mouver v.
1. Emploi tr. 〈Aisne, Oise, Normandie, Haute Bretagne, Mayenne, Sarthe, Indre-et-Loire, Eure-et-Loir,
Loir-et-Cher, Loiret, Indre, Cher, Allier (nord ; spor.)〉 vieillissant.
1.1. "remuer, agiter". Il y a à les mouver les bois pour faire une maison, croyez-moi (Homme, 73 ans, Le Grand Pressigny, dans SimonSimTour 1995).
1. Théophile étant le plus âgé, c’est lui qui mouve les dominos. Isidore, plein de méfiance, les remue à son tour. (R. Dubos, Histoires normandes, 1978, 100.)
— En part. "remuer (une préparation culinaire, un liquide)". Stand. brasser, tourner, fam. touiller.
2. À la cheminée, ma grand-mère, la tête penchée sur la chaleur du feu, mouvait avec une cuillère de bois des oignons qui cuisaient dans la grande poêle. (H. Grégoire,
Poignée de terre, 1979 [1964], 73.)
3. […] il était nécessaire de mouver continuellement cette marmelade pour l’empêcher de brûler […]. (A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou,
Le Perche à table, 1992, 187.)
4. Il faut lui faire oublier [au client venu régler une facture d’artisan] le décor un
peu plus cossu que la salle commune de sa ferme, le buffet à deux corps « comme en ville », la table ronde en guignier verni sur laquelle il n’ose appuyer ses coudes par crainte
de la déplacer sur ses roulettes, le temps de mouver longuement son sucre et de boire son café à la petite cuillère, avec des petits clappements
de bonheur. (L. Lebourdais, Les Choses qui se donnent…, 1995, 190.)
— Emploi pron. réfl. ou intr. "remuer, bouger". Mouve-toi un peu (I. Favreau, Les Mouettes en rient encore, 1987, 44). Çui-ci il fait que de mouver toute la journée (BlanWalHBret 1999).
5. […] me faut soigner mon cheval. Il se mouve guère l’animal, il grossit. (Ch.-A. Klein, La Terre dans les veines, 1978, 300.)
6. Elle est devenue, en moins d’une semaine, aveugle, sourde, muette, sans pouvoir se mouver ni des mains ni des pieds […]. (J.-L. Boncœur, Le Village aux sortilèges, 1980, 228.)
7. […] bien malin qui dira à quelle époque appartiennent l’eau qui coule… et cet air
qui monte au soir… et ces silhouettes qui mouvent sous les grands ormes, quand l’ombre descend […]. (J. Paris, Le Berger d’école, 1993, 178.)
● "se dépenser physiquement, se donner de la peine". Stand. fam. s’activer, fam. se remuer. – Ça mouvait [à propos de gens qui travaillaient] (Homme, 35 ans, Abilly, dans SimonSimTour 1995).
8. C’est pas toujours le rêve à la campagne […], mais à présent y a de l’amélioration
pour ce qui est la question de travailler. N’empêche, tu dois te mouver. (Ch-A. Klein, La Terre dans les veines, 1978, 259.)
1.2. Au fig. "troubler".
9. C’est vrai à dire : le cinématographe, la première fois ça vous mouve les idées. (Ch.-A. Klein, La Terre dans les veines, 1978, 58.)
2. Emploi intr. ou pron. 〈Loir-et-Cher〉 vieillissant le temps mouve / se mouve loc. phrast. "le temps change et se met à l’orage, à la pluie".
10. […] faudra se presser de rentrer le grain si le temps continue à se mouver. (Ch.-A. Klein, La Terre dans les veines, 1978, 145.)
11. […] Henri a acheté des fusées paragrêles. il le sent bien, le temps mouve. C’est un printemps maladif, aux journées trop chaudes. (Ch.-A. Klein, La Terre dans les veines, 1978, 138.)
◆◆ commentaire. Issu dep. le 12e siècle de fr. mouvoir, par changement de conjugaison, mouver a progressivement quitté l’usage général, encore qu’il ne donne pas l’apparence d’avoir
jamais vraiment pénétré le Midi, malgré quelques attestations à la fin du siècle chez
Monluc ou O. de Serres (Huguet) : au 18e siècle, il est accueilli comme mot de Normandie et d’Anjou par Du Pineau ; au 19e s., Boiste le marque « pop. » et LittréSuppl « provincial et populaire » ; encore dans Bauche 1908-1951. Il ne subsiste aujourd’hui que dans quelques emplois
techniques ou régionaux en Normandie, Haute Bretagne, Centre, ainsi qu’au Québec (Dunn
1880 ; Clapin 1894 ; Dionne 1909 ; GPFC 1930)a et en Acadie (NaudMadeleine 1999), et dans de nombreux dialectes, surtout du quart
Nord-Ouest. Les dictionnaires généraux prennent en compte tantôt les seuls emplois
techniques (« technique » Rob 1985), tantôt y joignent la dimension diatopique : TLF « région. (Centre et Canada) » ; le mot est absent de GLLF, de NPR 1993-2000 et de Lar 2000.
a Où il est parfois croisé avec des emprunts à l’angl. to move.
◇◇ bibliographie. DuPineauR 1746-48 ; DuPineauC [ca 1750] ; ConnyBourbR 1852 ; JaubertCentre 1864 ; VerrOnillAnjou 1908 ;MussetAunSaint
1932 ; LepelleyBasseNorm 1989 ; SimonSimTour 1995 ; SchortzSenneville 1998 ; BlanWalHBret
1999 « usuel partout » ; FEW 6/3, 164b, movere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : "remuer" Sarthe, 100 % ; Indre-et-Loire, Oise, 80 % ; Basse-Normandie, Île-de-France, 75 % ;
Aisne, 25 % ; Loire-Atlantique, 20 % ; Ille-et-Vilaine, 10 % ; Maine-et-Loire, Nord,
Pas-de-Calais, Somme, 0 %. – "s’activer" Île-de-France, 75 % ; Indre-et-Loire, 20 %.
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