calade n. f.
I. 〈Rhône, Drôme, Provence, Gard, Hérault, Aveyron, Lozère, Ardèche〉 usuel
1. "lieu de passage (cour, place, escalier, surtout chemin, rue) pavé". Au lieu de laisser la calade qu’ils avaient qu’à pétasser*, ils ont tout goudronné (NouvelAveyr 1978). Les pavés disjoints de la calade (J.-P. Chabrol, La Banquise, 1999 [1998], 14).
1. Du pied de Borne, il faut monter à Planchampa par la route et de là suivre une calade sur trois kilomètres. / Descendre le fourrage est donc un problème. / Il est résolu
ainsi : on a construit des remises au bout de cette calade, des deux côtés, les charrettes y sont à l’abri, des charrettes qui apporteront le
foin coupé jusque là, puis petit à petit, quand il n’y aura pas de travail trop pressant
pour les cultures, on viendra le charger à dos de mulet pour le descendre en « trousses »*. (P. Blanc, « La Borne et ses problèmes », Lou Païs 149, novembre 1968, 207.)
a Commune du nord-est de la Lozère, à la limite de l’Ardèche, aujourd’hui fusionnée
avec Les Balmelles et Saint-Jean-Chazorne, sous le nom de Pied-de-Born.
2. Des tronçons de voie pavée ont été révélés par les récents travaux de nivellement :
l’une de ces « calades » rejoint le mas de Fenestres en partant de la rivière, l’autre longe son cours pendant
trois cents mètres […]. Il semble difficile de voir en ces chemins empierrés le tracé
de la voie d’Agrippa […]. (R. Chastel, « En parcourant la Margeride », Lou Païs 245, novembre-décembre 1980, 159.)
3. Le charroi des rues anime seulement les vieilles dictées de l’école primaire. Et encore.
Les charretons [= petites charrettes à bras], les chevaux, les charrettes n’ébranlent
plus les calades. (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 69.)
4. Au centre de la calade, devant le puits ornemental condamné depuis longtemps, se dressait, appuyé à la margelle,
un de ces deux-roues au port agressif, que les enfants appellent un trial. (P. Magnan,
Le Tombeau d’Hélios, 1985 [1980], 46.)
5. De cette tour [de l’Horloge, à Eygalières, Bouches-du-Rhône], un sentier se transformant
au bout de quelques mètres en calade permet, à travers un sous-bois de pins, de rejoindre la partie basse du vieux village.
(D. Bottani, Le Guide des routes de l’olivier, 1996, 202.)
6. L’installation d’une rigole au milieu de la calade facilite l’écoulement des eaux de pluie et évite ainsi l’inondation des cours de
maison ou de ferme. (Article concernant le Languedoc, dans Rustica, 19 février 1997, 13.)
— Par restr. "rue pavée en pente, en escalier". Prends la calade derrière la maison, tu iras plus vite (MédélicePrivas 1981). La calade qui menait à l’école a été goudronnée, je regrette les anciennes marches,
larges et basses (MazaMariac 1992).
7. À partir d’une certaine hauteur, la rue Saint-Merry n’était plus éclairée […]. Laviolette
pressa le pas. À mesure qu’il progressait sur la calade, le son s’amplifiait. (P. Magnan, Les Charbonniers de la mort, 1988 [1982], 92.)
8. Le ravi* était à sa fenêtre [dans une crèche provençale] ; il n’en finissait plus de s’émerveiller
de toutes ces belles choses qu’il voyait sur la place du village. Il ne restait plus
à présent que Grasset et Grassette que je mettais bras dessus, bras dessous pour qu’il
leur soit plus commode de remonter la calade jusqu’à l’étable. (G. Ginoux, Dernier labour au Mas des Pialons, 1994, 187.)
9. À Forcalquier [Alpes-de-Haute-Provence] on a reconstitué les calades en galets de rivière. (M. Rouanet, Dans la douce chair des villes, 2000, 38.)
● Par ext. "rue en pente".
□ En emploi métalinguistique.
10. Tout le long des deux kilomètres de la rue Nat’, si rectiligne dans sa forme de cuvette
(on appelle ça une calade, d’où le nom de Caladois donné aux natifs de Villefranche-sur-Saône), les conscrits
de toutes les décades défilent, bras dessus-dessous, sautillant d’un bord de rue à
l’autre. / Ce qui donne bien une vision de vague perpétuelle dans la grande descente,
tandis que dans la côte qui suit, les mouvements des conscrits ressemblent plus à
des reflux lassés. (L’Est Magazine, cahier de L’Est Républicain, éd. Nancy, 1er février 1998, 8-9.)
— Var. Le Puy callate (QuesnelPuy 1992).
2. "pierre servant à paver". Stand. dalle, galet, pavé.
11. La cuisine était une grande pièce […]. Le sol était en « calades », des dalles en pierre grise. (R. Depardon, La Ferme du Garet, 1995, 82.)
— Emploi non-comptable.
12. Le boulevard des Tilleuls […] était très mal éclairé. Bien qu’on l’eût recouvert de
bitume, on y lisait sur le sol les bosses de la calade qui l’empierrait encore récemment. (P. Magnan, L’Amant du poivre d’âne, 1988, 120.)
● en calade loc. adj.
13. […] la beauté de l’hôtel de ville [d’Aix-en-Provence] ! Grille forgée et cours pavée
en calade. (Ch. Roudé, Rue Paradis, 1987 [1986], 261.)
II. 〈Tarn, Aveyron〉 rural "petit sentier, passage étroit (dans la neige)".
14. Mais en ces jours de neige, il fallait aussi participer avec les hommes du hameau
au dégagement des rues. Nous tracions des calades, sentes étroites dans la neige par où l’on pouvait circuler ou mener boire les vaches.
(R. Béteille, Souvenirs d’un enfant du Rouergue, 1984, 156.)
◆◆ commentaire.
I. Emprunt ancien à l’occ. médiéval de la Basse Provence calada "voie pavée" (déjà 1218 dans le latin de cette région, « usque ad columpnam fixam in via que vocatur Calata » [l . « calata » ?], Cart. de Saint-Victor de Marseille, éd. Guérard, n° 864, et Avignon 1229 et 1243, v. DuC ; plusieurs ex. des 15e et 16e s. dans MeyerDoc, concernant les Alpes-de-Haute-Provence et les Alpes-maritimes),
calade s’est largement diffusé en français au nord de son aire d’origine sud-occitane (l’isoglosse
ca-/cha- peut servir de réactif). Dès le 16e siècle (ou, peut-être, le 15e), le mot est attesté dans une farce localisée « dans le Haut Dauphiné ou, en tout cas, non loin de cette région » (callade, v. Chambon MélVarFr III, 24), et il avait gagné Lyon dès le début du 17e siècle (1604, Rubys, Hist. véritable de Lyon, cité dans BerghotLyon 1828, 223). Il est aujourd’hui d’usage sporadique dans une
aire compacte du Sud-Est. Entré dans la lexicographie générale avec Cotgr 1611 (callate f. "chemin en pente", forme et sémantisme qui se retrouvent aujourd’hui au Puy), il est mal pris en compte
par les dictionnaires généraux contemporains, qui, soit le passent sous silence (GLLF,
Rob 1985, Lar 2000, NPR 2000), soit l’indiquent sans marque diatopique (TLF).
II. de caractère beaucoup plus local, est probablement emprunté à l’occitan de la région
correspondante. Aj. à FEW, loc. cit., où ce type n’est pas représenté dans l’Aveyron en ce sens.
◇◇ bibliographie. (I) DuPineauV ca 1750 ; VillaGasc 1802 ; PuitspeluPatLyon s.v. calade et s.v. Caladois (Cochard, av. 1834) ; PuitspeluLyon 1894 ; VachetLyon 1907 « ce mot très particulier à Villefranche, d’où vient aux habitants le nom de Caladois,
était aussi employé à Lyon » ; BrunMars 1931 ; NouvelAveyr 1978 ; MédélicePrivas 1981 ; TuaillonRézRégion 1983 ;
MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ;
VurpasLyonnais 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ;
Chambon MélVarFr III, 24 ; FEW 2, 99a, callis.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Var, Vaucluse, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 % ; Alpes-Maritimes,
15 % ; Hautes-Alpes, 0 %.
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