peller v. tr.
〈Ardennes, Franche-Comté〉 "déplacer, dégager (la neige, le plus souvent) avec une pelle". Stand. pelleter.
1. Je voudrais être chez moi dans le Haut-Doubs, à écouter la bouilloire sur le fourneau,
« peller » la neige, être simplement là dans le grand silence de l’hiver. (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 107.)
2. C’est d’ailleurs dans une chaleureuse ambiance familiale, la grande famille des Meuthiards,
qu’a eu lieu le retour au pays de Fabrice Guy [un champion de combiné nordique]. / En
fait, il était rentré le matin. Il avait « pellé » la neige accumulée devant chez lui pendant qu’il accomplissait ses exploits en Savoie.
(L’Est républicain, éd. Belfort, 21 février 1992, 113.)
— Emploi abs. On pellera devant nous, pour se faire un chemin (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1990, 209). Pèler [sic] pour se faire un sentier (P. Jeune, « La Félicie cause au Milo », Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n° 19, octobre 1992, 299).
3. Temps affreux. Tempête de neige. / […] Dehors, il fallait « peller » sans arrêt pour dégager le camion. (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 60.)
4. […] il lui faudrait peller du garage au chemin, écraser le bourrelet de neige […] qui durcissait rapidement.
(M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 54.)
5. Il pioche la terre pour l’ameublir, pelle à une vitesse incroyable, ne boit jamais et ne s’arrête qu’au coucher du soleil.
(Fr. Desbiez, Terre et gens du Jura, 1998, 123.)
— Par méton. de l’obj. "débarrasser, dégager (un lieu) de (la neige)".
6. – Si la neige continue comme ça, il faudra même peller les toits demain matin ! (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1991, 59.)
◆◆ commentaire. Très largement représenté dans les parlers galloromans, ce type lexical est pratiquement
limité en français, de nos jours, aux Ardennes, à la Franche-Comté et à la Suisse
romande (dep. 1895, v. Pierreh). Entré dans la lexicographie française avec Littré,
peller (dérivé sur fr. pelle, avec le suffixe ‑er) est pris en compte dans les dictionnaires généraux contemporains avec diverses restrictions :
« aujourd’hui à peu près disparu » (GLLF s.v. pelleter), « archaïque » (Rob 1985), « vieilli ou région. (Centre) » (TLF, s.v. pelleter), « région. (Suisse) » (NPR 1993-2000). Mais ces indications rendent mal compte de la réalité : d’une part,
les indications diatopiques sont disparates : « Centre » dans TLF, avec un seul exemple de Genevoix, et « Suisse » dans NPR 1993-2000 et Lar 2000, méconnaissant la Franche-Comté voisine ; d’autre
part, TLF et Rob 1985 ont tort de présenter le mot « comme vieilli ou archaïque, ce qui laisse entendre qu’il aurait été plus fréquent
jadis ; à part une certaine postérité lexicographique essentiellement due à un hapax
de 1868 dans Littré (que l’on ne peut malheureusement pas localiser), le mot ne semble
jamais avoir fait partie du français commun » (DSR) ; sa présence dans JaubertCentre 1864 témoigne cependant en faveur d’un usage
qui a pu être naguère plus répandu qu’il ne l’est aujourd’hui. – DuraffHJura 1986
pêller « très usuel » ; DromardDoubs 1991 pèler et 1997 pêler ; TrouttetHDoubs 1991 ; ColinParlComt 1992 (avec un exemple de M.-Th. Boiteux repris
ici ex. 6) ; Lengert 1994 ; DSR 1997 (avec bibliographie) ; « peller la neige est connu et utilisé dans les Ardennes » (M. Tamine) ; FEW 7, 480b, pala.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Haute-Saône, 75 % ; Doubs, Jura, 65 % ; Territoire-de-Belfort,
0 %.
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