puis adv. modalisateur d’énoncé, postposé au verbe ou à l’auxiliaire.
〈Surtout Haute-Savoie, Savoie, Isère, Drôme, Hautes-Alpes〉 fam.
1. [Valeur absolue]
— "alors, autrefois". Une couturière venait puis à la maison une huitaine de jours par an pour faire nos
habits (BlancVilleneuveM 1993).
1. Moi, j’ai mis dix ans à apprendre mon métier [de guide]. Il n’y avait pas d’Ecole
nationale. On débutait comme porteur. On partait « puis » avec des clients, tout de suite, sous la conduite d’un guide. (M. Liotier, Celui qui va devant, 1974, 70.)
2. Les hommes, c’était [sic] des bûcherons pour la plupart ici, parce que c’était le commerce du bois que nous
faisions puis. (Témoignage recueilli dans J.-Cl. Bouvier, La Mémoire partagée, 1980, 86.)
3. Les trois malabars continuent de me coucher en joue, comme on disait puis dans les fascicules bourrés d’action de jadis. (San-Antonio, Bouge ton pied que je voie la mer, 1982, 195.)
— "(pour renforcer une assertion)". C’est puis trop triste ! (GermiChampsaur 1996).
2. [Valeur relative entre deux procès en corrélation (un procès est postérieur dans le
passé à un autre procès du passé ; un procès est postérieur ou antérieur au moment
de l’énonciation qui sert de repère)] "enfin, finalement". Je l’ai attendu tout le matin ; il est puis venu à 11 heures (MartinPellMeyrieu 1987). Le médecin est puis arrivé à 9 heures du soir (BlancVilleneuveM 1993). Votre chat, il a bien pu être empoisonné, y en a qui mettent puis des [la phrase est restée inachevée] (DucMure 1990). Elle a pris de la soupe, elle a pris de la viande, elle a pris de la salade, elle
a puis pris du dessert (GagnySavoie 1993).
□ En emploi métalinguistique.
4. […] la particule puis […] connaît divers emplois dont je ne cite que le plus constant : quand une phrase
commence par un complément de temps, le verbe est toujours suivi de puis : Hier j’étais puis au marché de Voiron. Demain j’irai puis à Voiron. (G. Tuaillon, ColloqueDijon 1976, 24.)
5. Les Savoyards ont en commun avec leurs voisins Dauphinois un adverbe particulier,
post-verbal et intraduisible en français. Il exprime toutes sortes de nuances : il
insiste sur les circonstances de temps, il indique une menace, il renforce une supposition,
etc. C’est l’adverbe puis. Demain, il faut puis aller au chalet*, pour leur porter du pain et de la viande. Si tu fais puis ça, je te tirerai les oreilles.
Fais pas puis ça, sinon… Un Savoyard qui parle naturellement le français de Savoie, sans se corriger, met
un puis dans ses propos, à peu près toutes les cinq minutes. (TuaillonSurv 1983, 25.)
— [Souvent en redondance avec après] "par la suite, plus tard" Après il y avait pis le départ pour la montagne (GagnySavoie 1993).
3. "(pour marquer la postériorité par rapport à un procès situé dans le présent)". Si tu continues à pas travailler, tu redoubles puis ton année (TuaillonVourey 1983). S’il le cherche, il l’aura puis ! (ArnouxUpie 1984). Si vous avez pi besoin de quelque chose, venez me voir (DucMure 1990). Je t’emprunte ce livre, je te le rends puis (GermiChampsaur 1996).
6. – Attendez un peu, vous autres, nous ferons « puis » une partie de boules ! (E. Escallier, Ce cher pays gavot, 1959, 101.)
■ graphie et prononciation. Les graphies pis ou pi indiquent une prononciation [pi].
◆◆ commentaire. Dans ces emplois, puis est aujourd’hui typique du français d’une aire du Centre-Est, comprenant les deux
Savoies, l’Isère, les Hautes-Alpes et, à moindre degré, l’Ain, le Rhône et l’Ardèche.
Il a disparu du Languedoc oriental et de Provence où les puristes le dénonçaient au
début du 19e siècle (et où Brun le mentionne encore en 1931). Les dictionnaires généraux du français
n’en font pas mention.
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 « Nous le ferons puis, Nous ferons cela tantôt. Nous le verrons puis. Nous le verrons ensuite » ; GabrielliProv 1836 « Les Provençaux se servent de puis, dans le sens de il faut avouer que… Il est puis excellent. Dites, il faut convenir, il faut avouer qu’il est excellent » ; BrunMars 1931, 73-74 « dans la plupart des cas, c’est un vocable inerte qui sert de bourre à la phrase, et
dont l’usure est complète » ; DuraffVaux 1941 ; Tuaillon ColloqueDijon 1976, 24 ; TuaillonRézRégion 1983 (Hautes-Alpes,
Haute-Savoie) ; TuaillonVourey 1983 « particule post-verbale très fréquente » ; ArnouxUpie 1984, 39 « personnes âgées » ; GuichSavoy 1986 « très utilisé » ; MartinPellMeyrieu 1987 ; DucMure 1990 ; BlancVilleneuveM 1993 ; GagnySavoie 1993
« très usité » ; SalmonLyon 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; ChambonÉtudes 1999, 234 ; FEW 9, 242a, postea.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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