cachette n. f.
〈Surtout Haute-Marne (est), Ardennes, Lorraine, Haute-Saône, Territoire-de-Belfort, Rhône,
Provence, Puy-de-Dôme〉 usuel "jeu d’enfants dans lequel un joueur, désigné par le sort, doit découvrir les autres
qui sont cachés". Stand. cache-cache. – La balle au chasseur, les quatre coins, la cachette (R. Bichet, Un village comtois au début du siècle, 1979, 149). Parties de cachette (MartinVosges 1993 s.v. grenier).
1. Nous partîmes en chœur, tous les six, quatre garçons et deux filles. […] Nous restâmes
quelque temps dans une clairière rafraîchissante, entourée de massifs de brimbelliers* et de fougères. C’est là qu’à l’unisson, nous convînmes d’une partie de cachette. (Fr. Martin, Le Parler de chez nous en Lorraine, 1975, 134-135.)
2. La marelle et la cachette, pour le jeune âge, un peu plus tard, la lanterne magique dans une maison voisine.
(R. Mathey, Rougemont-le-Château autrefois (1900-1914), 1986, 117.)
— Dans le syntagme jeu de (la) cachette. Large rideau […] propice au jeu de cachette (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 164).
3. […] blotissement dans le foin à l’occasion du jeu de la cachette. (G. Bienne, Le Silence de la ferme, 1986, 149.)
4. Elle appuierait bien son front dans ses bras contre l’arbre noir, pour compter jusqu’à
cent, comme au jeu de la cachette. (A. Perry-Bouquet, Des gens comme vous et moi, 1990, 175-176.)
— Dans la loc. verb. jouer/s’amuser à (la) cachette. Tu vas aller t’amuser à la cachette (M.-É. Grancher, Les Aventures de Zifolo-Bill, 1951, 117). Dans la cour des filles, quelques élèves jouent à cachette (J.-Cl. Libourel, Les Roses d’avril, 1998 [1997], 259).
5. Quand elle était petite, elle courait par ici, au sortir de l’école […], elle a joué « à cachette » dans toutes ces rues […]. (H. Queffélec, Journal d’un salaud, 1944, 191.)
6. Le jeudi par exemple, on partait toute la matinée, pendant des heures, dans la forêt.
On jouait à la cachette. Il y en avait un qui cherchait les autres et qui ne les trouvait jamais. (A. Dhôtel,
Terres de mémoire, 1979, 124.)
7. Entre les deux épiceries […] il y a, un peu en retrait, une vieille ferme […]. Certain
jour, les grands, des terribles, dit-on, décidèrent d’explorer la maison et d’y jouer à la cachette […]. (M. Sauvage, « Les travaux et les jours dans les Vosges saônoises », dans Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n.s., n° 9, décembre 1980, 33-34.)
8. Un jour, v’là qu’on joue à la cachette. Ah ! […] l’ Jean et la Guiguitte s’étaient tellement bien cachés, qu’à dix heures
du soir, la moitié des deux villages se trouvait dans le bois à leur recherche […].
(G. Goulon, Une vie “d’établi”, 1986, 38.)
9. L’environnement offrait aussi d’immenses possibilités pour jouer à la cachette [en note : jouer à cache-cache], surtout quand la nuit tombait. (J. Chaudron, Autour de la Bessotte. Souvenirs d’un enfant de Lorraine, 1994, 71.)
10. – « On joue à la cachette ! » et sans attendre l’assentiment du père, les mômes s’égaillèrent dans le foin odorant.
(M. Vuillemin, La Mort de Fany, 1994, 232.)
11. Quant à mes sœurs [découvrant une maison], elles couraient dans les escaliers car
les chambres, très vastes, se trouvaient à l’étage. Il y avait un petit placard sur
un palier. On pourrait même jouer à la cachette, disaient-elles, ravies. (É. Fischer, Les Pommes seront fameuses cette année, 2000, 89.)
— Au pl. Une partie de cachettes (P. Roux, Le Caganis, 1983 [1978], 94). Une fameuse partie de « cachettes » (M. Sauvage, « Les travaux et les jours dans les Vosges saônoises », dans Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n.s., n° 9, décembre 1980, 29).
12. Ils pratiquèrent des jeux de force et d’adresse. À qui cracherait le plus loin. À
saute-mouton […]. Aux cachettes. A colin-maillard […]. (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 144.)
● Dans la loc. verb. jouer aux cachettes.
13. Je pars jeudi. Je serai resté en clinique trente-sept jours. Pour la première fois
aujourd’hui j’ai quelques pensées gaies, jouer aux billes, aux cachettes avec les petits. (L. Gachon, lettre à H. Pourrat, 1er novembre 1953, dans Correspondance Henri Pourrat-Lucien Gachon du 2 janvier 1947 au 29 décembre 1953, éd. établie par Claude Dalet, Cahiers Henri Pourrat 15, 1998, 278.)
14. […] en jouant aux cachettes avec mon frère Paul, je m’enfermai dans le bas du buffet […]. (M. Pagnol, La Gloire de mon père, 1995 [1957], 36.)
■ remarques. La cachette courante (GarneretLantenne 1959, § 719), la cachette délivrante (〈Lorraine〉), les cachettes attrapées sont des variantes de ce jeu (cf. JaubertCentre 1864 cachette cachante et cachette voyante). « Les grandes papotaient assises, un ouvrage à la main. Elles raccommodaient ou commençaient
leur trousseau. Les petites jouaient à voix basse à la maman, à la corde, à la marelle
ou à la cachette délivrante » (A.-M. Blanc, Pays-Haut, 1988, 166) ; « Quand j’étais petit, je jouais à la cachette délivrante dans la cour de l’école » (MichelNancy 1994).
◆◆ commentaire. Cet emploi par restriction de fr. cachette "lieu où l’on se dissimule" est attesté dep. 1611 chez Jean Héroard [né à Montpellier] (« Joué à cachete, y faict jouer Mr de la Curée, lieutenant de sa compagnie de chevaux
legers », Journal, 26 mars, Paris, Fayard, 1989, t. 2, 1909), en 1719 chez Nicolas Gueudeville [né à
Rouen] (« Veux-tu donc finir le jeu, & remporter ton Vaisseau ? si tu joües à la Cachette, tu n’as qu’à te montrer, je me donne perdu » trad. de Plaute, Les Comédies, Leyde, Vander Aa, t. 9, 1re partie, 85)a et dans diverses régions de France ou chez des auteurs originaires de diverses régions :
Haute Bretagne (1927, Gyp, jouer à la cachette ; 1948, Guéhenno, jeu des cachettes, tous les deux dans Frantext et dans TLF ; Loire-Atlantique, v. Massignon, infra), Vendée, Charente-Maritime (Massignon,
infra) ; Lorraine (MichelLorr 1807, jouer à la cachette ; BlochVosgesMérFr 1921, 126 « cache-cache […] se dit couramment “cachette”, terme que je connaissais seul, à une date encore récente » ; 1925 « de folles parties de “cachettes” comme on dit en Lorraine » L. Bertrand, Jean Perbal, 251 dans Base Région ; ZéliqzonMetz 1930 ; LanherLitLorr 1990 ; MartinVosges 1993 ; MichelNancy 1994) ;
Doubs (MonnierDoubs 1857 « cache-cache (faire à la–), jouer à la cachette » ; BoillotGrCombe 1929) ; Jura (ToubinJura 1870 jeu de cachette s.v. davivib ; RobezMorez 1995 dans l’exemple s.v. entrôner) ; Rhône (VachetLyon 1907 ; MiègeLyon 1937 ; JamotChaponost 1975, 60), Provence (RollandGap
1810 ; ReynierMars 1878 jouer aux cachettes ; BrunMars 1931 jouer à cachette ; RostaingPagnol 1942, 120 jouer aux cachettes, aussi dans TLF), Ardèche (FaraçaVans 1992, 193, dans la métalangue), Auvergne (1789
« Ma belle-sœur, ma chère amie, est plus enfant qu’on ne l’est à son âge. Si elle osait,
elle ferait encore la poupée. Elle préfère jouer à cachette que faire cercle dans
un salon de compagnie » R. Bouscayrol, Les Lettres de Miette Tailhand-Romme, 1787-1797, Aubière, 1979, 90 [lettre du « début février 1789 » ; Miette, née en 1773 à Riom (Puy-de-Dôme), a toujours résidé dans la région] ; MègeClermF
1861 cachettes ; 1925, Pourrat, jouer aux cachettes attrapées, Frantext), Gironde (JBLGironde 1823, 24, sous la var. cachotte ; Massignon, infra). Il est aussi relevé en Belgique (PohlBelg 1950 ; Hanse 1994
cachette-caché ; LeboucBelg 1998 cachette et cachette-cachée), en Suisse romande (canton de Neuchâtel, où il est aussi passé en patois, v. GPSR)
et dans les français d’Amérique : Québec (1867, FichierTLFQ ; Clapin 1894 ; Dionne
1909 ; GPFC 1930 ; DQA 1992), Acadie (PoirierAcadG ; MassignonAcad 1962, § 1845 ;
CormierAcad 1999) et Louisiane (DaigleCajun 1984). Cette dispersion périphérique exemplaire,
qui confirme l’archaïsme de cet emploi, est probablement plus importante encore que
la documentation ne permet de l’appréhenderc, dans la mesure où ce type de vocabulaire est souvent laissé pour compte dans les
relevés. Les résistances au fr. cache-cache (attesté dep. 1722 dans un journal intimed ; 1778, v. TLF) montrent que ce dernier, privilégié comme standard, l’a emporté de
justesse comme candidat à la succession de cligne-musette ([ca 1462 la cligne musse CentNouv], 1534 à cline musette Rabelais – TLF « vx »). TLF donne cachette sans marque d’usage, avec des exemples de Gyp (1927), Pagnol (1931) et Guéhenno (1948) ;
Rob 1985 le mentionne sans marque au sing. mais « régional » au pluriel, avec un ex. de Pagnol (1948) ; il est absent de GLLF.
a Ces deux attestations sont dues à P. Enckell.
b Mais le même auteur emploie jouer à cache-cache s.v. coux.
c Ainsi dans l’Hérault (vieilli) et les Pyrénées-Orientales (peu répandu), d’après une
comm. de Chr. Camps.
d « Je jouais à cache-cache avec les autres écoliers » (Jacques Fontaine [né à Royan, en 1658], Mémoires d’une famille huguenote, éd. Bernard Cottret, Max Chaleil/Presses du languedoc, 1992, 69).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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