galoche n. f.
I. 〈Orne, Manche, Finistère, Loire-Atlantique, Mayenne, Sarthe.〉
1. "but d’un jeu de palets sur lequel sont empilés des jetons ou des pièces de monnaie,
qui en constituent l’enjeu".
1. La galoche est un morceau de bois tourné ou taillé au couteau, en principe du diamètre de deux
sous en bronze et d’une longueur telle qu’un homme puisse la serrer entre le pouce
et l’index dans leur plus grand écartement. […] Toujours est-il que la galoche est la pièce maîtresse du jeu. C’est elle qui reçoit les pièces de monnaie, et qui
s’empilent parfois si haut que c’est un problème de les faire tenir. Chaque joueur
dispose de deux palets. (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 276.)
2. Il s’agit, pour chacun d’eux [les joueurs], de tenter, dans un premier temps, de renverser,
en lançant successivement deux palets métalliques de forme différente, le « tirant » et « l’hirondelle », une haute pièce de bois ronde, la « galoche », placée à 16,50 m, et sur laquelle dix jetons sont empilés. […] Très ancien, le jeu
de la galoche […] se pratique couramment aujourd’hui sur les places des villages sarthois. (Pays et gens de France, n° 53, la Sarthe, 28 octobre 1982, 12.)
2. Par méton. "(le jeu lui-même)".
3. Nous voilà amenés à constater, en matière de jeux quotidiens, l’arrivée en force de
la pétanque, sauf peut-être en pays bigouden, où la « galoche » – une histoire compliquée de palets en fer et de gros sous placés sur une petite
quille – résiste vaillamment à l’intruse. (Pays et gens de France, n° 1, le Finistère, 1er octobre 1981, 17.)
4. Tous les jeux paysans ne visaient pas à mettre en valeur la force musculaire. Certains
exigeaient de l’adresse, comme celui de la « galoche », longtemps pratiqué ici comme en Bretagne. (Pays et gens de France, n° 49, la Mayenne, 30 septembre 1982, 11.)
5. Il y a les vieux [à Plonéour-Lanvern, Finistère], philosophes et tenaces, immuables,
jouant à la galoche en haut de la rue Théodore-Botrel. (Bayon, Les Animals, 1990, 286.)
6. Au concours de galoche par équipe organisé […] dimanche dernier sur le plateau de la plaine Saint-Jean [à
Mamers, Sarthe] quarante joueurs ont pris part à cette première compétition de l’année.
(Le Perche, 26 avril 1996.)
7. […] les parties de belote de Bormes-les-Mimosas, ou de galoche à Saint-Guénolé, le disent : à tout âge et en tous lieux, l’homme sociable ne peut
renoncer au jeu. (M. Champenois, dans Le Monde, 30 décembre 1996, 13.)
8. Par beau temps, ils [les adultes] se mesurent à la galoche, jeu qui se pratique au grand air et auquel il nous [les enfants] arrive de participer.
(H. Gancel, Au temps de l’encre violette. L’écolier, 1999, 214.)
□ En emploi autonymique.
9. Le jeu du bouchon, traditionnel en Normandie, prend ici le nom de « galoche ». Sur un terrain plat et sec, on pose de chant un bouchon sur lequel on empile les pièces de monnaie constituant les mises, et les joueurs
s’efforcent de le renverser en lançant des palets. (Pays et gens de France, n° 26, l’Orne, 18 mars 1982, 7.)
■ encyclopédie. Voir P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 276-278.
■ remarques. Le synonyme non marqué dans le français de référence est bouchon : « […] pour résorber ce déficit financier, le comité [d’une association de Saint-Pabu,
Finistère] a décidé de programmer, pour le mardi 26 août, diverses animations, et
notamment un concours de pétanque et des jeux de bouchon » (Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, éd. Brest, 9-10 août 1997, 13).
II. 〈Haute-Loire (Velay)〉 la Galoche fam. vx "(surnom d’un train d’intérêt local à petite vitesse reliant La Voûte-sur-Loire (Haute-Loire)
à La Voûte-sur-Rhône (Ardèche) par Yssingeaux et Saint-Agrève, progressivement mis
en service à partir de 1890 et ayant circulé jusqu’en 1952)". Stand. fam. tacot. Synon. région. C.F.D. n. m. (v. ci-dessous ex. 11). – Communiquez-nous vos souvenirs sur la « Galoche » (Per lou Chamis 14, 1975, 6). La galoche arrivait même à passer [= circuler] l’hiver (FréchetMartVelay 1993).
10. M. Charbonnier, alors Maire de Saint-Julien-du-Pinet [Haute-Loire], qui fauchait à
300 ou 400 m du lieu fatal, voyant passer la « Galoche » lancée à toute allure, n’eut que le temps de prendre sa tête entre ses mains. Quelques
secondes après, il entendit un bruit terrible. (Chr. Bertholet, Per lou Chamis 20, 1976, 25.)
V. encore s.v. burle, ex. 2.
□ En emploi métalinguistique.
11. Certains prétendent que ce surnom de « La Galoche » s’explique par la lenteur avec laquelle roulait le petit train. Et tout le monde
sait qu’avec des « galoches » aux pieds, il n’est pas facile de courir… D’autres affirment que le C.F.D. [train
de la Compagnie des Chemins de fer Départementaux] méritait son surnom parce qu’il
transportait des fabricants de galoches… (Chr. Bertholet, Per lou Chamis 15, 1975, 23, n. 2.)
■ encyclopédie. V. Chr. Bertholet, « “La galoche”, une épopée en rose et en gris », Per lou Chamis 15-22 (1975-1977), passim.
■ graphie. Écrit avec une majuscule initiale dans les sources lexicographiques (v. bibl.).
— Par ext. 〈Loire (spor.), Drôme (surtout Anneyron), Ardèche (Annonay)〉 galoche péj. "train d’importance secondaire, peu rapide". Stand. fam. tacot. – La gare (…celle de la Galoche, sous le viaduc de Carnot !) (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 166). J’ai pris une galoche l’autre jour, et à Valence, j’ai attrapé un T.G.V. (FréchetDrôme 1997).
12. […] une voisine qui allait travailler à Pélussin avec le « tacot », notre petit chemin de fer départemental que les gens de la ville appelaient la « galoche ». (Cl. et J. Jeury, Le Crêt de Fonbelle, 1981, 132.)
◆◆ commentaire.
I. L’aire du mot en ce sens s’étend de la Belgique à la Loire-Atlantique et au Centre
(FEW), et il a gagné Saint-Pierre-et-Miquelon (BrassChauvSPM 1990) et la Louisiane
(DitchyLouisiane 1932). Attesté en français dep. 1794 (« Les prisonniers, pour passer le temps, s’amusaient à jouer à la galoche, c’est-à-dire,
qu’on mettait sur un bouchon de liège des pièces de monnoye qu’on essayait d’abbattre
avec de gros sous », Almanach des prisons, 20, dans DDL 20) et enregistré dans les dictionnaires généraux contemporains, qui
le donnent comme « région. » (TLF, avec ex. de 1873, renvoyant aux Bretons ; Rob 1985, sans exemplea) ou non marqué (GLLF), galoche n’est guère en usage aujourd’hui en ce sens, de même que la pratique du jeu, que
dans quelques régions de l’Ouest (cf. Habasque 1832, 301 « On joue en Basse-Bretagne à un jeu d’adresse qu’on appelle galoche, et auquel je ne donnerai pas d’autre nom, parce que je ne lui connais que celui-là »). L’origine de galoche est discutée ; FEW propose d’y voir un dérivé normanno-picard sur le radical de galet "caillou plat".
II. Création récente du français populaire de Lyon (dep. PuitspeluLyonSuppl 1897 ; VachetLyon
1907), sans doute emploi métaphorique de frm. galoche "chaussure à dessus de cuir et à semelle de bois qui sert à préserver de l’humidité"b. D’abord surnom plaisant de la ligne Lyon-Trévoux, puis lexicalisé par extension,
le mot s’est appliqué aux trains d’autres lignes secondaires de la région lyonnaise
(v. ParizotJarrez [1930-40], GononPoncins 1947 : selon le témoignage d’une jeune,
Valérie Fortunier, le terme est encore connu à Boën [Loire], en 1999, comme mot-souvenir)
et il survit surtout aujourd’hui, alors qu’il a été abandonné à Lyon, dans une petite
aire du Velay et du nord de l’Ardèche et de la Drôme. Les parlers dialectaux de cette
zone (LLouvesc, ChambonL) ont emprunté cette dénomination au français régional (le
procès inverse est, malgré FréchetAnnonay 1995, à exclure).
a Ce dictionnaire fait par ailleurs une distinction subtile, mais inutile, entre le
sens actuel du mot et celui de l’exemple de 1794.
b Selon FEW, FréchetMartVelay, FréchetAnnonay (cf. aussi PuitspeluLyon). On ne peut
toutefois exclure entièrement l’hypothèse d’une origine déverbative, qui serait, semble-t-il,
plus naturelle, sur un modèle identique à fr. région. galocher "traîner, errer" < galoche "personne qui traîne dans son travail" (tous deux FréchetMartAin 1998) ; cf. Andelis galocher "remuer à la suite d’usure, avoir du jeu ; se dit du bruit que fait une machine usée" (FEW 4, 44b), Louv. "branler, être mal ajusté" (FEW 16, 488a et n. 3, *luggi).
◇◇ bibliographie. (I) BullFinistère 1897, 364 ; VerrOnillAnjou 1908 ; StMleuxStMalo 1923 ; BrasseurNantes
1993 ; FEW 4, 43b, *gallos. – (II) PuitspeluLyonSuppl 1897, 15 galoche (la) « C’est le nom qu’on a donné au petit chemin de fer qui relie la gare de la Croix-Rousse
à Trévoux, à cause de ses habitudes de simplicité rustique. Le nom s’est étendu à
toute voiture qui ne va pas vite » ; VachetLyon 1907 « le chemin de fer de Lyon à Trévoux, chemin de fer de famille qui s’arrête à tout instant
et qui n’est pas une merveille de vitesse, oh ! non ! c’est la Galoche » ; ParizotJarrez [1930-40] "chemin de fer départemental de Saint-Étienne à Maclas, par La Talaudière, Saint-Chamond,
Grand-Croix, le col de Pavezin, Pélussin [Ø MartinPilat 1989]", « Dénomination de quelques trains à voie étroite de la région, comme celui de la Croix-Rousse
à Trévoux. Allusion à l’inconfort et à la lenteur » ; GononPoncins 1947 [gaˈlɔʃi] "nom ironique que l’on donnait au petit train départemental de Boën à Roanne, supprimé
en 1938" ; FéliceChambonL 1983 gâlotsâ "surnom du train des CFD qui desservait Chambon" ; DufaudLLouvesc 1986 la Gàlocha "petit train assurant le service Dunières-Saint-Agrève" ; FréchetMartVelay 1993 galoche n.f. "petit train peu rapide (qui desservait autrefois certaines localités)" « globalement connu » ; FréchetAnnonay 1995 galoche n. f. "train de petite importance" « les trains peu rapides sont appelés du même nom » « globalement connu » ; FréchetDrôme 1997 galoche n. f. "train de petite importance" « bien connu à Anneyron, globalement peu attesté ailleurs » ; DufaudLLouvesc 1998 s.v. galoche « petit train de montagne, la ‘Galoche’ » ; témoignage de Valérie Fortunier (25 septembre 1999) ; FEW 4, 45a, *gallos.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
P. Rézeau (I) – J.-P. Chambon (II)
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