bogue n. m. ou f.
〈Bouches-du-Rhône〉 peu usuel, fam. Dans des loc. verb.
— avoir ou faire des / les yeux de bogue ; regarder avec des yeux de bogue "regarder d’un air ébahi ou ahuri".
1. – […] arrête de regarder ce flingue avec des yeux de bogue… (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 77.)
— sembler* (ou verbe du même paradigme) une bogue ravelle "avoir l’air idiot, stupide".
2. – Qu’est-ce que j’ai de moins qu’une autre pour ne pas gagner [au loto] ? Tu as vu
la tête du gagnant de la semaine dernière ? On aurait dit une bogue ravelle [en note : poisson méditerranéen à l’air particulièrement stupide].
Gaston sourit à cette expression populaire qui lui rappela sa jeunesse, quand les gens de Marseille n’allaient pas chercher ailleurs de quoi pimenter leur propre parler. (J. Contrucci, Suite provençale, 1996, 114.) ◆◆ commentaire. Attesté en français dep. 1554 sur la côte méditerranéenne (Rondeleta, v. TLF), bogue "poisson téléostéen (Sparidés), au corps allongé et rayé de couleurs vives, qui vit surtout sur les côtes de la
Méditerranée"b est un emprunt à l’aocc. boga (1397, Pans), de même sens. Le mot n’est guère en usage que sur cette côte, là où
l’on a des chances de rencontrer ce poisson, et les locutions analysées ici (absentes
des dictionnaires généraux contemporains) sont caractéristiques du français de cette
région. Plus ou moins motivées par le physique du poisson (Armanet, BouvierMartel
et Covès lui prêtent des « yeux globuleux » et déjà DuhamelPêches 1777, 40 indiquait : « ses yeux sont grands, ce qui, je crois, a fait dire qu’elle a des yeux de bœuf »), ces locutions s’inscrivent surtout dans le paradigme de fr. faire des yeux de carpe, avoir des yeux de merlan frit. Dans bogue ravelle, le second élément, d’origine inconnue (FEW 21, 256a ‘spare’) renforce le caractère dépréciatif ; attesté en français dep. 1554, bogue ravelle n’a fait qu’un rapide passage dans les dictionnaires (Trév 1771) et n’est attesté
qu’en référence à la côte méditerranéenne.
a Recopié presque à l’identique dans Paris, Bibl. nat., ms. lat. 6838 c, f. 28 : « De boopis secunda specie. Bogue ravel. / Nostri piscem quendam in multis superiori similem bogue ravel ravel [sic] appellant quia silicet capiatur et vendatur cum piscibus vulgo ravaille appellatis, id est minutis. »
b La qualité gustative du poisson ne fait pas l’unanimité : s’il est apprécié de Trév
1771 « sa chair est d’un bon goût » et de Rob 1985 « chair estimée », il ne l’est pas de DuhamelPêches 1777, qui le considère comme « médiocrement estimé », et pas davantage de BouvierMartelProv 1982 « pas très estimé » ou de CovèsSète 1995 « peu réputé ».
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 faire des yeux de bogue (genre non indiqué) ; BouvierMartelProv 1982 f. ; BouvierMars 1986 m. ; BlanchetProv
1991 f. ; ArmanetBRhône 1993 (genre non indiqué) ; RoubaudMars 1998, 62 faire des yeux de bogue ; BouisMars 1999 m. avoir/faire des yeux de bogue ; aj. à FEW 1, 419b, boca.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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