, aussi bien chez des auteurs de la partie nord de la France (Flaubert, 1854 ; Colette, 1900), que chez des auteurs de la partie sud (Daudet, 1872 ; Cladel, 1879 ; Pourrat, 1925). Mais son ancienneté est plus grande, dans la mesure où elle est attestée au Québec (dans les contes folkloriques) ; elle a aussi été relevée dans le parler populaire parisien du 18e siècle (dans Rudolf Zöckler, Die Beteuerungsformeln im Franzözischen, Berlin, v. Wilhem Gronau, 1905, 27)a. C’est dans le Sud-Ouest qu’elle semble aujourd’hui le plus en usage, où elle correspond au patois miladious ; seule une enquête complémentaire permettrait de mieux préciser l’aire de ces emplois, qui n’est ici qu’esquissée. La lexicographie générale et régionaleb semble la méconnaître à la quasi unanimité (seuls Rob 1985 et TLF donnent mille dieux, mais sans marque d’usage, sans date et sans exemple), ce qui peut sans doute s’expliquer, outre le caractère plus ou moins tabou de la locution, par le fait qu’elle a des concurrents beaucoup plus fréquents dans le discours.
a Comm. de Cl. Poirier, qui indique aussi cette référence concernant la Gaspésie : Jean-Pierre Pichette, Le Guide raisonné des jurons […], Montréal, Quinze, 1980, 209.
b Laquelle l’emploie largement dans la métalangue, v. ci-dessus à la bibliographie de la Rem. 1.
◇◇ bibliographie. PierdonPérigord 1971, comme définition de milo dius ; NouvelAveyr 1978, comme définition de millo Diou, s.v. diou ; BoisgontierMidiPyr 1992, comme définition de mille-dious ; RézeauChiffres 1983 ; MoreuxRToulouse 2000, comme définition de millo diou(s), s.v. diou ; absent de FEW s.v. deus et s.v. mille (où il est à aj. 6/2, 89b).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.