aspic [aspik] ou [aspi] n. m.
1. 〈Loire-Atlantique, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest, Loiret, Cher, Corrèze〉 rural "vipère ; couleuvre aquatique".
1. Même âgé, il était demeuré très vigoureux, bien qu’une morsure d’aspic eût tari sensiblement son poignet gauche. (P. Martin, Les Mémoires d’une grole, 1974, 118.)
2. Il attrapait à pleines mains des reptiles invisibles, les rejetant au loin, en écartait
d’autres, en déroulait certains qui se lovaient autour de son cou. C’était effrayant
cette lutte contre les bêtes qu’on ne voyait qu’à travers ses gestes et ses gémissements…
/ « Ah ! tous ces aspics… tous ces aspics ! Mais d’où qu’ils sortent ?… Ça n’en finira donc jamais ?… » / Il a fallu qu’on fasse semblant de l’aider en tapant, nous aussi, sur la literie
pour le débarrasser de son nœud de vipères… (J.-L. Boncœur, Le Village aux sortilèges, 1980, 306.)
3. « Entrez, Messieurs dames, les enfants ne paient que demi-place, et c’est justement
l’heure du repas du boa ! » Vous le verrez manger l’infortuné lapin blanc – toujours le même – qu’on brandit
par les oreilles, le temps de laisser passer une meute d’explorateurs en puissance,
que la rencontre annuelle avec deux ou trois aspics et autant de couleuvres a familiarisés avec les reptiles, mais qui voudraient bien
se faire peur au moins une fois. (L. Lebourdais, Les Choses qui se donnent…, 1995, 241.)
4. […] la maladie, le corps qui se rappelle à nous et que nous avons appris à tenir à
distance, comme un aspic au bout d’un bâton fourchu […]. (R. Millet, Lauve le pur, 2000, 86.)
— 〈Maine-et-Loire, Loiret, Haute-Vienne, Dordogne〉 aspic rouge loc. nom. m. "vipère aspic".
5. La dernière vipère que j’ai tuée, ce fut à deux pas de chez moi, dans un étroit vallon
qui s’ouvre sur les saules de la Loire. C’était un aspic rouge, l’espèce la plus commune ici. Il se chauffait au soleil d’avril, bien visible sur
une motte de glaise sèche. (M. Genevoix, Bestiaire enchanté, 1973 [1969], 154.)
6. Je longeais un ruisseau en quête de truites, lorsque, saisi de stupeur et d’effroi,
j’aperçus une vipère, un aspic rouge – tous les aspics sont rouges – enroulée autour d’un bâton. (F. Dupuy, L’Albine, 1981 [1977], 178.)
● Comme surnom.
7. Regardez-les, c’est des ren [sic] du tout : Bondy il s’appelle, de Mussegros, qui ne paie même pas son boulanger ;
sa femme, ils l’appellent l’aspic rouge, et avec lui un autre braconnier… (L. de La Bouillerie, Le Passeur, 1991, 20-21.)
2. 〈Bordeaux〉 spor. "enfant turbulent, frondeur, qui fait les quatre cents coups" (DuclouxBordeaux 1980).
◆◆ commentaire. Cet emprunt savant au latin (où aspis dénommait le Naja haje) a été appliqué tardivement en français à une espèce de vipère
autochtone (Vipera aspis L.), commune en France sauf au nord-ouest où règne sans partage une autre espèce
(Vipera berus L., v. FEW 25, 497b, aspis et n. 37). En ce sens le mot est enregistré dans la lexicographie du français dep.
1751, mais il est attesté antérieurement en français dans le Centre-Ouest, où précisément
se chevauchent les aires des deux espèces de vipères : « [sépulture d’] ung jeune enfant […] pour une morsure d’aspic » (Loire-Atlantique 1585, A. Croix, Moi Jean Martin recteur de Plouvellec, Rennes 1993, 30). À l’époque contemporaine, il est répandu dans les parlers dialectaux
d’une grande moitié sud de la France, spécialement dans ceux du Centre et du Centre-Ouest,
où il est particulièrement bien acclimaté et populaire (v. ALF 1402 "vipère"). Quoique les dictionnaires du français moderne et contemporain le consignent sans
marque de restriction d’emploi (TLF ; Rob 1985 ; Lar 2000 ; NPR 2000), il ne semble
pas d’usage général. La lexie aspic rouge est due au fait que la vipère aspic a fréquemment, mais non obligatoirement, le dos
et les flancs de couleur rouge brique ou orangée. Cf. antérieurement à la période
décrite : « Sur le talus, un matin de juillet, Rroû avait rencontré l’aspic rouge » (1931, Genevoix, Rroû 103, Frantext). Le mot est attesté dans des emplois figurés dep. le moyen français en référence
à la méchanceté attribuée à l’animal (FEW 25, 498-99).
◇◇ bibliographie. RézeauOuest 1984 ; BlanWalHBret 1999 (Loire-Atlantique).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne,
100 %.
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