chapler ou chapeler v. tr.
rural, vieillissant
1. Jura (Saint-Claude), Haute-Savoie (Bornes, Chablais, Faucigny), Savoie (Maurienne), Rhône, Loire, Isère, Drôme, Ardèche (Annonay, Mariac), Haute-Loire (Velay) "couper en morceaux, hacher". Chapler les betteraves pour les animaux […], les pommes de terre pour faire des frites (DuraffHJura 1986). On chaple les pommes de terre et on les roule dans la cendre avant de les mettre en terre (FréchetAnnonay 1995).
2. Rhône, Franche-Comté "battre (la faux) avec un marteau spécial pour l’aiguiser". Avant de faucher, il faut chapler la daille* (VurpasLyonnais 1993).

remarques.
1. La graphie chapeler est celle des dictionnaires généraux ; le e intérieur n’étant jamais prononcé, c’est chapler qui est choisi par les lexicographes régionaux.
2. L’absence d’attestations écrites dans la documentation donne à penser que le mot est lié essentiellement à l’usage oral.
dérivés.
1. Provence pop. faire un chaple loc. verb. intr.
a) "faire un malheur, un massacre ; tout casser". « […] on appela les pompiers pour dire qu’une bête inconnue était en train de faire un chaple (c’est-à-dire un carnage) dans le poulailler. On s’y rua. C’était un renard » (P. Magnan, La Naine, 1987, 261) ; « […] c’est le moment que les Américains ont choisi pour bombarder la ville. Ils ont fait un chaple, ils nous ont fracassés » (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 201). Emploi tr. indir. « – […] il a craint sa femme, qu’elle lui aurait fait un chaple, à lui qui y était pour rien ! » (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 68).
b) "mettre le désordre". Stand. fam. semer la pagaille. « Tu as fait le chaple dans ta chambre et maintenant, tu ranges ! » (ArmKasMars 1998).
2. Bourgogne, Jura (Morez), Haute-Savoie (Chablais, Faucigny, Mont-Blanc), Savoie (Maurienne), Rhône (nord), Loire (Forez), Isère, Ardèche (nord), Haute-Loire (Velay) rural enchapler v. intr. et tr. "battre la faux". « Les anciens savaient enchapler les “dailles”* avec un marteau et une petite enclume. Aujourd’hui on les meule, ça va plus vite ; mais de toute façon, on s’en sert presque plus… » (TuaillonVourey 1983).
3. Saône-et-Loire (Mâcon), Jura (Morez), Rhône (nord), Loire (Poncins, sud), Isère, Ardèche (nord), Haute-Loire (Velay) enchaple n. f. "fil de la faux". « Cette faux coupe rien, elle n’a plus d’enchaple » (MartinPilat 1989) ; donner l’enchaple loc. verb. "aiguiser" (GononPoncins 1984). Déverbal du précédent.
◆◆ commentaire. Chapler "tailler en pièces" est attesté en afr. au 12e s. dans La Chanson de Roland (FEW) et ses correspondants sont relevés à partir du 16e s. dans les dialectes de la Galloromania. Il ne s’emploie plus guère en fr. standard que dans le sens "réduire le pain en miettes" (v. Rob 1985 et TLF), mais il a survécu dans l’Est au sens de "couper, taillader" (ici sens 1, non relevé dans la lexicographie générale contemporaine) ; le sens 2, par restriction, est enregistré avec la vague mention « régional » dans Rob 1985 et TLF (qui donne un ex. de Pergaud). Le dérivé chaple, relevé dans divers glossaires régionaux (ConstDésSav 1902 ; BlanchetProv 1991 ; ArmanetBRhône 1993), est attesté dep. l’afr. (FEW). Quant à enchaple et enchapler, ce dernier attesté au 17e s. en Suisse romande (enchaipler, Pierreh), ils correspondent à des mots patois très répandus dans tout le domaine francoprovençal et en occitan, attestés dep. le 15e s. (FEW).
◇◇ bibliographie. RollandGap 1810 ; HumbGen 1852 ; GasconDoubs 1870 ; PuitspeluLyon 1894 ; CarrezHJura 1906 ; Mâcon 1926 enchaple et enchapler ; Pierreh ; ParizotJarez [1930-40] ; Gardette MélMichaëlsson 1952, 168 ; FaureYssingelais 1973 ; ManteIseron 1980 ; TuaillonVourey 1983 ; GononPoncins 1984 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 ; DucMure 1990 ; TavBourg 1991 ; ColinParlComt 1992 (cite Pergaud 1914 « l’enclume à "chapeler" les faux ») ; MazaMariac 1992 ; QuesnelPuy 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 ; DuchetSFrComt 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; GagnySavoie 1993 ; VurpasLyonnais 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme 1997 ; Lengert Amiel ; MartelBoules 1998 faire un chaple ; FEW 2, 279a-b, cappare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (sens 1) Drôme, Haute-Loire (Velay), 100 % ; Savoie et Haute-Savoie, 75 % ; Ardèche, Isère, 50 % ; Loire, 20 % ; Ain, Rhône, 0 %. – (faire un chaple, sens a) Bouches-du-Rhône, 80 % ; Alpes-Maritimes, Hautes-Alpes, 50 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 30 %.