chouchen [ʃuʃɛn] n. m.
〈Basse Bretagne〉 usuel "boisson alcoolisée à base de miel dilué dans l’eau (parfois dans du jus de pomme ou
dans du cidre)". Stand. hydromel.
1. Quant aux étrangers de passage, ils […] dégusteront des crêpes de sarrazin, de la
bouillie d’avoine, des fruits de mer (quel drôle de nom !), du pain noir (très à la
mode, le pain noir), de la soupe de poisson dans les ports bigoudens. Ils iront même
jusqu’à goûter le chouchenn dans leurs jours d’audace. Et tout le monde sera content. (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 528.)
2. Travailleurs et ruffians, bardes parlant au plus haut de leur langue par les vertus
du chouchenn [en note : boisson à base de miel], paysans et pêcheurs, ramasseurs de peaux de lapins et coureurs
de pays, bourgeois perdus dans d’autres vices, filles de feu, femmes mortes en couches,
veuves morticoles, douairières encapuchonnées de paille, tous réclamaient rémission.
Les braves gens ! Depuis que leurs carcasses attendaient le dernier Jugement dans
les cimetières de Plescop, de Grand-Champ, de Locqueltas ou de Locmaria, on se rendait
compte à des signes qu’ils ne connaissaient ni trêve ni repos. (Ch. Le Quintrec, Bretagne est univers, 1988, 18.)
3. Imogène, la célèbre créature écossaise ressuscite en Bretagne. Adieu tartans, adieu
whisky. Dominique Lavanant [une actrice], détective de choc, n’a qu’un regret : dans
cette série [télévisée] on carbure au chouchen, pas au calva. (Télérama, 4 janvier 1989, 40.)
4. Il faut dire que le communisme sud-finistérien gardait des aspects folkloriques qui
m’attachaient : il accentuait par son recrutement l’étrangeté du paysage humain breton
qui me plaisait tant. […] Point de réunions fixes pour ces laboureurs de la mer, de
temps en temps seulement, le samedi soir ou le dimanche, un meeting chauffé aux alcools
du cru (le chouchen, l’ancien hydromel gaulois qui attaquait le cervelet : les ivrognes tombaient en arrière,
sur le dos). (J. Gracq, Carnets du grand chemin, 1992, 133.)
□ En emploi autonymique. Voir s.v. kouign-amann, ex. 8.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
5. Et le chouchen, vous connaissez ? C’est un hydromel, liqueur à base de miel appréciée, dit-on, par
les druides. (Cuisine actuelle, n° 17, mai 1992, 61.)
■ encyclopédie. « […] l’hydromel est une dilution aqueuse de miel ; toute dilution de miel avec un jus
de fruits ou avec une boisson fermentée (cidre ou vin) n’a pas droit à l’appellation
“Hydromel”. De même, l’appellation “Chouchen” n’est applicable qu’à l’hydromel. En effet, d’aucuns voulaient faire une différence
entre l’appellation bretonnante “chouchen”, mélange de miel et de cidre ou de jus de pomme, et l’appellation française “hydromel”, mélange d’eau et de miel. » (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Bretagne, 1994, 45.) Plusieurs bars ou cafés sont à l’enseigne du Chouchen, ainsi le Café Le Chouchen à Saint-Denoual (Côtes-d’Armor).
◆◆ commentaire. Transfert du bret. chouchenn "hydromel" (Hemon 1985), habituellement adapté en chouchen (mais v. ici ex. 1 et 2). Le mot connaît une certaine dérégionalisation par la voie
du tourisme et du fait de certains engouements pour les productions de la France profonde
(cf. « […] mon frère boit du chouchen en mangeant des crêpes fourrées de celtitude », H. Prudon, Plume de nègre, 1987, 42). Il n’est pris en compte ni par la lexicographie générale (sauf Lar 2000
« région. (Bretagne) ») ni par les relevés régionaux ; un article chouchenn manque au FEW.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Morbihan 100 % ; Finistère, 95 % ; Côtes-d’Armor, 65 %.
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