marchand de couleurs loc. nom. m.
〈Surtout Pas-de-Calais, Aisne, Oise, Paris〉 vieillissant "commerçant qui vend des produits chimiques d’usage courant et des produits de toilette,
de ménage, d’entretien". Stand. droguiste.
1. […] le vendredi, quand je vais à Paris, pour mes provisions, j’emporte une petite
bouteille pour acheter de l’huile de pied de bœuf, et faisant ma demande chez tous
les marchands de couleur [sic, sans ‑s] qui se trouvent sur mon passage. (P. Léautaud, Journal littéraire, t. 3, Paris, Mercure de France, 1986 [1962], en date du 11 septembre 1942.)
2. Lorsque j’achète des sardines à l’huile chez l’épicier ou un poêle à pétrole chez
le marchand de couleurs, ils seraient fort vexés l’un et l’autre si je leur disais que je me considère comme
leur mécène. (J.-Fr. Revel, Sur Proust, Remarques sur « À la recherche du temps perdu », 1997 [1960], 327.)
3. Vous ne passez pas la seconde couche de laque aujourd’hui : la première n’est pas
sèche, malgré les promesses du marchand de couleurs. (N. de Buron, Les Saintes Chéries, 1992 [1964], 171.)
4. Il aime bien parfois faire des emplettes dans les boutiques du voisinage, Solange
se suspend à son bras […], ils achètent n’importe quoi […], et par exemple, à L’Abeille,
leur magasin préféré, de singuliers produits de nettoyage pour la seule satisfaction
de voir le marchand de couleurs faire l’article à propos d’un déboucheur de lavabos […]. (Chr. de Rivoyre, Les Sultans, 1964, 42.)
5. […] les conseils, souvent avisés, des droguistes et des marchands de couleurs, eux-mêmes influencés par leurs fournisseurs. (M. Willemin, Le Marchand de couleurs, 1984, 7.)
6. andré ramier. droguerie peinture. J’entre. Le faciès du boutiquier ne vante pas sa marchandise : le marchand de couleurs est blanc comme une endive. (Bachellerie, La Rue des Bons Apôtres, 1985, 98.)
7. Comme on les laissait tranquilles, ils se levèrent pour admirer les couteaux suisses
à la vitrine de M. Pompon, le marchand de couleurs toujours en blouse blanche, un chapeau melon sur la tête. (R. Sabatier, David et Olivier, 1985, 44.)
— Par méton. "magasin de ce commerçant". Stand. droguerie.
8. En face du chevet de l’église Saint-Laurent, la devanture d’un marchand de couleurs, fardée de bariolages cubistes, jetait un carnaval aigu. (R. Sabatier, Trois sucettes à la menthe, 1972, 204.)
9. – Ta voiture, elle est garée où ?
– Au coin de la rue, devant un marchant [sic] de couleurs. (M. Lebrun, Loubard et Pécuchet, 1996 [1982], 109.) 10. Et le papier tue-mouches, à la réflexion, existe-t-il encore ? Pas à Paris, semble-t-il,
où le marchand de couleurs – qui n’est déjà pas si facile à trouver – n’offre, en fait de papiers nostalgiques,
que du papier d’Arménie. (P. Enckell, « La vie scotchée », dans Mots de passe 1945-1985, 1985, 23.)
11. Reflets de la matérialité de la couleur dans la ville, quelques devantures de marchands de couleurs parisiens peu avant leur disparition, aux environs de 1980 […]. (La Couleur. Regards croisés sur la couleur du Moyen Age au XXe siècle, Les Cahiers du Léopard d’or, n° 4, 1994, pl. hors texte [Légende de photographies ;
sur la devanture de l’une d’elles on lit : éclairage – couleurs – vernis – quincaillerie].)
■ remarques. Attesté seulement au masculin, le terme est aujourd’hui en forte régression à l’oral.
Interrogé sur marchand de couleurs, le Minitel renvoie à droguerie.
◆◆ commentaire. Attesté en 1634, Fr. Luillier dans Les Correspondants de Peiresc 2, 282 (40) : « Quant à ce qui est des triangles à representer l’arc-en-ciel, je n’en ai point veu
[à Paris] chez les marchands de couleur et m’ont dit que j’en pourois trouver de bleu,
de vert, mais peu de rouge » (DDL 20) ; 1939 en emploi méton. « un minuscule hôtel du dix-septième arrondissement, que l’après-guerre avait orné d’une
triperie et d’un bazar-marchand de couleurs » (L.-P. Fargue, Le Piéton de Paris, Frantext). Cette lexie, qui s’explique par le fait que ces marchands vendaient initialement
des couleurs ou peintures, « ne s’est imposée qu’à Paris » (DHLF 1992), mais les dictionnaires généraux (Rob 1985 ; TLF s.v. droguiste et marchand ; NPR 1993-2000 s.v. marchand ; Lar 2000 « vieilli ») ne disent rien du caractère régional du mot, à l’exception de… NPR 1993-2000 s.v. couleur (« région (Paris) »). Divers témoignages oraux donnent par ailleurs à penser que la lexie a connu naguère
une plus large distribution et elle a été enregistrée à Lyon en 1937 (Miège) et encore
en 1975 dans ses environs (JamotChaponost) ; on la dans un récit d’enfance situé dans
l’Hérault « […] je me retrouve aujourd’hui chez Bascoul. Son épicerie […] est pas très grande,
mais c’est une vraie caverne d’Ali Baba. Il entasse dans tous les coins. On y retrouve
tout ce qu’il y a dans une alimentation, avec les fruits et légumes en pyramides sur
le trottoir, et des produits qu’on pourrait acheter chez le marchand de couleurs » (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 74-75) ; enfin, la lexie a été reconnue dans les enquêtes au nord de
Paris.
◇◇ bibliographie. MiègeLyon 1937 ; JamotChaponost 1975, 60 ; RLiR 42 (1978), 166 (Paris) ; absent de
FEW s.v. color et mercatus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Pas-de-Calais, 100 % ; Oise, 60 % ; Aisne, 45 % ; Somme,
30 % ; Nord, 0 %.
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