cotriade n. f.
〈Côtes de Bretagne, de Vendée et d’Aunis.〉
1. usuel "plat de poisson et pommes de terre, accompagnés du bouillon dans lequel ils ont cuit". Synon. région. chaudrée*, godaille*.
1. Chaque port de pêche de Bretagne a sa façon particulière de préparer la cotriade, plat typiquement breton comprenant une soupe et un ragoût de poissons. On peut faire
une cotriade avec un seul poisson : congre ou maquereau. Mais on peut utiliser plusieurs poissons
tels que : congre, sardine, lieu, maquereau, vieille, merluchon, daurades [sic, au pluriel], etc. La cotriade de Concarneau n’est faite que de sardines à peine pochées. […] La cotriade du Morbihan est un peu plus aromatisée et on ajoute des moules, des crevettes décortiquées
ou des langoustines. (Y. Meynier et J. de Roincé, La Cuisine rustique. Bretagne, Maine, Anjou, 1970, 76.)
2. […] elle aimait le poisson plus que son mari, savait le préparer comme pas une, mijotait
des cotriades à damner un ermite et n’avait pas son égale pour ramender les filets. (P.-J. Hélias,
L’Herbe d’or, 1982, 41.)
3. […] la cotriade qui, richement faite, peut être appelée la « bouillabaisse bretonne » mais, chez nous, servie dépourvue de sauce ou d’ornement, que je trouvais toujours
pleine d’arêtes inextricablement mêlées aux quartiers de pommes de terre […]. (A. Pollier,
Femmes de Groix, 1983, 145.)
4. À Brigneau, en ces heures de pêche miraculeuse, il n’y a guère encore, on servait
la cotriade chez Brintin à de fines gueules de poètes comme Jean Laugier, Lionel Ray, Pierre
Michel et Louis Le Cunff. Il y avait une grande jouissance de toutes ces espèces poissonnières
à déguster, et la soupe ultime, servie par une Marie-Louise très experte, égalait
à elle seule les festins de Luculus [sic]. (Ch. Le Quintrec, Bretagne est univers, 1988, 18.)
5. À la nuit tombante l’équipage se réunit à l’arrière du bateau où Ange Derrien avait,
sur son feu, préparé la cotriade. […] Ange avait fait cuire un beau morceau de congre sur des pommes de terre et des
oignons… Le patron taillait dans une énorme miche des tartines de pain larges comme
la main. De la pointe du couteau, nous découpions des morceaux de poisson que l’on
étendait sur le pain et, avec une cuiller composée d’une petite coquille Saint-Jacques,
emmanchée sur une tige de bois, nous prenions le délicieux bouillon qu’avaient rendu
le congre et les légumes. (J. Failler, L’Ombre du Vétéran, 1994 [1992], 248.)
6. Et lui manquait le cri des oiseaux de mer qui plongent dans la vague de la tempête,
le petit temps qui colle les voiliers sur l’étendue mouvante, le bêlement des moutons,
le varech que l’on sèche, et puis les siens, le soir à la veillée, entre cotriade et pipes odorantes, avec le feu qui crépite sous l’eau qui bout… (A. Jacq, Légendes de Bretagne, 1996, 50-51.)
7. […] des moules-frites, une cotriade ou du thon grillé […]. L’ambiance [d’une fête à Lesnevenen, Finistère] y était simple,
décontractée, familiale et conviviale ; maritime à souhait… (Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, éd. Morlaix, 15 août 1997, 13.)
V. encore s.v. chaudrée, ex. 3.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
8. La cotriade, cette soupe préparée avec les poissons des côtes de Bretagne, servie avec du pain
bis frotté à l’ail. (Pays et gens de France, n°3, les Côtes-du-Nord, 8 octobre 1981, 4e de couverture.)
9. […] la cotriade, savoureuse recette, typiquement bretonne, une fameuse soupe de poissons pochés avec
des légumes. (J.-Cl. Ribaut, dans Le Monde, 23 juillet 1997, 18.)
2. Par méton. vieilli "part en nature que reçoit chaque marin pêcheur au retour de la pêche". Synon. région. godaille*.
10. « Le Bon Abri », comme la plupart des cafés du port, a ses clients fidèles […]. On boit sec […] et
il arrive qu’il y ait « de la viande saoule » et « du vent dans les voiles ». Mais nos hommes ne sont pas méchants, ma tante parvient sans trop de mal à les calmer
et à limiter la consommation des plus enragés. Pour récompense, elle reçoit toujours
les plus beaux poissons extraits des « cotriades », car les marins d’alors ne sont pas regardants : des caisses entières de sardines,
de larges raies, des soles, des araignées… (M. Richard, Une enfance heureuse. Une enfance vendéenne, [après 1960], 78.)
11. – […] T’as pas ta cotriade ?
– Y avait pas grand-chose, je l’ai laissé à bord. (I. Favreau, Les Mouettes en rient encore, 1987, 154.) □ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
12. La cotriade est la part que se réserve le marin […] ; son seul luxe. Ce sont les plus belles
pièces, pas touchées par la glace qui amollit les chairs. (I. Favreau, Les Mouettes en rient encore, 1987, 32.)
— "poisson(s) provenant de cette part en nature".
13. De ce jour Fanchic devint clochard […], cueillant des palourdes et des berniques sur
la grève*, mendiant des miettes et des cotriades, chassant les escargots au petit matin. (L. Jégou, Le Bénitier du diable, 1982, 98.)
◆◆ commentaire. Terme caractéristique du français des côtes de Bretagne, cotriade s’est étendu aux côtes de Vendée et d’Aunisa. Il est attesté au sens 2 dep. 1877 dans le syntagme sardines de cotériade (« Sardines de cotériade, celles que l’armateur distribue aux marins de l’équipage à
l’arrivée des bateaux » Tarifs des Douanes, dans LittréSuppl) ; au sens 1 dep. 1898 (« La cotriade […] est tout simplement une soupe de sardines ou d’autres poissons frais.
Ceux-ci étant cuits, on trempe la soupe dans une vaste soupière, et l’on verse dessus
un peu de beurre fondu au noir. Le poisson se mange, baignant dans un peu de soupe,
salé et poivré, avec un filet de vinaigre, avant – comme les pêcheurs – ou après la
soupe » Le Cordon-bleu, 21 août 1898, 187-188, dans HöflerRézArtCulin ; même date dans TLF, tirée de Lar 1900) ;
1917 dans la littérature (« Sur le quai des petits ports, au retour des barques, les baigneurs, nombreux cette
année-là, amusés, secrètement intimidés par le ton des marins, qui n’aiment pas le
marchandage, achetaient à n’importe quel prix des poissons même de second choix, des
plies, des cats, des tacots, des vieilles, tout ce qui, dans les mois d’hiver, est
acheté par les pauvres et sert à faire la cotriade » R. Bazin, La Closerie de Champdolent, Paris, 1917, 66). Emprunt au breton kaoteriad f. "contenu d’une chaudière, d’une marmite" (dérivé sur breton kaoter f. "chaudière, marmite" Hemon 1985 ; cf. BrassChauvSPM 1990 s.v. tiaude), accueilli sous la forme cotriade dans les dictionnaires dep. Lar 1900.
a Plusieurs restaurants sont à l’enseigne de La Cotriade : à Paimpol et à Perros-Guirec (Côtes-d’Armor), au Palais (Morbihan), aux Herbiers
et à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée).
◇◇ bibliographie. LittréSuppl cotériade ; BuléonBBret 1927 « il a passé tel quel du breton en français » ; LarGastr 1938 cotriade ou bouillabaisse bretonne ; absent de GLLF ; TLF sans aucune mention diatopique ; RézeauOuest 1984 et 1990 ;
Rob 1985 « régional » ; PichavantDouarnenez 1978 cottériade, cotriade et 1996 kotriade, kottériade ; Lar 2000 « cuisine bretonne » ; NPR 2000 « plat breton ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Côtes-d’Armor, 65 % ; Charente-Maritime, Vendée, 50 % ;
Finistère, 40 % ; Morbihan, 10 %.
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