carabassen [kaʁabasɛn] n. f.
〈Basse Bretagne〉 vieilli
1. "employée au service d’un ecclésiastique". Stand. fam. bonne de cure / de curé. – La « carabassenn » maugréait toujours (Y. Drezen, Notre-Dame Bigoudenn, 1943, 49).
1. La karabassen avait nettoyé l’autel, frotté les porte-cierges et le crucifix […]. (H. Queffélec,
Un recteur de l’Île de Sein, 1944, 24.)
2. […] sa vieille bonne en coiffe, sa « carabassen » à la peau jaune, au visage desséché, où veillaient deux yeux noirs au-dessus d’un
nez corbin, de lèvres minces et incolores, et d’un menton de galoche. (R. Madec, L’Abbé Garrec contre Carabassen, 1957, 9.)
3. Plus consciencieuse fut la karabasenn [en note : gouvernante de prêtre] d’un brave recteur* qui entreprit de casser les pierres en question [des huîtres] pour savoir ce qu’il
y avait dedans. Peu après, le prêtre la vit arriver, la mine dégoûtée, portant un
grand bol où elle avait déversé les chairs gluantes comme autant d’œufs à battre en
omelette. Une autre karabasenn fit le contraire. Elle servit les coquilles vides lors d’un repas de pardon* qui rassemblait une demi-douzaine d’ecclésiastiques. Et quand son recteur lui jeta
un regard étonné, elle s’exclama d’une voix offensée : « Eh bien quoi ! J’ai bien vidé les boyaux, non ! » (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 387.)
4. Mais que Dieu lui pardonne, ce n’est pas au visage que s’arrêta le regard du petit
curé. Henriette avait un corps de femme, plein, épanoui, un caraco gonflé au-delà
de l’imaginable, une basquine qui se balançait voluptueusement à chacun de ses pas.
/ Le petit curé eut une pensée rancunière pour Marie-Jeanne, sa carabassen, à son air mal-en-groin [= rébarbatif], à sa voix stridente, à sa silhouette émaciée…
(J. Failler, Le Gros Lot, 1996, 48.)
V. encore s.v. doué (ma–), ex. 4.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
5. Du bas de l’escalier, la vieille bonne clamait :
– Monsieur le recteur*, il y a du monde qui demande après vous ! L’abbé Garrec […] n’avait jamais pu obtenir que sa « carabassen », comme on dit en Basse-Bretagne, sa vieille servante, d’âge on ne peut plus canonique et quelque peu carabosse, gravisse l’étage pour lui dire qui le demandait. (R. Madec, L’Abbé Garrec et le rouge à lèvres, 1956, 9.) 2. Par ext. "employée de maison". Stand. fam. bonne.
6. Aline, c’était sa [au docteur] vieille bonne, sa « carabassen » de vieux garçon […]. (R. Madec, L’Abbé Garrec, gardien de phare, 1956, 42.)
7. Noël Roquevert, le comédien douarneniste, prenait congé sur la place des halles en
prétextant : « Excuse-moi, vieux ! Ma karabassenn m’attend […]. » Effectivement, le panier à provisions au bras[,] elle s’impatientait auprès de la
voiture. (PichavantDouarnenez 1978, 99.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
8. À en croire la rumeur, aucune femme, excepté Maine, sa vieille carabassen – mot désignant la bonne du curé et qui qualifiait par conséquent la vie monacale que
Nona menait entre les murs de sa propriété –, n’avait franchi la porte de Maner Coz depuis la mort prématurée de madame partie
ad patres sans lui laisser de descendance. (H. Jaouen, Flora des Embruns, 1991, 27.)
■ graphie. Les diverses graphies (aussi karabassen dans J. David, Bonsoir Marie-Josèphe, 1993 [1983], 101 et dans Le Pèlerin Magazine, 18 février 1994, 58) indiquent que le mot n’a pas de tradition écrite en français.
◆◆ commentaire. Absent des dictionnaires généraux contemporains, ce transfert du bret. karabassen, de même sens (Troude 1876 ; Hémon 1985), lui-même emprunté au fr. carabosse "vieille femme laide" (cf. RollandGap 1810 "personne contrefaite, bossue, ou de petite taille" ; MussetAunSaint 1931 "femme voûtée, courbée, bossue"), est attesté en français dep. 1897 (« Léna, la gouvernante [du presbytère de Motreff, Finistère], l’antique carabassenn, dessert sans bruit, de son allure rapide et ouatée de chauve-souris » A. Le Braz, « Pâques d’Islande », dans Magies de la Bretagne, éd. Lacassin, t. 1, 685). Il est encore de quelque usage dans le Finistère et dans
les Côtes-d’Armor.
◇◇ bibliographie. PicquenardQuimper 1911 carabassen, carabosse ; J. Follain, Petit glossaire de l’argot ecclésiastique, Paris, 1966, 17 « employé couramment entre eux par les ecclésiastiques bretons et par ceux-là mêmes
qui ignorent la langue bretonne » ; PichavantDouarnenez 1978 karabassen et 1996 karabasenne ; aj. à FEW 1, 468b-468a, *bottia.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, 45 % ; Côtes-d’Armor, 30 % ; Morbihan, 0 %.
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