cru, crue adj. et adv.
〈Surtout Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Oise, Aube, Ardennes, Lorraine, Franche-Comté,
Haute-Savoie, Savoie, Ain〉 surtout en fonction d’attribut usuel
1. [En parlant du temps atmosphérique] "froid, humide et pénétrant". Le fond de l’air devient cru (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1990, 29). Le fond de l’air reste cru (TamineArdennes 1992). Le temps est cru aujourd’hui (FréchetMartAin 1998).
1. Toute la journée, l’air était resté « cru ». Mais la soirée était si belle que Léon avait décidé de sortir. (G. Lemaître, Les Hommes du fond, 1957, 120.)
2. L’automne déjà rougit les bois. L’air, cru au petit matin, se réchauffe aux rayons d’un beau soleil qui monte dans un ciel sans
nuage. (J. Reyboz, Douceur d’automne, 1984, 19.)
— [En parlant d’un local] "où règne un froid humide et pénétrant". La pièce située au nord est plus crue que les autres mieux exposées (DuraffHJura 1986).
3. Elle est bien gentille cette Martine. Pi c’est beau Montbéliard ! Eh ben y sont ben
installés. C’est dommage, elle est un peu crue cette maison. (L. Semonin, La Madeleine Proust en forme, 1984, 35.)
2. ça/il fait cru loc. verb. impers. "il fait un temps froid, humide et pénétrant". Il faisait cru le matin (M. Chaulanges, La Terre des autres, 1971, 122). Il fait bien cru. Ça sent la neige (GuichonnetSavoy 1986). Il fait cru aujourd’hui (CartonPouletNord 1991). Mets ton anorak, ça fait cru aujourd’hui (GagnySavoie 1993). Aujourd’hui, il fait cru, mets ton tricot (MichelNancy 1994).
4. Je veux* rentrer maintenant, il fait cru et je sens le froid dans le dos. (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1990, 75.)
5. […] il faisait cru, et le ciel partiellement couvert n’incitait pas les gens à bavarder devant l’église.
(M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 77.)
6. Il portait une canadienne, sachant, par expérience, que le premier mai, de bonne heure
dans le haut Doubs, il fait généralement cru. (M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 98.)
◆◆ commentaire. Attesté en français dep. le 14e s., sous la plume de Froissart, originaire de Valenciennes (crut, v. TLF), ce sens, par anal. de fr. cru "qui n’a pas subi de cuisson" (dep. la fin du 12e s., v. TLF), est pris en compte de nos jours par les dictionnaires généraux : Rob 1985
« régional : Est et Nord, etc. ; Belgique, Suisse, Canada », sans ex. ; TLF « région. (Nord et Est de la France, Canada) », avec un ex. de Malègue [né en 1876 dans le Puy-de-Dôme ; installé à Nantes à partir
de 1922], daté de 1933 ; Lar 2000 « Belgique, Suisse ». Il est caractéristique d’une vaste aire qui va, en France, du Nord à la Savoie et,
plus largement, s’étend aussi à la Belgique (MassionBelg 1987 ; FuchsBelg 1988 ; Belg
1994 ; Hanse 1994 ; DelcourtBelg 1998 ; LeboucBelg 1998), à la Suisse (v. DSR 1997,
avec bibliographie ; LengertAmiel) et au Québec (DQA 1992 ; DHFQ 1998 « peu usité chez les jeunes » ; v. aussi Chauveau Dialangue avril 1996, 27) ainsi qu’à l’Acadie (PoirierAcadG ; NaudMadeleine 1999), mais il
est parfois employé en dehors de cette aire (v. Gide dans GLLF, sous une définition
inappropriée) ; le sémantisme a été aussi observé dans les patois de Wallonie, du
Nord, de Picardie, d’Ille-et-Vilaine, des Ardennes, des Vosges, de Suisse romande
et de Savoie (FEW ; aj. ALPIc 321). L’ancienneté et la grande diffusion du fait donnent
à penser qu’il peut s’agir d’un emploi populaire, autrefois plus général, qui n’a
jamais pénétré le français de référence.
◇◇ bibliographie. ConstDésSav 1902 ; CollinetPontarlier 1925 il fait cru ; BoillotGrCombe 1929 ; DuraffVaux 1941, § 5470 « cru, crue ; en part. froid et humide, en parlant du temps » (dans la métalangue) ; GrandMignovillard 1977 ; DuraffHJura 1986 « régionalisme inconscient » ; GuichSavoy 1986 ; LanherLitLorr 1990 « partout » ; BessatGerMtBl 1991 « courant » ; CartonPouletNord 1991 ; DondaineMadProust 1991 « dans toute la Franche-Comté » ; RoquesNancy 1991 ; TrouttetHDoubs 1991 ; ColinParlComt 1992 ; GuilleminRoubaix
1992 ; TamineArdennes 1992 ; DuchetSFrComt 1993 ; GagnySavoie 1993 ; ValThônes 1993 ;
MichelNancy 1994 « connu » ; RobezMorez 1995 « courant dans le Haut-Jura » ; DSR 1997 (avec bibliographie ; aj. LengertAmiel) ; FréchetMartAin 1998 « globalement bien connu » ; LesigneBassignyVôge 1999 ; FEW 2, 1369a-b, crudus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardennes, Doubs, Meuse (nord), Nord, Pas-de-Calais, Haute-Saône,
100 % ; Aisne, 80 % ; Moselle, 75 % ; Jura, Marne, Territoire-de-Belfort, 65 % ; Vosges,
55 % ; Aube, Somme, 30 % ; Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, 25 % ; Oise, 20 % ; Meuse,
15 %.
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