plan-plan loc. adv. et loc. adj.
〈Allier, Saône-et-Loire, Doubs, Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère,
Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Lozère, Ardèche, Haute-Loire (Velay),
Puy-de-Dôme, Haute-Vienne〉 fam.
1. Loc. adv. "lentement, tranquillement".
1. Ils rentraient plan-plan à la maison lorsque Lebizot remarqua :
– Tu sais, Nicolas, la petite Armandine et ce Flassigny, ça semble devenir sérieux… (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 231.) 2. Roger, le patron, débarrasse les tables, plan-plan… Il me porte* un verre de Coca. (Cl. Courchay, Chronique d’un été, 1990, 15.)
3. – Qui est Gugusse ?
– Mon bourrin. Il connaît la route. Les yeux fermés, il nous amènera là-haut… Plan-plan… C’est un pas-pressé. (J. Anglade, Un lit d’aubépine, 1997 [1995], 14.) 4. Regarde, qui donc s’amène, plan-plan, le père Simon (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 288.)
— Dans le syntagme tout plan-plan "très lentement, très tranquillement". Moi, tout plan-plan, je me dirige vers le restaurant (San-Antonio, Alice au pays des merguez, 1986, 104).
5. […] mener sa vie « tout à la douce », tout « plan-plan » – toujours le « Ménagez*-vous » […]. (J. Folliet, La Joyeuse Philosophie des gones, 1998 [1955], 62.)
6. […] le pur plaisir de marcher, ou mieux, de « lentibarder » (selon l’argot lyonnais) ; les R. disposent d’un langage approprié à ce style de
promenade dont « le retour par la rue de la Ré[publique] » est sans doute le modèle urbain le plus élaboré, surtout depuis que cet axe est tout
entier en zone piétonnière : « on est revenu tout plan-plan », « j’allais mon petit train-train », « j’aime bien de relicher les jolies vitrines », « on regarde les transformations, c’est instructif », toutes expressions signifiant une gratuité temporelle dans laquelle s’enracine le
plaisir de marcher. (M. de Certeau et al., L’Invention du quotidien, 1994 [1980], t. 2, 148.)
7. […] le Toine s’en revient tout plan-plan, avec un plein panier de girolles […]. (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 97.)
V. encore s.v. âne, ex. 8.
— Dans des contextes figurés "paisiblement".
8. Ce n’était pas immense mais en se serrant… De plain-pied sur le jardinet entre les
deux immeubles, on n’était pas mal, continuant notre vie bien plan-plan toutes les deux. (M. Chaix, Juliette, chemin des cerisiers, 1986 [1985], 202.)
2. Loc. adj. "tranquille, paisible". Stand. fam.pépère.
9. Pépé, lui, il dit qu’il déteste ceux qui restent sans bouger. Putain, il dit, pépé,
il va leur pousser des racines au cul. Regarde-moi ces empaillés. Ils ont une vie
plan-plan […], ça leur suffit. (J.-N. Blanc, Esperluette et compagnie, 1991, 106.)
10. La route longeait des pistes où s’escrimaient en parallèle skateurs et adeptes du
pas alternatif, sportifs moulés dans leurs tenues colorées et familles « plan-plan » cherchant un lieu où casse-croûter. (Montagnes Magazine, n° 186, novembre 1995, 66.)
— Emploi subst. […] je préfère les agités et les excités aux calmes et aux plan-plan. (Actuel, novembre 1982, cité dans Doillon, juin 1983, 31.)
◆◆ commentaire. Type lexical attesté sur une vaste aire lyonnaise, (tout) plan plan (FEW) est attesté sous la forme simple tout plan "posément, lentement, avec précaution" en 1420 en Savoie (ChiquartCuisS, 59 v) et plan plan dep. 1573a ; 1610 (Béroalde de Verville, Frantext). Empr. à l’aocc. plan "doucement" (dep. 2e moitié du 13e s., Flamenca dans Lv ; v. TLF), mais plan plan est peut-être un calque d’it. piano piano. Il est présent dans le français d’une large zone compacte du Sud-Est, avec prolongement
dans le Val d’Aoste (MartinAoste 1984). Les dictionnaires généraux du français contemporain
le relèvent comme « dialect. et fam. » (GLLF) ; « régional, fam. » (Rob 1985 ; NPR 1993-2000) ; « région. (Sud-Est) » (TLF). Comme l’observait déjà MédélicePrivas 1981, le mot pénètre, à la fin du 20e siècle, le français de Parisb, et son emploi adj., seul relevé par Lar 2000, est qualifié par ce dictionnaire de
« fam., péjor. » ("se dit de qqn de très attaché à son confort, qui mène une vie tranquille. […] d’une
chose sans intérêt, sans relief, sans originalité. Un film plan-plan"). Il reste toutefois que l’usage du mot est nettement mieux établi, et dans toutes
les classes d’âge, dans le Sud-Est de la France.
a « fizicien. – Comme les autres seront endormis, la chambrière viendra à vous plan, plan. Elle
vous tirera du coffre, et vous couchera au costé d’Emilie » (Jean de La Taille, Le Négromant [trad. de l’Arioste], dans Œuvres, éd. R. de Maulde, Paris, Willem, 1979, t. 4, clxxix comm. de P. Enckell).
b Témoignage de cette évolution : alors que Frantext ne donne que trois occurrences, Pourrat (1925 et 1931) et Martin du Gard (1928),
le cédérom Le Monde en compte une trentaine pour la dernière décennie (exemples souvent marqués péjorativement,
mais pour la plupart confinés dans des rubriques de critiques de films, de théâtre,
etc.).
◇◇ bibliographie. PuitspeluLyon 1894 aller plan, aller tout plan-plan ; GuilleLouhans 1894-1902 ; Mâcon 1903-1926 ; VachetLyon 1907 (tout) plan-plan ; BrunMars 1931 ; ParizotJarez [1930-40] ; DornaLyotGaga 1953 plan-plan ; GrandMignovillard 1977 ; RLiR 42 (1978), 181 (Ardèche, Drôme, Savoie) ; RoquesNancy
1979 plan-plan ; MédélicePrivas 1981 plan-plan « très courant […] familier […]. On le rencontre souvent aujourd’hui employé ironiquement
dans la langue familière commune » ; BouvierMartelProv 1982 ; Doillon, juin 1983, 31 ; MeunierForez 1984 plan-plan ; GermiLucciGap 1985 « usuel » ; BouvierMars 1986 plan-plan ; MartinPellMeyrieu 1987 (tout) plan-plan ; MartinPilat 1989 plan et plan-plan « usuel » ; DucMure 1990 ; BlanchetProv 1991 plan-plan ; CampsLanguedOr 1991 plan-plan ; DromardDoubs 1991 et 1997 aller tout plan-plan ; VurpasMichelBeauj 1992 plan-plan ; ArmanetBRhône 1993 plan-plan ; BlancVilleneuveM 1993 plan-plan « usuel au-dessus de 40 ans, en déclin au-dessous » ; FréchetMartVelay 1993 « globalement usuel » ; GagnySavoie 1993 tout plan, tout plan-plan ; VurpasLyonnais 1993 plan-plan « bien connu » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement usuel » ; RobezMorez 1995 tout plan ; SalmonLyon 1995 plan-plan ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme 1997 plan-plan « globalement usuel » ; ArmKasMars 1998 plan-plan ; FréchetMartAin 1998 plan, (tout) plan-plan ; MichelRoanne 1998 plan et plan-plan « la forme redoublée est plus usitée » ; PlaineEpGaga 1998 plan-plan « encore utilisé » ; BouisMars 1999 ; ChambonÉtudes 1999, 133 (Pourrat, Gaspard des montagnes) ; FEW 9, 29b, planus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Gard, Hérault, 100 % ; Alpes-Maritimes, Lozère, 85 % ; Bouches-du-Rhône,
80 % ; Hautes-Alpes, 75 % ; Var, 65 % ; Aude, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse,
50 %.
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