claver v. tr.
I. 〈Ille-et-Vilaine, Morbihan (Belle-Ile), Loire-Atlantique, Mayenne〉 fam. vieillissant "fermer (une porte) à clé". Synon. région. barrer*, cléter*.
1. Quand je pense, que me disait Milien, que dans le temps, chez nous, de jour comme
de nuit, on clavait jamais les portes. (H. Bouyer, L’Eclair, 2 juillet 1984, dans BrasseurNantes 1993.)
— Par métaph.
2. […] ils arrivent à la grande grille que clavent des ronces rouillées […]. (J.-L. Trassard, Des cours d’eau peu considérables, 1981, 175).
■ variantes. 〈Calvados, Orne〉 cléver ; 〈Calvados, Manche〉 cléfer.
II. 〈Provence (spor.), Gard, Lot (sud), Lozère, Haute-Loire (Velay)〉 vieillissant "id.". N’oublie pas de claver (QuesnelPuy 1993).
3. Le père Cazenave [factotum d’un lycée, réputé originaire de Castelnau-Montratier (Lot)]
replaçait la serrure.
Dans cinq minutes ce sera fait : M. le Proviseur pourra claver sa porte. – Comment dites-vous ? Le vieux Cazenave est surpris : il n’avait pas entendu venir M. Doche. Il se sent presque pris en faute : – Je dis : claver… C’est un mot de chez nous pour dire fermer. Bien sûr, ce n’est pas français mais que voulez-vous… l’habitude. (G. Coulonges, Pause-café, 1984 [1980], 268.) — 〈Marseille〉 "s’avouer incapable de répondre, de donner une solution" vieilli Stand. fam. donner sa langue au chat. – C’est bon, là, je clave (ArmKasMars 1998) ; la claver loc. verb. "cesser de parler, se taire". Stand. fam. la fermer. – Tu peux te la claver un moment (ibid.).
◆◆ commentaire.
I. Survivances de dérivés formés sur le représentant de lat. clavis "clé". Malgré l’absence d’attestations répertoriées avant le 19e siècle, les formes verbales typiques du nord-ouest du domaine d’oïl : Basse-Normandie,
Haute Bretagne, Bas Maine, Anjou (FEW 2, 766a, clavis ; y ajouter Domfront cleuveu, cleufeu, quieuveu, Jers. cliaver, cliéver) sont de formation ancienne. Le modèle morphophonologique y est semblable à celui
du dérivé médiéval, typique de cette zone, avette n. f. "abeille" à partir de ef "id.". Les formes à radical clev‑, attestées dans certains parlers dialectaux de Basse-Normandie, de Haute Bretagne
et du Bas Maine reposent vraisemblablement sur des régularisations à partir des formes
fortes (cf. les formes de Haute Bretagne de type lèver v. tr. "laver" FEW 5, 213a). Le radical en cléf- est une réfection moderne sur le substantif. Si la vitalité de ce verbe est à l’époque
actuelle déclinante dans sa zone d’exclusivité de l’Ouest, les marins terre-neuvas
ont réussi à implanter dans le français de référence clavé "enfermé dans une banquise" (dep. 1842, TLF). Pour un exemple antérieur à la période ici considérée, v. A. de
Châteaubriant, La Brière, dans la base Région : « La porte est clavée de tous côtés »).
II. est emprunté d’occ. clavar v. tr. "fermer à clé", attesté depuis le 12e siècle (Rn) et répandu à travers tout le domaine occitan (FEW 2, 766a), enregistré au sens traditionnel comme un régionalisme de Provence par Lar 1869
et Guérin 1892, puis repris de ceux-ci par TLF, sans exemple (absent de GLLF et Rob 1985),
mais qui semble n’être en usage que de façon sporadique dans la partie méridionale
de la France : même s’il est enregistré dans divers recueils différentiels, il est
en régression et « n’est plus utilisé [à Marseille] au sens propre pour "fermer à clé" » (ArmKasMars 1998).
◇◇ bibliographie. (I) EudelNantes 1884 j’ai clavé ma porte au verrou ; LepelleyBasseNorm 1989 (« cléver Usuel : Orne (ouest). Attesté : Calvados (centre) ; cléfer Employé : Manche (sud). Attesté : Calvados (centre) ») ; BrasseurNantes 1993 ; GallenBÎle 1997 ; BlanWalHBret 1999 (« peu fréquent, Ille-et-Vilaine. Connu dans le Maine »). – (II) BrunMars 1931 "donner sa langue au chat" ; BlanchetProv 1991 ; CouCévennes 1992 ; QuesnelPuy 1993 ; MazodierAlès 1996 ; ArmKasMars
1998 ; BouisMars 1999.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Sarthe, 65 % ; Ille-et-Vilaine, 50 % ; Maine-et-Loire, 15 % ; Loire-Atlantique,
0 %.
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