caquer v. intr.
1. 〈Haute-Saône (Ronchamp vieilli), Ain, Rhône, Loire (Saint-Chamond, Le Pilat), Isère (spor.), Drôme, Ardèche (Annonay), Haute-Loire (Velay)〉 très fam. ou par plaisanterie, vieillissant "déféquer". Synon. vulg. chier. Synon. région. caguer*. – J'ai besoin de caquer, je pars (MartinPilat 1989 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; VurpasLyonnais 1993). Il caque sans arrêt depuis ce matin (FréchetDrôme 1997).
— Prov. fais du bien à Bertrand, il te le rend en caquant "(symbole de l'ingratitude)" (FréchetAnnonay 1995).
2. Au fig. 〈Ain〉 faire caquer loc. verb. très fam. "importuner". Stand. vulg. faire chier. – Tu nous fais caquer avec tes histoires ! (FréchetMartAin 1998).
■ remarques.
1. Ce sens figuré, explicite seulement pour l'Ain, est sans doute plus largement employé,
comme on peut l'inférer par la glose polysémique (et malheureuse) "chier" qui tient lieu de définition dans la plupart des dictionnaires régionaux.
2. L'absence du terme à l'écrit dans la documentation du DRF (mis à part les recueils
différentiels) est sans doute révélatrice de l'oralité et du vieillissement du mot.
◆◆ commentaire. Probablement dérivé sur fr. fam. caca "excrément" (dep. ca 1534, Bonaventure Des Périers, v. TLF), caquer est attesté dep. 1744 dans le français (très) fam. de Paris (« J'ay pris medecine aujourd'hui. […] Des que je tarde de me purger plus d'un mois,
tout est perdu. Atens, tiens, je vais encore caquer » Madame de Graffigny, Correspondance, 20 octobre, Oxford, The Voltaire Foundation, 1997, t. 5, 525, comm. de P. Enckell)
et encore à partir de 1884 (Villatte ; aussi Bruant 1901 et France 1910), où il ne
semble pas s'être maintenua, son emploi fig. relevé dans MerleArgot 1966 étant sans doute « importé de la région lyonnaise ». Son aire actuelle (Lyon et sa zone d'influence) semble en régression par rapport
aux relevés du début du 20e s. qui l'indiquent en usage dans le français de la Saône-et-Loire (Mâcon 1903-1926)
et du Doubs (Grand'Combe 1929), avec un prolongement en Suisse (Pierreh « mot trivial mais souvent regardé comme moins grossier que chier » ; Lengert 1994, avec exemple de 1963) ; le type caquer est également représenté dans certains patois : Wallonie, Est, Doubs, domaine frpr.b et jusqu'en occ. (FEW ; ALLy 525 ; ALJA 1439 ; ALMC 1311). L'opposition diaphasique
à chier a été, elle aussi (cf. caguer*) affirmée (« plus usité et moins grossier que son synonyme français » ContejeanMontbéliard 1876 ; « Nous faisons une énorme différence entre le terme lyonnais et son correspondant français.
Le premier, sans appartenir à la langue absolument littéraire, est beaucoup moins
bas que le second. Quand j'étais petit, on me tolérait l'emploi de l'un, on m'eût
sévèrement puni pour l'emploi de l'autre » PuitspeluLyon 1894 ; « beaucoup moins grossier que le verbe “français” équivalent » ParizotJarez [1930-40] ; « chier généralement senti comme plus trivial [que caquer] » Rob 1985 ; « on rencontre le verbe caquer de même origine que chier […] mais avec une moindre connotation de trivialité » TLF s.v. chier). Le verbe est enregistré dans Rob 1985 (caguer « argot » et caquer « régional (Est, Bourgogne, Wallonie, Suisse) », sans renvoi d'une entrée à l'autre) et dans TLF s.v. chier (rem. gén. 3 caquer « fr. région. et Suisse romande »).
a Encore qu'on se saurait négliger tout à fait, touchant la parlure vulgaire parisienne,
recaquer dans l'exemple suivant « J'avais pissé dans ma culotte et recaqué énormément […] » (Bernhard Steegmüller, Das von der Schriftsprache abweichende Vokabular in Célines ‘Mort à credit [sic]’, Francfort, 1981).
b Dep. fin 16e-déb. 17e s. (v. P. Enckell, RLiR 62, 1998, 578-579) « Iamei ne quaquei-tel que de dure crátole » (Laurent de Briançon, Trois poèmes en patois grenoblois du xvie siècle, 140 [fac-similé, Le Monde alpin et rhodanien, Grenoble, 1996, trad. et prés. par G. Tuaillon].)
◇◇ bibliographie. HumbGen 1852 ; ContejeanMontbéliard 1876 s.v. quaiquai ; BeauquierDoubs 1881 ; PuitspeluLyon 1894 ; GuilleLouhans 1894-1902 ; ConstDésSav
1902 ; DoillonComtois [1926-1936], comme mot de Besançon ; Mâcon 1903-1926 ; VachetLyon
1907 ; VeÿStEtienne 1911 ; BoillotGrCombe 1929 ; ParizotJarez [1930-40] ; MartinPilat
1989 « usuel » ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel » ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartinVelay 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « bien connu » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement connu » ; LaloyIsère 1995 ; SalmonLyon 1995 ; FréchetDrôme 1997 id. ; FréchetMartAin 1998 « usuel » ; FEW 2, 16b, cacare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ain, Ardèche, Drôme, Loire, Haute-Loire, Rhône, 100 % ;
Isère, 50 %.
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