cran2 n. m.
〈Nièvre (ouest), Saône-et-Loire, Côte-d’Or (sud)〉 "sable granitique grossier". Synon. région. gore*. – Je ferai venir une benne de cran pour mettre dans la cour (JacomyCreusot 1982, cité dans ValMontceau 1997).
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident
1. Un amoncellement […] de blocs rocheux et de cran ou arène recouvre le niveau ancien en bordure du plateau. / […] arène ou « cran » brun […] mêlée de blocs et de morceaux de granite […]. / Le cran […] est presque stérile. (Groupe de recherche archéologique de Gueugnon-Montceau,
« Le Mont Dardon », Revue de la Physiophile, n° 79, décembre 1973, 38, 46 et 49.)
2. […] un terrain vague planté de deux ou trois pins rabougris, avec des escarpements
de roche rouge très friable (le « cran », cher aux « paysagistes » amateurs creusotins). (R. Boutavant, Mémoire de vie 1911-1979, 1992, 20.)
■ remarques. Le terme est absent de J. Beaujeu-Garnier, Le Morvan et sa bordure : étude morphologique, Paris, PUF, 1951, où l’auteur parle d’arène ou de sable aréneux.
◆◆ commentaire. Attesté dans des aires discontinues dans divers patois d’oïl (Eure, Gaume, Morvan,
Saône-et-Loire) en des sens voisins, le terme semble un héritage d’un préroman *kranno- (FEW)a. Sous la forme cron, il est enregistré au 19e s. dans Boiste 1803 ("amas de petites coquilles") et AcC 1838 (« terre, sable, où l’on voit beaucoup de débris de coquillages. Il se dit, dans le nord
de la France, pour, plâtras ou gravois ») ; encore ALPic 25 et ALN 107. Il ne semble aujourd’hui usuel en français qu’en Saône-et-Loire
(où il est attesté à Chapaize dep. 1756 « gros sable vulgairement appelle crant » JeannetSLoire ; à Couches dep. 1782 « le crex ou cran qui doit servir de sable » ibid. ; à Mâcon dep. 1903 "sable granitique"), dans le sud de la Côte-d’Or et l’ouest de la Nièvre. Le témoignage de la toponymie
(v. G. Taverdet, Microtoponymie de la Bourgogne 3, 450-451) pourrait faire penser que le mot possède depuis longtemps un caractère
régional (mais P. Lebel avouait n’avoir « pas encore relevé [son] existence dans les textes du moyen âge » (Mémoires de la Commission des Antiquités du département de la Côte-d’Or 21, 1938-39 [publ. en 1942], 597).
a Frm. cran "sous-sol dur ou rocailleux entre la roche vive et la couche végétale" (NouvelAveyr 1978), attesté dans le français de l’Aveyron dès 1879 sous la forme
cron (ChambonVayssier), n’est pas étymologiquement le même que celui de Bourgogne. Dans
l’Aveyron existe aussi le type tran (FEW 21, 35b), pratiquement de même sens (ALMC 90*), que l’on peut ramener à *terramen (FEW 13/1, 254a, où figurent quelques exemplaires du même type), v. RLiR 42, 79, n. 2. Par ailleurs,
Aveyr. cran, possédant un dérivé en crómas (+ -aceu), remonte à un ancien *cram (Cantal cram, tiré de Malvezin, est à biffer FEW 2, 1311b, cremare). Peut-être faudrait-il dès lors, pour Aveyr. cron et tron, partir de *terramen. – J.-P. Chambon.
◇◇ bibliographie. Mâcon 1903-1926 ; ChaurandThiérache, 255 ; RégnierMorvan 1979 ; BouLeScCaux 1981 "terre dure, faite d’argile et de caillou, qui se travaille mal". Du cran ; TuaillonRézRégion 1983 ; ALPic 25 ; ALB 261 ; TavBourg 1991 (« usuel dans le Morvan ; apparaît dans la presse ») ; ValMontceau 1997 « très connu » ; FEW 21, 35b-36a ‘rocher’ ; BaldEtym 1, § 145.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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