clapier n. m.
1. 〈Savoie (Haute-Tarentaise), Hautes-Alpes, Provence〉 "amoncellement de débris de roches au pied d’une paroi rocheuse". Stand. éboulis. – On montait par les clapiers, on entendait les marmottes, elles prévenaient de notre
approche (GagnySavoie 1993).
1. […] la course d’un lapin fit rouler une pierre : elle tomba sur un clapier de cailloux bleus, qui formait un éventail, sur la pente raide d’une sorte de balcon.
Le clapier se mit en marche, dans un bruit de grêle et de désastre, et coula jusqu’à mes talons
submergés. (M. Pagnol, La Gloire de mon père, 1995 [1957], 129.)
2. Le Père Mayen. […] ma mère a recommencé à cultiver cette vigne près du grand clapier. (Cl. Frédéric, On piègera la sauvagine, 1984, 49.)
3. Il arrive que la roche s’entasse dans les ravins en « clapiers » instables, hantés de vipères, où personne ne songe à s’aventurer. D’autant plus chargés
de roches que la falaise au-dessus est plus haute. (J. Onimus, Les Alpes-Maritimes, 1999, 35.)
2. 〈Savoie, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Provence〉 "tas constitué de pierres ramassées au fil des années dans les vignes et les champs". Synon. région. murger*.
4. L’enfant reviendra, dans le soir et la douceur de la Grande Montagne. Il remettra
ses pas dans ceux du petit berger de dix ans, ce Ricon, lointain cousin, qui gardait
les vaches à la Cochette. Il aura refait, comme lui, le geste millénaire d’ôter les
pierres du champ, mais il ne les portera plus au clapier. (S. Fabre-G., L’Isère, 1999, 135-136.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident. Les « clapiers », ces entassements de pierre provenant de l’épierrage des champs (D. Bottani, Le Guide des routes de l’olivier, 1996, 68). V. encore ici ex. 5.
3. Loc. et prov.
— tu ne trouverais/il ne trouverait pas une pierre au clapier loc. phrast. "(pour dire à quelqu’un ou de quelqu’un qu’il n’est pas dégourdi)".
5. Ce défrichement annuel et progressif d’une terre à peine arable a marqué les versants
cultivés des Alpes par des tas de pierres longitudinaux, par des clapiers. Et le mot n’était pas un mot technique, comme dans les ouvrages des géographes, c’était
un mot quotidien : combien de fois ai-je entendu : « Tu ne trouverais pas une pierre dans un clapier » ? (TuaillonSurv 1983, 14.)
— les pierres vont au clapier prov. "la chance favorise toujours les mêmes personnes".
6. – De ce cochon de bon Dieu, disait-elle, il ne pense toujours qu’aux mêmes ! On a
bien raison de dire que les pierres vont au clapier ! (M. Bernard, Pareils à des enfants, 1994 [1941], 132.)
■ morphologie. 〈Isère〉 clapière n. f. "id." « – […] des petits bergers […] ont découvert la souche d’un gros arbre, dans les clapières, sous le Plat de la Selle » (R . Canac, Vivre ici en Oisans, 1991, 41). – RLiR 42 (1978), 165 (Isère).
◆◆ commentaire. Type lexical attesté dans le Centre-Est, en afrpr. dep. 1210 "garenne, trou de lapins" (Forez, v. TLF) et 1456 clappier (« Les supplians mirent le corps d’iceluy Brigant soubz un clappier et monceau de pierres » Gdf, lettre de rémission non localisée [lyonn. d’après FEW]), et dep. 1365 dans le
français de Bourgogne (glapier "cabane où l’on élève des lapins", FEW), le mot est caractéristique des domaines frpr. et pr. où il est largement attesté
en toponymie pour désigner un terrain pierreux (v. TLF ; attestations de clapier dans les Alpes de 1789 à 1921 dans DDL 27). Certaines extensions géographiques témoignent
d’une connaissance du terme en dehors des aires où il est d’usage courant : ainsi
au Puy, sans doute au sens 1 (v. QuesnelPuy), et en Dordogne, au sens 2 : « une sorte de clapier sauvage de pierre [sic] et de tuiles brisées » (H. Noullet, La Falourde, 1996, 234). Au sens 1, le terme est enregistré par les dictionnaires de géologiea et les dictionnaires généraux contemporains le marquent « géol. et région. » (TLF), « alpin. » (Rob 1985 et NPR 1993-2000) ; GLLF le donne sans marque, mais avec un ex. de l’alpiniste
savoyard Frison-Roche. Le sens 2 est absent des dictionnaires généraux. 3. Le proverbe est relevé en français dep. VillaGasc 1802 ces pierres vont aux clapiés "le bien cherche le bien ; la balle va au joueur", calque de pr. la peiro toumbo toujour au clapié (PellasAix 1723).
a Ainsi Georges Plaisance, André Cailleux, Dictionnaire des sols, Paris, La Maison rustique, 1958 (v. TLF), qui l’indiquent pour la Haute Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence).
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; PomierHLoire 1835 porter des pierres sur les clapiers ; GabrielliProv 1836 la pierre va au clapier ; BrunMars 1931 ; RLiR 42 (1978), 165 (1) Chamonix, Hautes-Alpes et (2) Savoie, Isère ;
BouvierMartelProv 1982 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; GagnySavoie 1993 ;
QuesnelPuy 1993 "tas de pierres" « reprend de la force chez les citadins amateurs de marche » ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme 1997 (2) ; FEW 2, 735b, klappa (aj. ALJA 156, ALP 126).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : 1. Bouches-du-Rhône, 60 % ; Hautes-Alpes, Var, 50 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse,
30 %. 2. Hautes-Alpes, 100 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Var, Vaucluse,
50 % ; Alpes-Maritimes, 35 %.
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