licher v. tr.
1. 〈Surtout Orne (est), Bretagne, Mayenne, Sarthe, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret, Saône-et-Loire
(Montceau), Rhône, Loire, Isère (Iseron), Ardèche (Mariac), Haute-Loire (Velay)〉 fam. "passer sa langue sur". Stand. lécher. – Les chiens, ça aime bien vous licher (VurpasMichelBeauj 1992). Licher son assiette (comme un chien) (QuesnelPuy 1998).
1. Voyez, la goutte, en somme, il en reste fort peu pour le plaisir de l’homme, pour
cette chaleur qu’elle vous communique par tout le corps aussitôt qu’elle descend dans
un gosier qui attend sa rude caresse. Pour le goût de pomme mûre et de bois d’arbre
mélangés qu’elle laisse sur son passage. Pour le plaisir de la femme aussi, qui ne
dédaigne pas le morceau de sucre humecté dans la tasse encore chaude. Et même pour
le plaisir des jeunes enfants qui lichent le fond des tasses dès que les adultes ont le dos tourné pour reconduire le visiteur
sur le pas de la porte. (L. Lebourdais, Les Choses qui se donnent…, 1995, 176.)
2. Pour une réponse trop vive ou pour tout autre manquement à la politesse, la Maîtresse
Besnard ne pratiquait pas les taloches mais une punition beaucoup plus sévère. Il
fallait biser [= baiser ] le pavé aux quatre coins de la pièce.
– Liche la terre, ordonnait-elle. (J.-Cl. Boulard, Le Charretier de la Ravissante, 1996, 52.) 3. Arrêtez de me licher un peu n’importe où. J’ai horreur de ça ! (PichavantDouarnenez 1996, 137.)
2. 〈Surtout Basse Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique, Saône-et-Loire
(Bresse louhannaise), Haute-Marne (est), Jura (Morez), Loire, Isère (Iseron, Vourey),
Ardèche (Mariac), Bordeaux〉 fam. "boire (des boissons alcoolisées)".
4. La confidence causa pourtant un instant de gêne, que Blanche Béjin, une noiraude frisée,
dissipa, en déclarant :
– Mon bourgeois, lui, dès qu’il a liché trois ou quatre verres de rikiki, il ne peut plus s’allonger dans son lit. Il est tout acrotichonné [= recroquevillé]. C’est comme si la blanche lui nouait le corps. (R. Vercel, La Caravane de Pâques, 1988 [1948], 373.) 5. Siquoire l’avait abandonné pour licher un verre en compagnie d’une demi-douzaine de « forains » qui s’amusaient de son état et cherchaient à l’achever. (G. Guicheteau, Les Gens de galerne, 1983, 40.)
6. […] elle sait que de temps en temps y s’en va licher à la Grenette un petit muscat qui lui rappelle son pays […]. (J. Rouchouse, « Panassa » de mon enfance, 1999, 53.)
V. encore s.v. pain-beurre, ex. 10.
— Emploi abs. Gustave, pacifique entre tous tant qu’il n’avait pas trop liché (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 81). L’aime encore bien licher c’ vieux sac-à-vin ! (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 253).
◆◆ commentaire. 1. Attesté en français dep. av. 1486 (Guillaume Alexis, v. TLF), ce sens, que DG qualifiait
de « trivial » est quasiment sorti de l’usage général, ne se conservant guère en France que dans
deux aires (Ouest et zone d’influence de Lyon), ainsi qu’au Québec (PotierHalford
[1744] ; Dunn 1880 ; DQA 1992) et en Acadie (PoirierAcadG). 2. Attesté en français populaire dep. 1744 (« le cocher […] Depuis six heures que je roulons nos cadavres et que je battons l[’]antifle sur
le pavé de Paris, je n’ay encore liché que sept chopines de vin […] » Gallet, Prologue pour l’Opéra comique, dans J. Bouché, Gallet et le Caveau, Dentu, 1884, t. 1, 258)a, 1767 (« Tu ne liches pas mal aussi », Les Ecosseuses de la Halle, v. Doillon, avril 1992, 57), 1772 (dans une chanson poissarde, v. TLF), ce sens est
conservé aujourd’hui sensiblement dans les mêmes aires que le précédent. Ces usages
sont diversement pris en compte par les dictionnaires généraux contemporains : GLLF
(1) « pop. » et (2) « vx et pop. » ; Rob 1985 (2) « fam. et vieilli » ; TLF (1 et 2) « pop. et fam. » ; NPR 1993-2000 (1) « vx. région. » et (2) « pop. et vieilli » ; Lar 2000 (2) « fam., vx ».
a Comm. de P. Enckell.
◇◇ bibliographie. LeGonidecBret 1819 (1) ; JaubertCentre 1864 (1) ; VachetLyon 1907 (1 et 2) ; BarbeLouviers
1907 (1) ; KervarecQuimper 1910 (1) ; PicquenardQuimper 1911 "boire un coup de trop" ; StMleuxStMalo 1923 (2) ;PrajouxRoanne 1934 (1) ; MussetAunSaint 1932 (1) ; MaugBagneuxHSeine
1936 (1) ; MarMontceau ca 1950 (1) ; CrouvChampagne 1975 (2) ; PichavantDouarnenez 1996 "lécher ; boire" ; ManteIseron 1980 (1 et 2) ; TuaillonVourey 1983 (2) ; GononPoncins 1984 (1 et 2)
« très courant » ; MeunierForez 1984 (2) ; SuireBordeaux 1988 (2) ; MazaMariac 1992 (1 et 2) ; VurpasMichelBeauj
1992 (1) ; RobezMorez 1995 (2) ; ValMontceau 1997 (1) ; MichelRoanne 1998 (1) ; PlaineEpGaga
1998 (2) ; QuesnelPuy 1998 (1) ; BlanWalHBret 1999 (2) ; FEW 16, 459a, lekkon.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, 75 % ; Côtes-d’Armor, 65 % ; Morbihan 50 %.
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