ouate ! ou ouatte ! interj.
〈Bourgogne, Champagne, Ardennes, Franche-Comté, Rhône, Loire (Forez), Isère〉 spor., fam. "(pour marquer le refus, la contrariété, le dépit, le doute, la déconvenue)". Stand. pas question !, fam. cours toujours !, tu parles !, penses-tu !
1. L’éclaireur en cuissardes revient peu après, vainqueur d’un bref combat avec un chevesne
gros comme son pouce […]. / Léon redresse la tête et s’informe :
– T’as pas touché d’ goujons ? – Ouatte ! (M. Mazoyer, Les Vacances des berthes, 1985, 186.) — Souvent dans ah ouatte ! / mais ouatte ! loc. interj. "id.". Je pensais me régaler, ah ! ouate ! (DuraffHJura 1986).
2. – […] Tu m’as toujours dit : « Tu sauras tout, je t’initierai ! » Mais ouatte ! Tu ne m’as jamais rien dit ! (H. Vincenot, Le Pape des escargots, 1982 [1972], 242.)
3. Tout de même, Fidarchaux fit le guet un soir, en s’abritant derrière la porte de la
grange contre le regain. Mais ouââtt ! Vers les trois heures, il s’assoupit […]. (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 137.)
4. – A Paris, ils ont tout fait pour me soigner. J’ai vu vingt docteurs, mais ouatte ! ça fait deux ans que ça m’a pris et plus je bois de leurs drogues, pire c’est ! (H. Vincenot,
La Billebaude, 1978, 54.)
5. J’en connais des qu’auraient été bien contents, bien installés comme tout, mais le Toine ouatte ! (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 4.)
● Var. 〈Franche-Comté, Isère (Meyrieu-les-Étangs)〉 ah vouat(te) ! Je pensais bien dîner. Ah vouatte ! Il ne restait que des rogatons (DuraffJura 1986). – Ton neveu qui était en vacances a dû te donner un coup de main ! – Ah vouat ! Il est
bien paresseux (MartinPellMeyrieu 1987).
— Var. 〈Champagne, Ardennes〉 ouette !
6. – Mais papa, j’ai essayé de dire, je dois quand même m’arranger, me laver un peu…
– Ouette ! Il y tenait. Il me tendait déjà l’uniforme. (Y. Gibeau, Mourir idiot, 1988, 171-172.) ■ graphie. Les graphies diverses (qui tendent parfois de rendre l’intonation, ainsi ex. 3) témoignent
du fait que le mot n’a guère de tradition écrite.
◆◆ commentaire. Frm. ouat(t)e, interjection issue de la langue parlée populaire, est attesté sans connotation diatopique
particulière de 1841 à av. 1945 (E. Bourget 1841a ; Labiche 1850b et 1857 ; Loti 1883 ; A. Daudet 1889 ; Courteline 1893 ; Feydeau 1914 ; Valéry 1927 ;
Chepfer av. 1945 ; TLF ; Frantext). Parmi les dictionnaires de référence contemporains, seul TLF l’enregistre comme
« pop., fam. Synon. vieilli de ouiche ». Encore noté en 1936 dans la région parisienne, cet usage n’est plus observable que
de façon relativement sporadique dans la seconde moitié du 20e siècle où, avec les variantes vouat(t)e (dep. PuitspeluLyon 1894) et ouette (qui paraît plus récent ; non documenté à l’écrit avant 1988, ci-dessus, ex. 6),
il prend un caractère régional : les attestations recensées se limitent en effet à
certaines zones de la moitié est de la France dans lesquelles, des Ardennes au nord
de l’Isère, le mot occupe des positions de repli. Quant à son origine première, on
pensera, avec TLF, qu’il s’agit d’ « une altération de [frm.] oui » ; cf. dans ce sens frm. ouit ! "(exclamation exprimant l’impatience, le désappointement, le dépit)" (à biffer FEW 22/1, 66a où le mot est donné sans source explicite), frm. (Lyon) ah ouitt ! "(négation très accentuée qui veut dire ‘vous êtes loin de la vérité’)" (VachetLyon 1907 ; à biffer FEW 22/1, 17b), et la prosthèse de v- affectant aussi de nombreuses formes populaires de oui (FEW 4, 113a-444b, hoc, dep. 1649, AgrConfDeloffre gloss.).
a « – Quoi faire, que j’y dis, à vot’ Grenelle !… / – Bédame ! faire comme tout l’monde,
qui court voir c’te nouvelle invention !… / – Ah ! vouatte !… plus souvent !… Quéqu’ chemin de fer… quéqu’ bêtise !… » (E. Bourget, Le Puits de Grenelle, dans Album comique, Paris, chez l’éditeur, t. 2, 207 ; comm. de P. Enckell).
b DDL 47.
◇◇ bibliographie. PuitspeluLyon 1894 vouatt (ah vouatt dans l’ex.) ; ParizotJarez [1930-40] vouate ; MaugBagneuxHSeine 1936 ouatt ; MarMontceau ca 1950 ; LanlyAfrNord 1962, 190 ; GononPoncins 1984 (dans l’ex. s.v. corde) ; DelortStClaude [ca 1977] vouatt ; DuraffHJura 1986 ouate et vouatte « très usuel » ; MartinPellMeyrieu 1987 ah vouat ; RobezVincenot 1988 ouatte ; ColinParlComt 1992 vouat(te), ouat (cite M. Aymé 1932) ; DuchetSFrComt 1993 ouat(e) ; TamineChampagne 1993 ouette ; SalmonLyon 1995 ah ouatt ; FEW 22/1, 17b ‘non, pas du tout’ et 66a ‘exclamation’ (attestations à ramener sous hoc, comme celles de l’Artois et des Ardennes égarées 17, 452b, *wahta).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (vouatte) Haute-Saône (nord), 65 % ; Jura, 30 % ; Doubs, Haute-Saône (sud), Territoire-de-Belfort,
0 %.
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