bib ou Bib n. m.
〈Puy-de-Dôme〉 fam. Génér. au pl. "ouvrier (ou employé) de la manufacture de pneumatiques Michelin". – Un couple modeste de Bibs (Clermont-Ferrand. Le Guide 1998, 1997, 122). Les Bibs d’hier (ibid., 145).
1. Longtemps les « bibs » firent l’envie de l’autre moitié de la population, de celle qui n’en était pas :
en 1904, ils avaient déjà la sécurité sociale, et, en 1914, les allocations familiales.
Aujourd’hui, tout le monde bénéficie des avantages sociaux nationaux, et les « bibs » font la grève. (J. Grapin, dans Le Monde, 11 juin 1968 ; article réimprimé dans Le Monde, 2 mai 1998, 35.)
2. Clermont-Ferrand, la cité des « bibs », devient capitale. (Titre d’un article de M. Tricot, paru dans Pourquoi ? 57, 1969, recensé par P.-F. Fournier et al., Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne 87, 1975, 65.)
3. À 5 heures moins 10, il entendit le car, les vélos, les pétrolettes des bibs assurant la rentrée du matin chez Bibendum […]. (J. Anglade, Un temps pour lancer des pierres, 1974, 301.)
4. La majorité des ouvriers étaient les « Bibes », les « Bergougnans » ou ceux de la « Banque ». (Cl. Fourneyron, Quel temps faisait-il en Auvergne ?, 1991, 19.)
5. À l’époque, presque tous les Bibs avaient une double casquette. Pour Félix, la journée commençait à 5 heures du matin
à la Manufacture, pour se terminer à 13 heures et cela six jours par semaine. / Après
le repas, on s’occupait de la vigne […]. (J.-L. Dunet, « Les dimanches du piéton. Drôles de paroissiens », La Montagne, 21 janvier 1997, 3.)
6. Jusqu’en 1950, Michelin inventait la participation en donnant des parts aux employés,
parts qu’ils pouvaient faire fructifier en y laissant une partie de leur traitement.
Cela s’appelait le « compte spécial » et, à leur départ en retraite, certains Bibs ont récupéré d’assez jolies sommes qui leur ont permis de construire des pavillons
bourgeois. (La Montagne, 27 janvier 1997, 7.)
7. On soupçonne même certains Bibs d’avoir fait de la Rodade [nom d’un restaurant de Montferrand] leur cantine favorite.
(Clermont-Ferrand. Le Guide 1998, 1997, 130.)
8. Il y a 16 000 bibs dans les usines clermontoises. (31 janvier 1999, 21 h 45, France-Info, correspondant
régional de Clermont-Ferrand.)
9. Les « Bibs » se rebiffent [Titre] / La goutte qui fait déborder le vase ? Cette fois, les salariés
de Michelin, pourtant peu enclins à descendre dans la rue, se sont mobilisés. (L’Est républicain, éd. Belfort, 22 septembre 1999, 123.)
10. clermont-Ferrand / de notre correspondant / […]. Mardi, les « bibs » ont, à deux reprises, quitté leurs ateliers par milliers pour faire connaître leur
opposition au projet de 7 500 suppressions de postes, annoncé par un groupe dont les
bénéfices sont plus que satisfaisants. (Le Monde, 23 septembre 1999, 6.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
11. Un des attributs essentiels de l’ouvrier caoutchoutier, familièrement appelé bib, est la « musette ». (J. Anglade, Un temps pour lancer des pierres, 1974, 51.)
12. Un Bib – un ouvrier de Bibendum qui se rendait chaque matin à motocyclette à l’usine de
Cataroux – lui déclara tout net :
– Je te recevrai, curé, quand tu seras habillé en homme, pas en femme. (J. Anglade, Un lit d’aubépine, 1995, 215.) □ En contexte métalinguistique.
13. Bibendum deviendra le surnom de la firme ; ses employés seront des bibs. (J. Anglade, Clermont-Ferrand d’autrefois, 1981, 110.)
14. Bibendum est l’Auvergnat le plus célèbre de la planète. Le « Bib » comme l’appellent ceux qui le connaissent bien et qui, par extension affectueuse,
a donné son nom aux travailleurs de la grande entreprise clermontoise de pneumatiques.
Le « Bib », les « Bibs »… (N. Studiévic’, Made in Auvergne. Objets et inventions d’Auvergne et du Massif Central, 1997, 10.)
■ graphie. La graphie avec B- semble aujourd’hui l’emporter. La graphie Bibes (ci-dessus ex. 4 et PruilhèreAuv 1993) est exceptionnelle.
◆◆ commentaire. Abréviation familière de Bibendum, nom du bonhomme-réclame de la firme Michelina, appliqué régionalement par une première métonymie à la firme elle-mêmeb, et, par une seconde, à ceux qui y travaillent. Acception non représentée dans la
lexicographie générale et de façon seulement exceptionnelle dans la lexicographie
régionale, attestée depuis 1953 dans le titre La Voix des bibsc. Aujourd’hui, le mot est régulièrement employé par la presse nationale comme terme
de couleur locale, surtout à propos des mouvements revendicatifs de la manufacture
Michelin.
a Ce nom est lui-même une formation métonymique et délocutive sur le vers horacien « Nunc est bibendum » (Od. I, 37, 1) figurant sur une affiche de la firme (1898) ; celle-ci représentait le
bonhomme-réclame levant une coupe remplie de tessons et de clous et portait le slogan
« Le pneu Michelin boit l’obstacle ». V. M. Galliot, Essai sur la langue de la réclame contemporaine, Toulouse, 1955, 213 et n. 18 ; A. Moulin-Bourret, Guerre et Industrie. Clermont-Ferrand 1912-1922 : la Victoire du pneu, Clermont-Ferrand, 1997, 90.
b Par exemple : « Ce ne pouvait être demain qu’il irait s’embaucher chez "Bib", même si les difficultés ne l’épargnaient pas » (Cl. Fourneyron, Les Rêves bleus, 1993, 273) et « Elle a travaillé 47 ans chez Bib ma maman », La Montagne, 10 mars 1997, 8a).
c Bulletin de la section Michelin du Parti Communiste Français, conservé aux A.D. du
Puy-de-Dôme depuis cette date (aimable renseignement du service des Archives), mais
dont la fondation pourrait remonter à la période de la Libération (témoignage oral).
◇◇ bibliographie. PruilhèreAuv 1993 ; cf. TLF s.v. bibendum et Rob 1985 s.v. bib ; à aj. FEW 1, 350a, bibere II.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
|