poulet n. m.
1. 〈Nièvre, Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Yonne, Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône,
Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Ardèche〉 rural "oiseau de basse-cour, mâle de la poule". Stand. coq. – Notre poulet nous réveille de bon matin (VurpasLyonnais 1993).
— 〈Côte-d’Or et Saône-et-Loire (vx), Jura, Haute-Savoie, Savoie, Rhône (Beaujolais), Loire (est du Roannais)〉 "coq d’une girouette (d’église)". C’est mon mari qui a fait le poulet au sommet de la chapelle de La Charmette [à Aigueblanche,
Savoie] (Témoignage, dans GagnySavoie 1993).
2. 〈Nièvre, Saône-et-Loire (ouest), Pyrénées-Orientales, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers,
Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 rural petit poulet loc. nom. m. "poussin". La clouque* a fait éclore treize petits poulets (BoisgontierAquit 1991).
◆◆ commentaire. 1. par restriction de fr. poulet "jeune coq élevé pour la consommation" (dep. 1228, TLF), est attesté d’abord chez un auteur lyonnais (Julien Macho) ca 1480 (Roques Z 100, 96), puis dans un texte romand (probablement neuchâtelois) avant
1542 (Chambon/Müller Vox 54, 110), à Genève en 1542 (FEW), dans le Jura suisse ou
la partie francophone du canton de Berne en 1589 (poullat, donnée inédite du GPSR citée dans Vox 54, 110). Cet emploi disparaît par la suite
dans la documentation jusqu’aux premiers relevés de régionalismes, en 1926 (à Mâcon),
puis en 1959 (Lantenne), et le DRF n’a pu recueillir aucune attestation écrite non
lexicographique. Cette situation est propre à suggérer que l’usage écrit s’est assez
vite cantonné au code oral, le silence des cacologies suggérant en outre très fortement
que dès le 18e et dans la première moitié du 19e siècle, il avait disparu, dans sa zone, du français des couches éduquées. La répartition
géographique observée dans la seconde moitié du 20e siècle montre clairement qu’on a affaire à une innovation sémantique du français
de Lyon, que la métropole a exportée à partir de la fin du Moyen Âge dans sa sphère
d’influence maximale (sauf en direction de l’ouest). Le silence de la tradition lexicographique
lyonnaise, depuis DuPineau ca 1750 et Molard jusqu’à nos jours, témoigne de l’évidement du centre directeur et
de son alignement ancien, sur ce point, sur la norme lexicale nationale. De nombreux
patois galloromans ont emprunté le mot dans le sens 1 aux modalités régionales du français, mais si les aires française et dialectale se
recouvrent globalement au nord, l’aire française déborde largement l’aire dialectale
(qu’on dressera commodément à l’aide de la bibliographie réunie dans Vox 54, 110)
au sud et à l’est. Elle s’étend en effet sur neuf départements où le type est absent
(Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Vaucluse,
Ardèche) ou pratiquement absent (la majeure partie de la Loire, le centre et le sud
de la Drôme) dans le sens en cause dans les parlers dialectaux, restés fidèles aux
issues traditionnelles de gallu (cf. ALP 817 ; ALMC 577). L’ensemble de ces faits – innovation sémantique d’un grand
centre urbain, effacement de l’innovation régionale à son point de départ, restriction
au code oral du régionalisme, attelage des parlers ruraux à la norme régionale du
français tôt abandonée, au contraire, par les couches urbaines cultivées, retard de
certains dans ce processus – illustre bien les divers aspects de la notion de « courbe de poursuite » dont Dauzat se servait si heureusement pour décrire la dynamique des faits régionaux
en français. Ce sens est absent de la lexicographie du français général. 2. Deux aires, bourguignonne et sud-occidentale, conservent le sens ancien de poulet "petit d’une poule" (ainsi 1542 Rabelais « comme une geline fait de ses poulets », Frantext), relevé aussi en Acadie (MassignonAcad 1962, § 965). Le TLF est le seul dictionnaire
général qui fasse mention de ce sens, qu’il donne sans marque, avec des exemples d’E.
de Guérin (née dans le Tarn) 1838 et de Giono 1929.
◇◇ bibliographie. Mâcon 1926 (1) ; GarneretLantenne 1959 (1) ; BichetRougemont 1979 poulot (1) ; RouffiangeMagny 1983 (1) ; GuichSavoy 1986 (1) ; MartinPilat 1989 (1) « usuel à partir de 20 ans » ; BoisgontierAquit 1991 (2) ; TavBourg 1991 (1 et 2) ; VurpasMichelBeauj 1992 (1)
« usuel au-dessus de 40 ans, en déclin rapide au-dessous » ; GagnySavoie 1993 (1) ; VurpasLyonnais 1993 (1) ; FréchetMartAin 1998 (1) « usuel » ; MichelRoanne 1998 (1) « au-dessus de 40 ans » ; FEW 9, 536b-537a, pullus ; atlas : (1) ALF 320 (du sud de la Haute-Saône au nord de la Drôme), ALB 1178, ALJA 759, ALLy
335 et (2) ALF 1079 (le type petit poulet est attesté dans la Nièvre, le nord-ouest de la Saône-et-Loire, le Lot-et-Garonne,
les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Atlantiques et la Gironde), ALB 1180, ALG 437.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Ardèche, Côte-d’Or, Drôme, Nièvre, 100 % ; Bouches-du-Rhône, Isère, Loire, 80 % ;
Hautes-Alpes, 75 % ; Ain, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, 65 % ; Saône-et-Loire,
Var, Yonne, 50 % ; Rhône, Vaucluse, 30 %. (2) Pyrénées-Orientales, 50 %. (3) Ø.
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