dire v.
I. 〈Loire-Atlantique, Centre-Ouest〉 usuel quelle heure dis-tu ? / quelle heure dites-vous ? loc. phrast. "(pour demander l’heure)". Stand. as-tu/avez-vous l’heure ? ; tu as /vous avez l’heure ? – je dis x heure(s) "(pour indiquer l’heure)".
□ En emploi métalinguistique.
1. L’expression usuelle pour demander l’heure à quelqu’un est « Quelle heure tu dis/vous dites ? » à laquelle on répond « Je dis 3 heures », par exemple. (BlanWalHBret 1999).
II. Au part. passé.
1. 〈Moselle (est), Alsace, Jura (nord)〉 usuel comme dit loc. adv.
— "comme convenu, comme il a été dit". Comme dit, il faudra le reprendre ici (Tailleur, à propos d’un costume, enquête 1989, dans SalmonAlsacianismes 1991, 337).
Comme dit, on devra la dévitaliser (Dentiste, à propos d’une dent, ibid.).
— En emploi explétif. Comme dit, si quelque chose ne va pas, vous le rapporterez (Tailleur mulhousien, à propos d’un costume, enquête de 1989, dans SalmonAlsacianismes
1991, 338).
2. Elle a travaillé toute sa vie, cte pauv’ femme ! Du 1er janvier à la Saint-Sylvestre comme dit ! (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 196.)
2. 〈Moselle (est), Alsace〉 usuel franchement dit loc. adv. "vraiment".
3. – Tu veux pas un autre morceau [de tarte] ? Franchement dit ? (Sophie G., 87 ans, Oberbronn, Bas-Rhin, 12 août 2000.)
III. Au part. passé en emploi subst., dans la loc. verb. ne pas vouloir que ce soit le dit 〈Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales,
Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère, Ardèche, Haute-Loire
(Velay), Puy-de-Dôme, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques,
Landes, Gironde〉 fam.
1. "refuser de reconnaître une évidence ou une chose que l’on a faite, qui peut être considérée
comme gênante ou compromettante pour soi". Il croque beaucoup d’argent au tiercé mais, quand je lui en parle, il veut pas que
ce soit le dit (MartinPellMeyrieu 1987). Sa maison, elle lui coûte le double de ce qu’il avait prévu, mais il veut pas que
ce soit le dit. (DucMure 1990). Il a bien vieilli, mais il ne veut pas que ce soit le dit (VurpasMichelBeauj 1992). Il a eu très peur, mais il ne veut pas que ce soit le dit (GermiChampsaur 1996). Il ne veut pas que ce soit le dit, mais il était bien saoul (FréchetMartAin 1998).
4. Sur ma gauche, mais assez loin, il y a un troupeau de moutons […]. Peu à peu, il se
rapproche. Je regarde le manège du berger. Il m’a vu, et il a envie de savoir qui
je suis. Il ne veut pas que ce soit le dit. Il fait comme s’il suivait les moutons, mais il les pousse. (J. Giono, Les Grands Chemins, 1951, 17.)
5. Comme prévu, je suis passé au Domaine aider le jeune à poser sa clôture […]. Le premier
jour, ça allait encore, j’avais du mal à suivre, mais je ne voulais pas que ce soit le dit. On a sa fierté. (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 126.)
— ne pas vouloir que ce soit le dit que + prop. complétive "refuser que l’on puisse dire de soi que".
6. Ainsi regardez le maire, Baudis, Toulousain et maire de Toulouse de père en fils.
Ecoutez-le plutôt. On dirait qu’il ne veut pas que ce soit le dit qu’il est né sur les bords de Garonne. Il parle si carrément pointu que mêmes les roses et le lait ne sont plus des pièges pour lui, pas plus que les
in ou les an. (Y. Rouquette, « Histoires de parler », dans Toulouse, 1991, 141.)
2. "ne pas vouloir encourir un reproche pour une chose que l’on n’aurait pas faite". J’irai la voir à l’hôpital, je veux pas que ce soit le dit, pourtant je lui en veux
toujours (MazaMariac 1992).
■ variantes. fam.
1. 〈Puy-de-Dôme〉 ne pas avoir le dit [var. du sens 1]. « Laure ne fut pas battue. […] / – Ou alors, dit mémère, elle aura encaissé sans crier.
Pour ne pas avoir le dit » (G. Conchon, L’État sauvage, 1967 [1964], 93).
2. 〈Dordogne〉 ne pas vouloir qu’il m’(t’ / lui, etc.) en soit le dit a) [var. du sens 1]. « – Qui vous a dit qu’à Paris on dansait tout nu ? il m’a fait, comme pour s’en défendre.
Il voulait pas sans doute qu’il lui en soit le dit » (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 40). b) [var. du sens 2]. « Enfin, M. le Curé est arrivé que mon père respirait encore. J’aurais pas voulu qu’il me soit le dit qu’il était mort sans sacrements » (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 80).
3. 〈Lot-et-Garonne〉 ne pas vouloir être le dit [var. du sens 1]. « Il n’était pas d’accord avec les autres, mais il a accepté quand même parce qu’il
ne voulait pas être le dit » (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 278). 4. 〈Provence〉 pour ne pas que ce soit le dit [var. du sens 1]. « – Tu comprends, plaida le Polycarpe, bientôt c’est les élections, je vais avoir besoin
d’argent pour payer à boire. Il faut s’y prendre de bonne heure […]. Et d’ailleurs
pour ne pas que ce soit le dit, qu’on est obligé de réaliser, j’ai vendu la parcelle au vieux Savouillan […] » (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1991], 245).
◆◆ commentaire.
I. Absent des dictionnaires généraux et peu représenté dans les relevés régionaux, ce
tour est fréquent dans le Centre-Ouesta.
II. Non pris en compte par la lexicographie générale, le tour comme dit est d’usage fréquent dans le français oral d’Alsace ; calque d’als. all. wie gesagt, de même sens, il n’a été relevé que dep. 1932 (v. WolfFischer) ; le tour franchement dit, d’usage pourtant très fréquent, calque d’all. ehrlich gesagt, est sans tradition lexicographique et n’a pu être documenté à l’écrit.
III. Non enregistrée par la lexicographie générale, cette locution est attestée dans le
français de Toulouse dep. 1768 (« Il ne sera pas le dit, pour Il ne sera pas dit » et « Je ne veux pas qu’il soit le dit que j’ai fait un mauvais marché » Desgrouais 149 et 273). Malgré sa stigmatisation par les puristes au cours du 19e s., elle est toujours en usage dans une vaste aire méridionale, au sud d’une ligne
qui va de Bordeaux à Bourg-en-Bresse.
a C’est le regretté J. Boisgontier qui m’en a fait prendre conscience et m’a dit l’avoir
observé lui-même à diverses reprises (P. R.).
◇◇ bibliographie. (I) BlanWalHBret 1999 « très fréquent » ; aj. à FEW 4, 467b, hora. – (II) WolfFischerAlsace 1983 s.v. comme ; SalmonAlsacianismes 1991, 337 ; aj. à FEW 3, 67b, dicere. – (III) DesgrToulouse 1768 ; VillaGasc 1802 ; JBLGironde 1823 ; SaugerPrLim 1825 ; PomierHLoire
1835 ; PépinGasc 1895 ; SéguyToulouse 1950 ; ManryClermF 1956, 404 ; MartinPellMeyrieu
1987 ; MartelProv 1988 ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 40 ans, en léger déclin au-dessous » ; DucMure 1990 ; BoisgontierAquit 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; MazaMariac 1992
« tournures extrêmement fonctionnelles dans la langue parlée, non perçues comme régionales
par les locuteurs » ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « globalement connu » ; FréchetAnnonay 1995 « usuel chez les informateurs de 40 ans et plus » ; LaloyIsère 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme 1997 « globalement connu » ; FréchetMartAin 1998 « globalement attesté » ; MichelRoanne 1998 « connu » ; aj. à FEW 3, 67b, dicere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (II.1.) Haut-Rhin, 90 % ; Bas-Rhin, 70 % ; Moselle (est), 65 %. (II.2.) Bas-Rhin, Haut-Rhin, 100 % ; Moselle (est), 90 %. (III) Hérault, 100 % ; Aude, Gard, 90 % ; Lozère, Pyrénées-Orientales, 85 %.
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