castille n. f.
〈Orne (Domfront), Haute Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire (nord-ouest),
Loir-et-Cher (ouest), Vendée〉 rural Le plus souvent au pl. "fruit du groseillier à grappes, Ribes rubrum L., petite baie en grappes, de couleur rouge ou blanche (par opposition à groseille qui désigne exclusivement la groseille à maquereau)". Stand. groseille. – Année de castilles, année de sardines (J.-Cl. Boulard, L’Épopée de la sardine, 2000 [1991], 100).
1. « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ! » … « Quotidien », c’était pour moi un nom inscrit en caractères rouges sur le journal que chaque jour
le facteur apportait à mon père ! Pourquoi, le pain ? je n’en manquais guère et lui
préférais les gâteaux à étoile de sucre, les castilles et le reinet gris [= reinette grise] de la mère Couvrant. (R.-G. Cadou, Mon enfance est à tout le monde, 1985 [1965], 30.)
2. Les castilles étaient moins fatigantes à cueillir [que les fraises], debout près de l’arbuste.
Les grappes de fruits ronds, translucides, pesaient doucement au creux de la main.
La gelée était bonne à regarder autant qu’à manger. (L. Gaborit, Quand on était petits à la Tranchelardière, 1998, 91.)
— Par ellipse "confiture faite avec ce fruit". Castilles 1995 (Sarthe, étiquette d’un pot de confiture maison). Pot de castilles.
— Par méton. "arbrisseau cultivé pour ses fruits, dont on connaît de nombreuses espèces, particulièrement
le groseillier rouge Ribes rubrum L.". Synon. région. castillier*.
3. Le troisième étage [du jardin], au niveau des toits, le plus vaste, portait à la fois
le poulailler – sept poules – les clapiers (une bonne douzaine de lapins, bien soignés), toujours des fleurs et
des arbustes à fleurs – lilas, seringa –, une « bouillée »* de lis, du romarin, des zinnias, des reines-marguerites et pieds d’alouette saisonniers,
un vieil abricotier, plusieurs pêchers de tous âges et les deux poiriers Williams
objets des soins les plus attentifs, et encore des pieds de rhubarbe, des cassis et
des groseilliers, « castilles » rouges et blanches. (P. Goubert, Un parcours d’historien, Souvenirs 1915-1995, 1996, 31.)
■ dérivés. Même aire moins usuel castillier n. m. "groseillier à grappes, Ribes rubrum L."
◆◆ commentaire. Enregistré comme régional par le TLF (avec une citation du Normand La Varende), mais
non par les autres dictionnaires du français contemporain (Ø GLLF 1971, Lar 1982,
Rob 1985), le nom du fruit l’avait été de même, sans suite, par les Trévoux (« castille n. f. Qui se dit en Anjou, en Bretagne, et peut-être en quelqu’autres lieux pour
le fruit qu’on appelle à Paris, et dans la plupart de nos Provinces, groseille » Trév 1752-1771). Cotgr 1611 avait antérieurement enregistré sans marque le nom de
l’arbuste (« Castillier m. "the wild Gooseberrie shrub" » Cotgr 1611), de même que, plus tard et indépendamment, les Larousse (castillier s. m. "nom vulgaire du groseillier rouge ou groseillier à grappes" Lar 1867-1929). Ce dernier est d’ailleurs attesté plus précocement (Art de semer pépinières, Orléans, 1571, selon RollandFlore 6, 79) que le nom du fruit (1648, Les Dépenses de Pierre Botherel, éd. Parfouru, 83, selon TLF). Cette famille est bien documentée dans le français
de l’Anjou et de la Bretagne (« Nous les appelons castilles en Anjou » Mén 1694 ; « des castilles, des groiselles rouges », « un castillier, un groisellier rouge » tous les deux ca 1747, DuPineauR ; « castille s. f. C’est le nom que l’on donne à la groseille à grappes rouges ou blanches » LeGonidecBret 1819 ; « des castilles ; des groseilles rouges à grappes » LeMièreRennes 1824 ; Rennes 1842, CoulabinRennes 1891 xi ; « groseille à grappes, appelée aussi castille en Bretagne » Troude 1886, s.v. groseille) et, de là, le mot est passé dans le français de Saint-Pierre-et-Miquelon (BrassChauvSPM
1990). Dans les parlers dialectaux cette famille occupe une aire continue dans l’Ouest
du domaine d’oïl depuis le sud de la Normandie jusqu’à l’Aunis et de la côte Atlantique
jusqu’en Touraine et dans l’ouest du Loir-et-Cher (FEW 2, 462b, cassia ; ALF 670 ; 671 ; ALN 370 ; ALBRAMms ; ALO 370 ; ALIFO 261). Il est peu probable
qu’elle se soit diffusée du « substrat dialectal » (TLF, repris par RézeauOuest 1984) vers le français régional. La précocité des attestations
en français, étant donné que le groseillier n’est pas cultivé avant la fin du 15e s. (v. Möhren RLiR 50, 537-8), plaide plutôt pour une direction inverse. En outre
il paraît bien s’agir d’une formation savante à partir de casse n. f. "fruit du cassier" par un double diminutif (FEW 2, 463a) ou par analogie de myrtille (TLF), l’explication à partir de cassis (Gamillscheg Z 40, 164 ; Budahn ZFSL 63, 277-8) semblant improbable. Enfin les formes
dialectales poitevines ne montrent que rarement le traitement dialectal attendu [kastɛj] et s’accordent plutôt avec le traitement de la forme du français régional nousille n. f. "noisette" de cette zone qu’avec ses correspondants dialectaux [nuzɛj], [nuzœj] (PignonEvPhon 322 ; ALO 320) : la pénétration tardive du mot en aura empêché l’adaptation
dialectale.
◇◇ bibliographie. DuPineauR [1746-48] ; LeGonidecBret 1819 ; LeMièreRennes 1824 ; StMleuxStMalo 1923 ;
RLiR 42 (1978), 190 ; LepelleyBasseNorm 1989 ; BrassChauvSPM 1990 ; LepelleyNormandie
1993 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; SimonSimTour 1995 ; BlanWalHBret 1999 « très fréquent partout » ; FEW 2, 462b, cassia.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Loire-Atlantique, Sarthe, Vendée, 100 % ; Maine-et-Loire,
80 % ; Ille-et-Vilaine, 50 % ; Indre-et-Loire, 20 % ; Deux-Sèvres, Charente, Charente-Maritime,
Vienne, 0 %.
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