brési n. m.
〈Doubs, Jura〉 "viande de bœuf salée, séchée et fumée, fabriquée dans les montagnes du Doubs et du
Jura, que l’on consomme en tranches très fines". Goûter à la cancoillotte* ou au « bresi » (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1989 [1973], 10).
1. Sans rien dire à quiconque, il prend rapidement chez lui un baril de vin, quatre pains
de quatre livres et du bresi […]. (R. Bichet, Contes de Mondon et d’autres villages comtois, 1975, 26.)
2. Une des fonctions les plus importantes du tué [= vaste cheminée traditionnelle], celle
qui explique son maintien aujourd’hui encore, c’est celle de fumoir. Sur les perches
qui garnissent la vaste hotte, on place les jambons et surtout les quartiers de bœuf
qui fourniront le bresi, une des bases de l’alimentation traditionnelle des montagnons*. On fume d’abord la viande avec une flambée de genévriers et de branches de sapin,
puis on la maintient dans une atmosphère fumeuse pendant tout l’hiver. (Cl. Royer,
L’Architecture rurale française […]. Franche-Comté, 1977, 54.)
3. Le menu alléchant que le jeune homme avait choisi de concert avec la mère Delley comprenait :
brochets et truites de la Loue, « brési » [en note : viande de bœuf fumée au genévrier], civet de lièvre, chapons rôtis, « cancoillotte »*, tartes aux pommes et biscuits aux raisins. (A. Besson, La Marie-des-Bois, 1978, 90.)
4. Le brési provient de quartiers de bœuf de qualité, le filet de préférence, qui séchera longuement
après la fumaison et qu’on compare parfois à la viande des Grisons. (Pays et gens de France, n° 90, le Doubs, le Territoire-de-Belfort, 21 juillet 1983, 13.)
5. […] le brési nécessite une viande suffisamment grasse pour éviter une perte de poids trop importante
au séchage et éviter ainsi une consistance trop sèche. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Franche-Comté, 1993, 98.)
6. – […] Et si vous goûtiez du brési ? Ça ne vous tente pas ? Brési et jambon fumé pour une raclette, non ? Il a de la bonne raclette en ce moment, votre
fromager !.. (M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 184.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
7. Dans le Haut-Doubs on fait aussi du « Brési » : morceau de bœuf salé, puis longuement séché dans la cheminée. On le sert souvent
cru comme entrée ou avec de la salade. (L. Verchon, instituteur [Châtillon-le-Duc],
dans M.A.I.F., Guide touristique. Jura, 1958, 107.)
8. [En Franche-Comté] Le bœuf se prépare en gelée comme à Vesoul, ou se sale, se fume
et se sèche pour donner le brézi [sic], homologue de la viande séchée des Grisons. (Les Recettes du terroir, 1984, 189.)
9. […] le tulé, cette sorte de cheminée à très grand manteau, montée par le maître de
ferme, pour fumer un quart ou un demi-bœuf, chaque veille d’hiver : c’était le « brési ». (P. Arnoux, Les Loups de la Mal’Côte, 1991, 128.)
10. Les divers jambons et palettes sont, eux aussi, fumés au bois de résineux comme le
délicieux brési (viande de bœuf séchée) […]. (Cuisine actuelle, n° 41, mai 1994, 64.)
— Dans une comparaison sec comme du brési "très sec" (R. Bichet, Contes de Mondon, 1975, 167).
■ graphie. Les graphies bresi/brezi (v. ici notamment ex. 1 et 2, et plusieurs glossaires) reflètent la prononciation
patoise très largement majoritaire [brœzi] (ALFC 977*).
■ encyclopédie. Le brési comtois est l’équivalent de la viande séchée fabriquée en Suisse et, particulièrement,
de la viande des Grisons (v. ici ex. 4 et 8). V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Franche-Comté, 1993, 98-100.
◆◆ commentaire. Caractéristique de l’est galloroman (il est attesté en français dep. 1440 en Suisse
romande, v. Pierreh et GPSR), brési est attesté dep. ca 1530 dans un texte d’origine parisienne (« Tout premierement demandez Aux taverniers d’entendement […] Du bœuf, du mouton, du
brésil » Anc. poésies françoises, xi, 48, d’après Huguet) et chez divers auteurs du 16e siècle (Ronsard, Baïf) ou du déb. 17e siècle (Béroalde de Verville) ; il est enregistré par Cotgr 1611-Wid 1675, mais il
n’a guère pénétré autrement le français de référence. Récusé par BesançonDoubs (« du bœuf salé, & non pas du bresi »), il est accueilli par Lar 1867 (brésil, brézi, avec la mention « art cul. » mais l’ex. est tiré de X. Marnier, originaire de Pontarlier, Doubs) alors qu’il semble
s’être déjà replié vers son aire d’origine, comme en témoignent les relevés des glossaires
de la fin du 19e siècle (FEW) ; il est aujourd’hui absent des dictionnaires généraux. Il s’agit d’un
sens, par analogie de couleur, issu de fr. brésil "bois exotique qui donne une matière tinctoriale rouge" (dep. l’afr. ; v. FEW). La comparaison sec comme du brési est attestée dep. 1520 (« sec comme bresil »Sermons choisis de Michel Menot éd. par J. Sève, Paris, 1924, 386 ; sec comme brésil Fur 1690-Ac 1932 ; sec comme du brésil Trév 1721-Ac 1932) ; FEW 15/1, 259a, *bras- ; ALFC 274.
◇◇ bibliographie. SchneiderRézDoubs 1786 bresi ; MonnierJura 1823 bresi « On fabrique le bresi dans la haute montagne, ainsi qu’à Arbois et à Salins » ; PyotJura 1838, 336 brésil ; MonnierDoubs 1857 ; BeauquierDoubs 1881 (qui renvoie, pour la locution, à M. Menot) ;
ContejeanMontbéliard 1876 s.v. braisi ; GuilleLouhans 1894-1902 brési (aussi sec comme du brési) ; CollinetPontarlier 1925 bresi (aussi sec comme bresi) ; BoillotGrCombe 1929 ; GrandMignovillard 1977 brezi ; BichetRougemont 1979 bresi ; DuraffHJura 1986 ; DromardDoubs 1991 bresi ; TrouttetHDoubs 1991 brési ; ColinParlComt 1992 bresi(l) « très usuel » ; DuchetSFrComt 1993 brési, brésil ; RobezMorez 1995 brési ; FEW 15/1, 259a, *bras- ; ALFC 977*.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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