cayon ou caïon n. m.
1. 〈Allier, Saône-et-Loire (sud), Jura (Morez, Saint-Claude), Haute-Savoie, Savoie, Ain,
Rhône, Isère, Drôme, Hautes-Alpes (centre, Gap), Ardèche, Haute-Loire (Velay), Loire,
Puy-de-Dôme (spor.)〉 pop., rural "porc élevé pour l’alimentation". Stand. cochon. – Des petits cris de cayon (A. Burtin et al., Petites Histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 45).
1. Enfermé dans son laboratoire, Grasalard, assisté de son personnel, faisait des saucissons.
/ […] Grasalard professait que les seuls gorets dignes d’entrer en boyaux se trouvaient
ceux, mouchetés de noir, de l’espèce ancienne du Bugey ou du Dauphiné. Dans ces deux
provinces, il possédait en propre des élevages. Car, assurait-il encore, la bonne
race, seule, ne suffit point à donner de bons produits. Si vous foutez aux cayons des eaux de vaisselle, des déchets de légumes et les restes de la cuisine, mêlés
d’un peu de son, leur chair sera molle et terne. Mais si vous les nourrissez d’orge
moulu, de fèves, de châtaignes, de glands, de farine de maïs et d’avoine, alors vous
aurez de la viande rouge et de la belle graisse blanche, ferme et de haut goût. (M.-É. Grancher,
Le Charcutier de Mâchonville, 1945 [1942], 142.)
2. Fonse avait saigné un cochon, puis, il partit boire la « goutte » [en note : eau-de-vie] avec tous ceux qui avaient participé à la mise à mort. Il fallut bien
se remonter un peu. Quand le Fonse ressortit, quelle surprise !… Plus de caïon !… Tout le monde courut d’un côté et d’autre pour retrouver cette sale bête. À force
de virer autour de la maison, les hommes la retrouvèrent […]. Ce brave Fonse, qui
en avait vu bien d’autres, affirma que ce fut le premier caïon qu’il tua deux fois […]. (Cl. Fourneyron, Le Champi du Val d’Abondance, 1990, 50.)
3. La charcuterie, de préférence fumée, permettait aux montagnards isolés d’avoir de
la viande toute l’année, aussi le cochon ou « caïon » était-il considéré comme une véritable providence dans une famille. (Cuisine actuelle, n° 2, février 1991, 58.)
■ remarques. La forme cayou, emprunt direct à l’occitan, est « la plus vivante » en Ardèche (FréchetAnnonay 1995) ; « globalement bien connue » en Velay (FréchetMartVelay 1993), elle est aussi usuelle à Anneyron, dans le nord
de la Drôme (FréchetDrôme 1997).
2. Par méton. 〈Haute-Savoie, Savoie〉 "chair de cet animal". Stand. porc.
4. […] ça lui rappelle ses vacances d’écolier, sous l’Occupation, dans ce petit village
[…] où les Lyonnais pouvaient venir s’approvisionner en mangeaille : du cayon, des œufs, du claqueret [= fromage blanc battu], du beurre. (A. Burtin et al., Petites Histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 33.)
5. Sang de caïon frit : boudin sans la peau (Cuisine actuelle, n° 2, février 1991, 58.)
◆◆ commentaire. Originaire du Centre-Est, et notamment de la région lyonnaise d’où il a rayonné, cayon est attesté en français dep. 1388 (Forez, GononDoc 121) ; 1560 B. Aneau (né à Bourges,
mais ayant longtemps vécu à Lyon et dont le vocabulaire est marqué de lyonnaisismes ;
cf. B. Aneau, Alector ou le coq, éd. M.-M. Fontaine, Genève, Droz, 1996, 170, 228). C’est un emprunt à afrpr. cayon (dep. 1343 en Forez, GononLangVulg ; Gonon RLiR 24, 42 et 58). Accueilli comme régionalisme
dans les dictionnaires français (Th 1564 à Stœr 1638), il n’y est plus représenté
de nos jours et son étymon reste incertain (FEW 22/2, 1a-2b ; cf. CamprouxEssai, 636). L’extension géographique du régionalisme, attesté également
dans le français de Suisse romande (dep. 1539, PierrehSuppl), correspond à peu près
à celle du type dialectal, lequel s’étend sur l’ensemble du domaine francoprovençal
ainsi que sur la Haute-Loire, l’Ardèche, la Drôme et les Hautes-Alpes (ALF 1061 ;
ALJA 731 ; ALLy 321 ; ALMC 515 ; ALP 771).
◇◇ bibliographie. DuPineauV kaïon ; BeauquierDoubs 1881 ; PuitspeluPatLyon ; OffnerGrenoble 1894 ; PuitspeluLyon 1894 ;
ConstDésSav 1902 ; Mâcon 1903-1926 ; VachetLyon 1907 ; MiègeLyon 1937 ; BaronRiveGier
1939 ; GononForez, p. 224 ; ZumthorGingolph 1962 ; JamotChaponost 1975, 53 et 61 ;
RLiR 42 (1978), 163 ; ManteIseron 1980 ; MédélicePrivas 1981 « terme courant en zone rurale » ; TuaillonVourey 1983 ; GermiLucciGap 1985 ; DuraffHJura 1986 « très usuel » ; MartinPellMeyrieu 1987 ; DufroidVienne 1989 ; MartinPilat 1989 ; DucMure 1990 ;
TavBourg 1991 ; MazaMariac 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 ;
GagnySavoie 1993 ; VurpasLyonnais 1993 ; LaloyIsère 1995 ; RobezMorez 1995 ; GermiChampsaur
1996 ; DSR 1997 « pop., rural » (avec bibliographie intéressant la Suisse romande et le Val d’Aoste) ; FréchetDrôme
1997 ; FréchetMartAin 1998 ; PlaineEpGaga 1998 caillon « encore utilisé ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Haute-Loire (Velay), Savoie,
Haute-Savoie, 100 % ; Ain, 50 % ; Rhône, 30 %.
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