courater v.
1. Emploi intr. 〈Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Ardèche (Annonay, Privas),
Puy-de-Dôme, Haute-Loire (Velay)〉 fam. "aller ici ou là au gré de sa fantaisie ; perdre son temps en courses inutiles". Stand. traîner. – Je me demande quand is [sic] font leur travail : is [sic] sont tout le temps à courater (GononPoncins 1984).
1. Les parents, comme de coutume, refuseront de les laisser aller [à la fête] […]. Une
fois rentrée, entre la soupe et le fromage, chacune tente une nouvelle démarche auprès
du père ou de la mère. Refus net : – « Non, je ne veux pas que tu courates ; je te l’ai déjà dit. Les voisines d’ailleurs, n’iront pas et tu passerais par les
langues [= serais l’objet de commérages]. » (M.-L. Pomel, « Les filles de Ladoux », L’Auvergne littéraire 174/175, 1962, 29.)
2. […] aller courater avec les garagnats [= galopins] du village dans les rues, les ruisseaux ou les bois
[…]. (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 56.)
3. Charles, qui n’aime pas trop faire le paysan, n’aide pas beaucoup à la terre. Il préfère
chasser ou pêcher. […] Hochant la tête et retournant à l’ouvrage qui n’attend pas,
elle [sa femme] pense : les hommes sont justes [sic] bons à ça, courater, boire un coup, pas méchants, non, mais sans cervelle […]. (M. Chaix, Juliette, chemin des cerisiers, 1986 [1985], 18.)
2. Emploi tr. 〈Doubs, Jura (Morez, Saint-Claude), Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Forez, Isère
(La Mure, Villeneuve-de-Marc), Drôme, Ardèche (Annonay, Privas), Haute-Loire (Velay)〉 péj. "courir après".
4. – Bon… On va donner l’assaut. Henri, c’est toi qui cours le plus vite des trois. S’il
essaie de se tailler, c’est à toi de le courater et de lui plonger dans les pattes, compris ? (Chr. Delval, La Vieille Trompe, 1982, 173.)
— Emploi pronom. récipr.
5. Pi les chats qu’ont pas arrêté d’ naviguer à la grange. I’ s’couratent l’un à l’autre ces crevures. Oh ! ce bazar qu’y ont fait. Oh la la la si j’ai mal
dormi. (L. Semonin, La Madeleine Proust en forme, 1984, 12.)
6. Les écureuils, ils se courataient comme des garnements, alors j’ai pas voulu faire de peine à l’un ou à l’autre en
tuant son copain, ou bien fallait tuer les deux et j’ suis pas sûr que j’ pouvais
[…]. (M . Vuillemin, La Mort de Fany, 1994, 59.)
3. En part.
— Emploi intr. "rechercher des aventures sentimentales".
7. […] on ferait mieux de s’intéresser aux bourgeoises du quartier qui couratent à gauche et à droite. […] Et un beau jour qui se retrouvent plaquées par leurs petits
amis. (J.-N. Blanc, Chiens de gouttière, 1989, 100-101.)
8. Arrivés à l’âge où l’on commence à s’intéresser aux filles, ma mère nous interdisait
de « couratter » [sic] pour ne point ressembler à nos camarades qui galopaient de jupon en jupon, comme
de vrais « couratiers »* qu’ils étaient. (Ch. Exbrayat, Des parfums regrettés, 2000, 44.)
— Emploi tr. "chercher à avoir des relations amoureuses avec (qqn)". Synon. fam. draguer. Synon. région. furer*. – Toujours à courater les filles, ton démon de fils (MédélicePrivas 1981).
9. – Et pi, j’étais pas l’ seul à la [une jeune fille] courater ; l’ Paul aussi […]. (M. Vuillemin, La Mort de Fany, 1994, 182.)
■ variantes. 〈Franche-Comté〉 couroter (DromardDoubs 1991 et 1997).
■ dérivés. couratier, ‑ière n. péj.
1. 〈Indre (Issoudun), Saône-et-Loire (Mâcon), Doubs, Jura, Savoie, Ain, Lyon, Loire, Isère
(Iseron, Vienne, Villeneuve-de-Marc), Drôme, Ardèche〉 "personne recherchant des aventures sentimentales". Stand. coureur, ‑euse. « […] les gothons, les catheaux et les couratières qui avaient la cuisse hospitalière […] » (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 284) ; « Je me suis laissé dire qu’avant ton mariage t’avais été un fameux couratier et que moi, j’ai dû me contenter des restes » (Ch. Exbrayat, La Désirade, 1985, 433) ; « Les Prériot étaient originaires du massif Central. […]. C’étaient des mécréants qui
buvaient comme des trous, des “couratiers” (coureurs de jupons) qui trompaient leurs femmes et les battaient, de même qu’ils
martyrisaient leurs enfants » (A. Besson, Une fille de la forêt, 1996 [1987], 149) ; v. encore ci-dessus ex. 8. – Emploi adj. « Y paraît qu’elle [sa femme] serait morte de chagrin, vu qu’il était couratier et cherche-rogne […] » (A. Burtin et al., Petites Histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 42) ; « […] mon image de marque ne s’améliorait guère : comme j’essayais prudemment de remuer sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler je devenais hypocrite comme ma mère, arrogante comme elle, mais surtout il était
bien prouvé que j’étais couratière […] » (M. Exbrayat, Maria de Queyrières, 1990, t. 2, 42).
2. 〈Indre (Issoudun), Lyon, Drôme, Ardèche (nord)〉 "personne qui perd son temps en courses inutiles". « Je lui ai dit que c’était des couratiers, ils sont toujours en voyage, mais je crois bien que couratiers ça veut dire autre chose de…, j’espère qu’elle a compris » (Témoin, 82 ans, Désaignes, Ardèche, 13 juillet 1995).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1864 dans le Centre, au sens 1 (JaubertCentre, FEW), courater a été relevé à Genève dès 1560 (GPSR) ; au sens 2 à Lyon dep. le 17e s. (FEW). L’aire actuelle de cet archaïsme (encore présent dans les parlers du sud
de la Wallonie, v. FrancardBastogne 1994) intéresse le centre-est de la France et
se prolonge en Suisse romande ; il est dérivé sur le radical de courir, avec le suffixe ‑at‑, en infixe, à valeur fréquentative. Dérivé sur courater, le subst. couratier, ‑ière est attesté en français dep. 1903 (Mâcon "celui ou celle qui court après une personne de l’autre sexe").
◇◇ bibliographie. JaubertCentre 1864 ; GasconDoubs 1870 ; BeauquierDoubs 1881 ; PuitspeluLyon 1894 ;
Mâcon 1903-1926 ; CarrezHJura 1906 ; VachetLyon 1907 ; CollinetPontarlier 1925 ; BoillotGrCombe
1929 ; PrajouxRoanne 1934 ; MiègeLyon 1937 ; BaronRiveGier 1939 ; ParizotJarez [1930-40] ;
DornaLyotGaga 1953 ; EscoffierStéph 1972 courater et couratier ; JamotChaponost 1975, 60 ; GrandMignovillard 1977 couratier ; MédélicePrivas 1981 ; TuaillonRézRégion 1983 courater et couratier ; ArmanetVienne 1984 couratier ; GononPoncins 1984 « le mot est cru français » ; MeunierForez 1984 ; DuraffHJura 1986 ; GuichSavoy 1986 ; MartinPellMeyrieu 1987 ;
MartinPilat 1989 ; DucMure 1990 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; ColinParlComt 1992 ;
VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 ; GagnySavoie 1993 ; FréchetMartVelay
1993 ; QuesnelPuy 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 "avoir la courate ; courir les aventures sexuelles" ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ; BerthierIssoudun 1996 couratier ; CottetLyon 1996, 121 couratier « très usité » ; DSR 1997 (avec bibliographie intéressant la Suisse romande) ; FréchetDrôme 1997 ;
FréchetMartAin 1998 ; PlaineEpGaga 1998 couratter « encore utilisé » ; FEW 2, 1569b, currere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Ain, Ardèche, Loire, Haute-Loire (Velay), Rhône, Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Drôme,
65 % ; Isère, 60 %.
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