espoutir v. tr.
〈Hautes-Alpes, Provence, Gard, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron〉 fam. "écraser, mettre à mal". Stand. fam. écrabouiller. Synon. région. escagasser*. – Maman, il m’a espouti ma poupée (NouvelAveyr 1978). Y a un fada* qui m’a espouti la bagnole (BouvierMars 1986).
1. – Il faut aller chercher le bull [= bulldozer] !
– C’est ça ! Comme ça si quelqu’un est encore en vie là-dessous [les décombres], vous risquez de l’espoutir ! (P. Magnan, Un grison d’Arcadie, 1999, 194.) — Surtout au part. passé/adj. "écrasé, mis à mal". Si tu mets les poires au fond du panier, elles vont être toutes espouties (GermiLucciGap 1985 ; GermiChampsaur 1996). Si tu mets les pêches au fond du panier, elles vont arriver tout espouties (LangloisSète 1991).
2. On comprit un peu plus tard quand on vit le premier huissier repartir tout espouti avec son beau costume comme une vraie estrasse*. (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 27.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
3. […] à ce moment-là déjà, monsieur Constantin devait être complètement espouti. Ecrabouillé, si tu veux, qui se prétend plus séant, n’en dit pas la moitié ! (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1991], 277.)
● Au fig. "abruti".
4. – Tu te rends compte ! Rêveur, notre René ? Mais il est complètement « espouti », cet enfant. Regarde-le, mais regarde-le donc, ajoute-t-il en se tournant vers moi.
Mon père aimait placer des mots provençaux dans ses phrases. C’était sa manière de rendre à la langue française, qu’il trouvait guindée, un peu de sa liberté perdue. […] Par bonheur, au détour d’une expression fabriquée, surgissait un mot inattendu, puisé dans ce qu’on appelait alors le « patois », vieille langue de la terre et de la mer, et aussitôt le récit reprenait vie et couleur. (H. Bonnier, L’Enfant du Mont-Salvat, 1985 [1980], 211.) ■ variantes. 〈Dordogne〉 époutir (PierdonPérigord 1971).
— 〈Drôme〉 Emploi pron., par métaph. s’espoutir de rire "rire abondamment, sans pouvoir se retenir". Stand. fam. crever/ mourir/se tordre de rire. Synon. région. s’estrasser* de rire.
5. […] les spectateurs s’espoutirent de rigolade juqu’au bord d’en exploser. (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 71.)
◆◆ commentaire. Emprunt de l’oralité, expressif, à l’occ. (attesté dep. alang. « totz espotiz » Recettes médicales […] du xve siècle […], publ. par Cl. Brunel, Toulouse, 1956, § 670), en usage principalement dans le français
de Provence et du Languedoc occidental. Absent des dictionnaires généraux contemporains.
◇◇ bibliographie. SéguyToulouse 1950 ; NouvelAveyr 1978 ; GermiLucciGap 1985 ; BouvierMars 1986 ; LangloisSète
1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; GermiChampsaur 1996 ; MazodierAlès 1996 ; ArmKasMars
1998 ; RoubaudMars 1998, 83 ; BouisMars 1999 ; MoreuxRToulouse 2000 ; FEW 9, 550b-551a, puls.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (espoutir) Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne (18/20 témoins). (espouti) Hautes-Alpes, 75 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse,
50 % ; Var, 30 % ; Alpes-Maritimes, 5 %. EnqCompl. 1999. Taux de reconnaissance : (espoutir) Var, 75 % ; Gard, 20 % ;
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