nareux [nɑ:ʁø] ou néreux, ‑euse adj.
〈Somme, Aisne, Champagne, Ardennes, Lorraine〉 "difficile sur la nourriture et tout ce qui touche la propreté de la table ; qui éprouve
facilement du dégoût". Stand. délicat. Synon. région. regrettif*. – Fais pas le néreux, mange tes épinards ou c'est une taloche ! (MartinLorr 1995). Ne changez pas d'assiette, je ne suis pas nareuse (Professeure d'anglais, originaire de Meurthe-et-Moselle, 48 ans, Belfort, 24 juin
2000).
1. […] le Marcel, il était couvert de boutons pustuleux déjà bien mûrs sur toute la figure
et comme disait ma m'man, on n' peut pas le mettre [à table] à côté de n'importe qui !
Si on le place près de la Joséphine, elle qu'est narreuse comme pas une, son repas sera vite terminé […]. (G. Goulon, Souvenirs d'un garçon de ferme, 1979, 55-56.)
2. Elle [grand-mère] admettait que, dans la viande, et sans être particulièrement « néreux », les enfants n'apprécient ni le gras, ni le « croquant » [= cartilage]. (R. Harrburger, Du pain avec du chocolat, 1995, 98.)
3. Notre voyage baba nous avait emmenés du côté de Biarritz. Pour croquer [= manger]
– nous avions une vraie faim de loup – nous avions fait les poubelles […] : vieux
fruits à peine tachés par des empreintes digitales, morceau de pain à peine ranci,
côtelette oubliée dans un papier gras, jambon à la suée aigrelette… il y avait de
quoi nourrir deux « babs » pas trop « narreux »… (G.-J. Feller, Libre enfant de Favières, 1998, 206.)
— Emploi subst.
4. – Et le nareux qui dénachônait [= massacrait] ses côtelettes […], si c'était pas malheureux ! (A.-M . Blanc, Pays-Haut, 1988, 97.)
5. Et j'étais délicat, j'avoue. Un « nareux », disait mon grand-père, du patois à lui, quand, par exemple, j'aimais pas boire derrière
dans le bol de quelqu'un. (Y. Gibeau, Mourir idiot, 1988, 51.)
— Au fig.
6. La guerre est finie, le Maréchal s'entend très bien avec Hitler… Pourquoi veux-tu
que nous soyons plus néreux que lui ? (A. Druelle, Saga, 1972, 138.)
— Prov. les plus néreux sont souvent les plus sales (LanherLitLorr 1990).
■ graphie. On a retenu en entrée la forme nareux comme la plus simple et la plus fréquente.
■ variantes. La variante néreux est la « forme de la partie vosgienne de la vallée de la Moselle au moins à partir de Charmes » (RoquesNancy 1991, 160).
◆◆ commentaire. Type lexical attesté dep. 1793 (« nareu », Dictionnaire du patois du duché de Bouillon, dans RLR 15, 177), emprunté aux dialectes du Nord et du Nord-Est (wallon, picard,
champenois, lorrain), où il est dérivé sur le représentant, non attesté en domaine
d'oïl, de lat. naris "narine", avec le suffixe ‑eux. Absent des dictionnaires généraux contemporains, sauf de TLF « région. (Champagne, Lorraine, Thiérache) », il est présent dans Frantext sous deux plumes lorraines, M. Barrès et G. Chepfer.
◇◇ bibliographie. MichelLorr 1807 néreux ; SaubinetReims 1845 nareux ; PutonRemiremont 1901 néreux "difficile, dégoûté pour peu de chose au sujet de la nourriture" ; RobRemiremont 1911 néreux "dégoûté pour peu de chose au sujet de la nourriture ou du toucher" ; RaillietReims 1930 nareux ; CrouvChampagne 1975 nareux ; RLiR 42 (1978), 178 ; RoquesNancy 1979 nârreux ; LanherLitLorr 1990 nâreux ; RoquesNancy 1991, 160 ; TamineArdennes 1992 nareux ; MartinVosges 1993 néreux ; TamineChampagne 1993 id. ; MichelNancy 1994 nâreux ; MartinLorr 1995 néreux ; LesigneBassignyVôge 1999 nièreux, nèreux ; FEW 21, 463b ‘délicat’ (à joindre à FEW 7, 15b, naris).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardennes, Marne, Haute-Marne, Meuse, 100 % ; Aube, 80 % ;
Meurthe-et-Moselle, Moselle, 75 % ; Aisne, 60 % ; Nord, 50 % ; Vosges, 40 % ; Somme
30 % ; Oise, Pas-de-Calais, 0 %.
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