camp-volant n. m.
1. 〈Bourgogne, Champagne, Ardennes, Lorraine, Franche-Comté〉 fam., souvent péj. "membre du peuple des tziganes nomades ; par ext. personne sans domicile fixe, vagabond". Stand. gitan, vieilli bohémien, fam. manouche, souvent péj. romanichel. Synon. région. caraque*. – Abat-jour japonais acheté à des camps-volants italiens (Th. Malicet, Debout, frères de misère, 1962, 21).
1. – […] qu’est-ce qui te dit qu’ c’est un pauvre homme, d’abord, hein ?… C’est p’t’ête
bien un « camp volant » [en note : romanichel] ou bien un voleur […]. (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1989 [1973], 239.)
2. Quand les camps-volants passaient, on héritait souvent d’un sort (tout à coup les souris mangeaient les « pattes »* (tissus) […]). (L.-A. Gauthier, « Le mal de dents et les vieux Bressans », dans À travers notre folklore et nos dialectes (Bourgogne) 4, 1977, 247.)
3. Il y avait beaucoup de faiseurs de paniers, surtout parmi ceux qu’on appelait les
« camps-volants » ou gitans, ayant ordinairement mauvaise réputation (souvent imméritée sans doute).
(M. Sauvage, « Les travaux et les jours dans les Vosges saônoises », dans Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n.s., n° 9, décembre 1980, 262.)
4. – Beun !… chez nous, avant on entrait à la maison comme dans du beurre… les meurchands
[sic] ambulants, les camps-volants, les vagabonds. (Revue lorraine populaire, n° 51, avril 1983, 119.)
5. Enfants intrigués aussi et même effrayés quand passait une roulotte de romanichels
– les camps volants – qui, disait-on, volaient les intrépides pour les vendre on ne savait où. (J.-L. Clade,
La Vie des paysans franc-comtois dans les années 50, 1988, 134.)
6. Les camps volants ont laissé leurs roulottes à cheval pour de luxueuses caravanes tirées par des voitures
puissantes. (G. B., Neuves-Maisons, Meurthe-et-Moselle, dans L’Est républicain, 8 novembre 1999, 115.)
7. Il ne ressemblait à rien d’autre qu’à un gamin d’un âge perdu, élevé aux sentiers
et aux produits de rapine. Ses cheveux se tissaient de poussière et de crasse. Il
avait les jambes nues sous une culotte courte trop large. Sur ses genoux, des croûtes
brunes étoilaient comme des trophées de victoire sa peau sale de libre camp-volant. (Ph. Claudel, Quelques-uns des cent regrets, 2000, 15.)
V. encore s.v. berloquin, ex. 1.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident. Les bonnes langues affirmaient que son vrai père était un camp-volant, un homme de
roulotte (J. Lemaître, Les Hommes du fond, 1957, 13). Les paniers d’osier blanc sont tressés par les « camps volants » (les romanichels) (GarneretLantenne 1959, 220).
8. Les « camps-volants », c’étaient les bohémiens. On les appelait aussi les « romanichels » et par abréviation les « romanos ». […] C’est aussi parce qu’ils étaient vagabonds et qu’ils s’installaient dans les
villages en de véritables camps qu’on les appelait les « camps-volants ». (R. Bichet, Un village comtois au début du siècle, 1979, 141.)
9. […] ceux que l’on appelait à l’époque « les camps-volants » […], dont nous étions fiers de faire partie par ascendance paternelle. Aujourd’hui
pour faire plus moderne, on dirait gitans ou tsiganes […]. (G.-J. Feller, Libre enfant de Favières, 1998, 31.)
— on va te donner aux camps-volants ! loc. phrast. "(formule de menace envers un enfant désobéissant)" (DuraffHJura 1986).
— Par anal. Mémère s’effare à la vue de ces camps-volants [des réfugiés] (H. Lesigne, Un garçon d’Est, 1995, 121).
10. Il y a là [réfugiés pendant la guerre] des femmes de tous âges, encombrées de colis
et de petite marmaille, quelques vieux harassés, des gamins et des gamines affalés
sur des sacs tyroliens au sommet de charrettes dans les entassements de couvertures
et de matelas roulés […].
– Je m’appelle Anaïs. On habitait près de la gare. Nous v’là censément des camps-volants. (A. Perry-Bousquet, Les Landaus de la mère Aza, 1989, 61 et 63.) — Dans des comparaisons (surtout dans le domaine vestimentaire). J’irais cul nu par les rues, ni plus ni moins qu’un camp-volant (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 118). Habillé comme un camp-volant "vêtu misérablement" (TamineArdennes 1992).
11. – Voilà une drôle d’affaire, Gazette. Ce garçon-là est sûr de trouver ici vrais repas,
chemise lavée, chaussettes reprisées, et il préfère vivre là-haut, tout seul dans
sa Rouéchotte délabrée, comme un camp volant, avec un caleçon de crasse ! (H. Vincenot, Le Pape des escargots, 1982 [1972], 12.)
12. Nos deux espéditionnaires [sic] sont rentrés au Montceau deux jours après, […] sans le sou, dépenaillés comme des camps-volants et soûls comme des Polonais. (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 38.)
2. Par ext. 〈Lorraine, Franche-Comté.〉
2.1. vieilli "artisan ou marchand ambulant".
13. Des dizaines et des dizaines d’emplois furent ainsi supprimés par l’arrivée du chemin
de fer. Beaucoup de familles de rouliers, de bouviers, de convoyeurs et également
des sédentaires, furent obligées de s’expatrier, ce qui fit dire à mon père qui n’oubliait
pas certains quolibets :
– Eh bien, à présent, j’espère qu’ils ne nous traiteront plus de camps-volants ! C’est à leur tour de changer d’endroit pour gagner leur vie ! (A. Besson, Une fille de la forêt, 1996 [1987], 52.) 2.2. péj. "individu instable, au mode de vie marginal ; individu peu recommandable". Je ne peux pas faire confiance à ce camp-volant (MichelNancy 1994). Synon. région. caraque* (sens I.3), peillarot* (sens 2). – Le vieux camp-volant avait été relaxé (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 173).
14. Au coin de la rue Quand-Même est édifié le Luxhof, où l’on boit toute la nuit, où
l’on fait tourbillonner les filles les plus dégrafées de Cravanche et du Valdoie au
son d’un vacarme qui est la musique soufflée à pleins poumons de Gentil-N’a-Qu’un-Œil
et sa tribu de camps volants. (A. Gerber, Le Faubourg des Coups-de-Trique, 1982 [1979], 25-26.)
15. Une fausse note quand même à regretter : le vol […] de l’auto-radio du Belly fils,
commis place de la Mairie par un « camp-volant » qui a profité du concert pour « en jouer un air », détalant ensuite à toutes jambes sans demander son reste. (Les Annonces des Hautes-Vosges, 3 décembre 1989, 8.)
— Comme terme d’adresse. Bandit !… Camp-volant ! […] Voyou […], voleur (J. Desgênes, La Grange du Hazard, 1949, 71).
■ morphologie. Le f. camp-volante est peu usuel. « Ils avaient reçu un sort d’une vieille camp-volante […] » (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 154) ; « […] ou ces camp-volantes ont déjà filé […] ou elles m’attendent pour me dire au revoir » (St. Sagard, Tip-tap, 1998, 38). – LanherLitLorr 1990 ; MichelNancy 1994a. Noter aussi [kɑ̃vɔlin], vieilli, à Plancher-Bas/Champagney, Haute-Saône (J. D., Ronchamp).
a Aussi en Belgique (Avec tes boucles d’oreilles, t’as l’air d’une camp-volante PohlBelg 1950).
◆◆ commentaire. 1. Cet emploi, par restr. de fr. camp-volant "homme qui est continuellement par voies et par chemins" (dep. Landais 1834) – lui-même par méton. de fr. camp volant "camp provisoire" (dep. 1548 dans Th. Sébillot, v. TLF) –, est caractéristique d’une vaste aire de l’Est, qui comprend la Bourgogne (GuilleLouhans
1894-1902 ; TavBourg 1991 « très fréquent dans toute la Bourgogne orientale ; désigne tous les gens du voyage » ; ValMontceau 1997), la Champagnea et les Ardennes (TamineChampagne 1993 ; TamineArdennes 1992)b, la Lorraine (LanherLitLorr 1990 ; RoquesNancy 1991 ; MichelNancy 1994 ; LesigneBassignyVôge
1999) et surtout la Franche-Comté (MonnierDoubs 1857 ; ContejeanMontbéliard 1876 dans
la métalangue s.v. catenai et s.v. catin ; BeauquierDoubs 1881 ; BoillotGrCombe 1929 ; DoillonComtois [1926-1936] « fortement péjoratif » ; FleischJonvelle 1951 ; GarneretLantenne 1959 ; GrandMignovillard 1977 ; TuaillonRézRégion
1983 ; DuraffHJura 1986 « régionalisme inconscient » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; DuchetSFrComt 1993 ; RobezMorez 1995 « expression très vivante »), avec prolongement en Suisse romande (GPSR 3, 55). Dans cette aire, le mot a pénétré
les patois (v. par ex. BarreyBreuchin 1978, kanvolan, d’ailleurs défini "camp-volant" ; ALB 1522). Il n’est pas marqué diatopiquement par les dictionnaires qui le retiennent :
LittréSuppl 1877 (au sens de "coureur, vagabond", avec ex. d’A. Theuriet [enfance à Bar-le-Duc]), Rob 1985, TLF (mais avec un seul
ex. du Lorrain Moselly) ; les rares attestations en dehors de cette aire semblent
des clichés de la littérature régionaliste (Th. Monnier dans Rob 1985 ou Pourrat 1931
dans Frantext). 2. Absents des dictionnaires généraux, ces divers sens sont attestés en Lorraine (LanherLitLorr
1990 ; MichelNancy 1994) et Franche-Comté (MonnierDoubs 1857 ; DoillonComtois [1926-1936]
« fortement péjoratif » ; GrandjeanFougerolles 1979).
a On le relève en 1929 chez M. Arland, natif de la Haute-Marne (Frantext).
b Attesté pour le sud-wallon (FrancardBastogne 1994), le mot est connu en fr. région.
de la même région (Ardenne, Gaume) dans le sens de "vagabond" (Comm. de M. Francard).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance (pour le sens 1) : Franche-Comté, 90 % ; Ardennes et Champagne,
80 % ; Lorraine, 50 %.
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