étoule, étrouble n. f.
rural, spor. Surtout au pl. "chaume qui reste sur place après la moisson ; par méton. champ moissonné et non déchaumé". Stand. éteule.
I. 〈Bourgogne (surtout Côte-d’Or), Haute-Marne, Franche-Comté〉 étoule. – Les étoules, remises en terre par la charrue, constituent un bon engrais (DromardDoubs 1991-1997).
1. Les quelques kilomètres qu’il fallait parcourir pour se rendre à pied d’œuvre [dans
un champ à glaner] demandaient un premier effort et, en arrivant dans les « étoules » écrasées de lumière, nous étions déjà bien accablés de chaleur et altérés. (A. Nicoulin,
Le Dessus du Mont, 1979, 182.)
2. En octobre-novembre, le paysan « recassait » les champs : un premier labour enterrait les « étoules ». (J.-L. Clade, La Vie des paysans franc-comtois dans les années 50, 1988, 80.)
3. Un feu d’étoules embrase 25 tonnes de paille. (Le Bien public, 29 août 1990, dans TavBourg 1991.)
— En contexte métaphorique.
4. Les longues moustaches roussaudes retournaient à la farouche broussaille, les lourdes
tignasses redevenaient touffes d’étoules. (H. Vincenot, Les Chevaliers du chaudron, 1960, 76.)
II. 〈Allier, Cher (sud), Saône-et-Loire (sud), Haute-Marne, Franche-Comté (nord), Ain,
Rhône, Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Haute-Loire (Velay)〉 étrouble. – C’est difficile de marcher dans une étrouble (MartinPellMeyrieu 1987). C’est difficile de marcher dans les étroubles (VurpasMichelBeauj 1992).
5. Après la moisson, les gerbes de blé ou d’avoine sont mises en tas […]. Quand on les
a enlevées il reste les « étroubles » (les éteules) où le berger peut conduire son troupeau de moutons. (FleischJonvelle
1951, 29.)
6. Le mode de culture, semi-industriel, que nous connaissons de nos jours fait que les
« étroubles » deviennent rares, les champs étant labourés sitôt la récolte faite, ce qui est bien
dommage pour les cailles… et les pauvres chasseurs. (ArmanetVienne 1989.)
■ variantes. 〈Jura (Mignovillard), Isère, Drôme〉 étouble (GrandMignovillard 1977 ; ManteIseron 1980 ; ArnouxUpie 1984 ; DucMure 1990).
■ dérivés. 〈Allier〉 étroublons m. pl. « La Louise chaussée d’espadrilles s’écorchait les chevilles dans les étroublons […] » (S. Lavisse-Serre, Les Locatiers de Beauvoir, 1998, 23).
◆◆ commentaire. Des diverses variantes attestées dep. l’afr., seule esteule, probablement d’origine picarde, s’est maintenue en frm. sous la forme éteule (v. TLF), mais celle-ci est loin de s’être imposée dans la langue (elle est le plus
souvent ignorée des locuteurs ; cf. ce témoignage dans TuaillonVourey 1983 : « Je sais même pas comment ça s’appelle en français [standard], ici on dit “les étroubles” » et TavBourg 1991 ci-dessous).
I. Cette forme est quasi absente des dictionnaires généraux (seul Littré 1864 la signale
s.v. éteule comme bourguignonne) ; elle est caractéristique du français de Bourgogne et de Franche-Comté,
qu’elle semble avoir pénétré à date relativement récente, tandis que de nombreuses
variantes de ce même type sont limitées au registre dialectal.
II. Ignoré des dictionnaires généraux, est un dialectalisme marqué d’un trait phonique
(r adventice) typiquement francoprovençal (cf. GardPh 144) a. Le manque de notoriété dont souffre la forme du standard a favorisé tant le maintien,
à l’abri de l’influence centrale, d’un type original etroubla (GardPh 144) que son passage en français régional et sa diffusion sur une aire plus
étendue encore que celle de étoule (mais parfois en concurrence avec ce dernier, en Franche-Comté et en Champagne).
La répartition du mot régional, comparée à celle du type dialectal, permet d’appréhender
une poussée s’exerçant du sud vers le nord, poussée dont Lyon (où étrouble est documenté dep. ca 1750, DuPineauV) semble, en dernière instance, responsable. Ainsi, en Franche-Comté,
étrouble (attesté dep. Brun 1753 à Besançon, dep. 1812 à Vesoul et au 20e siècle jusqu’à Jonvelle) est très notablement extensif par rapport à l’aire occupée
par son correspondant dans les parlers dialectaux (parmi lesquels le type à r adventice ne dépasse pas la limite du francoprovençal et ne pénètre même qu’à peine
dans le Doubs, v. ALFC 301 et DondaineParlers 212) : la capitale « est elle-même en dehors de l’aire dialectale ‘e t r ú b l a’ », de sorte que « la seule hypothèse envisageable est que le mot est venu de Lyon, en français » (Chambon RLiR 53, 139). En Haute-Marne, où tout traitement autochtone de type francoprovençal
est évidemment exclu, étrouble (relevé aussi dans ALCB 412) a été amené par le même courant de diffusion empruntant
le canal du français. On expliquera de même comme une exportation d’origine lyonnaise
la présence du mot (dep. Jaubert 1864) en Bourbonnais et en Berry (ALCe 325).
a Cf. Hafner, 180-181 (avec bibl.).
◇◇ bibliographie. (I) ContejeanMontbéliard 1876 ; BeauquierDoubs 1881 ; CunissetDijon 1889 ; FertiaultVerdChal
1896 ; TuaillonRézRégion 1983 (Côte-d’Or) ; RobezVincenot 1988 ; DromardDoubs 1991
et 1997 ; TavBourg 1991 « le plus souvent utilisé au plur. ; usuel un peu partout (surtout en Côte-d’Or) ; le
mot français [standard] éteule […] est ici totalement inconnu » ; ColinParlComt 1992 ; RéginVallage 1992. – (II) DuPineauV [ca 1750], 106 ; BrunFrComté 1753 ; ChambonHSaône 1989 [1812] ; MonnierDoubs 1859 ; JaubertCentre
1864 ; BeauquierDoubs 1881 ; GuilleLouhans 1894-1902 ; BrunetFranchesse 1937 ; FleischJonvelle
1951 ; DornatLyotGaga 1953 ; JamotChaponost 1975, 50 ; RLiR 42 (1978), 171 (Isère,
Savoie) ; TuaillonVourey 1983 étroubles f. pl. ; GononPoncins 1984 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; ArmanetVienne 1989 ; MartinPilat
1989 « usuel à partir de 40 ans […] en milieu agricole patoisant masculin » ; TavBourg 1991 « forme […] usuelle dans le sud de la Saône-et-Loire » ; ColinParlComt 1992 ; RéginVallage 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 « connu au-dessus de 40 ans, inconnu au-dessous » ; BlancVilleneuveM 1993 ; DubuissBonBerryB 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « globalement attesté […], conservant une connotation dialectale » ; TamineChampagne 1993 « Haute-Marne » ; VurpasLyonnais 1993 « attesté seulement au-dessus de 20 ans » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement attesté » ; LaloyIsère 1995 étroubles ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme 1997 « étroubles est la forme d’Anneyron, étoubles et restoubles celles du reste du département » ; FréchetMartAin 1998 « globalement attesté à partir de 40 ans » ; MichelRoanne 1998 « connu au-dessus de 60 ans » ; PlaineEpGaga 1998 étroubles « presque disparu ». – ALF 1557 ; ALCe 325 ; ALCB 412 ; ALFC 301 ; FEW 12, 271b-272a, stipula.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance supérieur à 75 % en Franche-Comté, nul en Bourgogne (0 %).
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