pigner2 v. tr.
1. Pyrénées-Orientales pop. "battre (qqn)". Pigner un camarade (CampsRoussillon 1991).
2. Par ext. Pyrénées-Orientales pop. "donner un choc à (qqc.)". Pigner une casserole (CampsRoussillon 1991) ; Hérault "cabosser, érafler (qqc.)". Synon. région. bugner*. – Pigner la voiture (CovèsSète 1995).

dérivés. Bouches-du-Rhône, Hérault, Aude, Haute-Garonne, Gers, Pyrénées-Atlantiques, Gironde pop. pigne n. f. "coup, bosse, choc". Synon. région. bugne*. – Faire une pigne à la voiture (CovèsSète 1995). « À Marseille, les supporters [de l’Olympique de Marseille, équipe de football] sont partout, sur les murs, dans les tribunes, dans les bus qu’ils mettent volontiers en pièces détachées, dans la rue où ils ne dédaignent pas de distribuer quelques pignes ou châtaignes à leurs confrères des équipes adverses […] » (Chr. Bouchet, dans Le Nouvel Observateur, 13 mai 1999, 106) ; « Georges, si tu ne me lâches pas le maillot, je te fous une pigne ! » (La Dépêche du Midi, éd. Hautes-Pyrénées, 28 juillet 1999, Supplément, 3).
◇◇ DuclouxBordeaux 1980 ; SallesLBéarn 1986 ; ArmanetBRhône 1993 ; CovèsSète 1995 ; MoreuxRToulouse 2000 « régionalisme presque général et inconscient : les informateurs considèrent le mot comme argotique » ; SuireBordeaux 2000.
remarques. À distinguer, malgré CovèsSète 1995, l’homonyme pigner3, v. tr., "posséder sexuellement (une femme)" (sur fr. pigne/occ. pinha "pomme de pin", FEW 8, 520b, pineus, par un développement parallèle à frm. piner sur fr. pine "pomme de pin > membrum virile", FEW 8, 550a, pinus).
◆◆ commentaire. 1, dont on ne possède d’attestation contemporaine sûre qu’en Roussillon, est la continuation de mfr. et frm. pigner "donner des coups (de griffes), battre" (Molin-1618 ; encore frm. JaubertCentre 1864 et Chablis "battre" ca 1883 ; FEW 8, 107a, pectinare)a, est un archaïsme de forme conservé dans une aire latérale ; le maintien d’un signifiant original a été rendu possible par la scission, dans la compétence de locuteurs peu habiles, du polysème pigner/peigner "peigner ; battre" au moment où la forme normative peigner a été introduite dans la variété périphérique roussillonnaise. L’absence en français central, dans le sens de "peigner" (fr. pigner, ca 1300-1618, FEW 8, 105a) comme dans celui de "battre", d’attestations écrites postérieures à 1618 (= Le Cabinet satyrique dans les deux cas !) montre qu’on a affaire à l’extension puis à la fixation géographique d’un fait alors propre au code oral ayant quitté la norme nationale cultivée au moment du rattachement du Roussillon : témoignage d’une francisation diastratiquement “basse” et d’une courbe de poursuite retardataire de la norme nationale (par défaut de groupe social directeur/relais d’influence suffisante). Sous 2, des développements sémantiques qui semblent constituer, dans l’état de la documentation, des innovations propres au français du Roussillon et de l’Hérault. La circulation de mfr. et frm. pigner dans le Midi est assurée, par ailleurs, par l’emprunt de pr. si pinhar "se battre, se quereller" (dep. 1723, FEW 8, 107a), et, dans le sens de base, par celui d’occ. (dauph. pr. viv. velNE. auvN. Chav.) pinhar "peigner" (dep. 1723, FEW ibid.), qui dessine une belle aire d’invasion (ALF 1872).
a Cf. aussi saint. se pigner "se battre", berr. Sanc. Varennes pigner "battre (qqn)", Auxerre s’ pigner "se battre" (FEW ibid. ; v. aussi BoninBourbonn 1984), dont le statut exact (dialectal ou français) serait d’ailleurs à établir. Un exemple du participe passé (« Pignée, l’ancienne »), que nous ne parvenons pas à définir exactement, dans A. Aucouturier, Le Milhar aux guignes, 1995, 29 (auteur né à Viersat, dans la Creuse) ; un autre exemple de pigner "battre" chez le même auteur, dans Le Dénicheur d’enfance, 1996, 153, mais dans l’explication métalinguistique de perpignan "sorte de fouet".
◇◇ bibliographie. CampsRoussillon 1991 (sans étymologie) ; CovèsSète 1995 (étymologie erronée).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Pyrénées-Orientales, 100 %.