quichenotte n. f.
〈Littoral vendéen, côte et vignoble charentais〉 vieillissant "coiffe de travail à grands bavolets, couvrant la nuque et les joues, pour protéger
du soleil".
1. Il fait frais [dans la vigne], la rosée a trempé l’herbe et les pampres, les grappes
luisent, tout embuées. Mais la chaleur viendra quand le soleil s’élèvera et les femmes
se couvriront la tête de leur quichenote blanche. Accroupis près de notre baquet*, couteau en main, à moitié enfouis dans la verdure qui tourne au jaune et au roux,
nous nous activons […]. (M. Richard, Une enfance heureuse. Une enfance vendéenne, [après 1960], 79.)
2. Les femmes qui récoltent les huîtres portent toujours la quichenote dont les parties tombant de chaque côté du visage servent plus à protéger les joues
contre les ardeurs du soleil qu’à décourager les avances de galants britanniques,
comme on le laissait entendre autrefois par référence à l’étymologie. (M. Grelon,
L’Ostréiculture de Marennes-Oleron, 1976, 27.)
3. Ma grand-mère, ma mère, ma nourrice, mes cousines avaient toutes, en été, la quichenotte, propre au Sud-Ouest, et qui ne semble pas avoir été signalée ailleurs […]. La « quichenotte » a disparu corps et biens il y a plus de cinquante ans. Quelques paysannes la porteraient
encore, dans leur grand âge […] pour jardiner dans ce qu’il leur reste d’étés. (PénardCharentes
1993, 51-52.)
■ graphie et variantes. L’absence de forte tradition écrite a occasionné de multiples graphies (RézeauOuest
1984 en dénombre jusqu’à huit) ; on a retenu en vedette quichenotte comme étant la plus usuelle. On relève aussi la variante kissnot : « Quand j’arrivai près de Jonzac [Charente], je sentis cet air de mon enfance, une odeur
de blé et de sel ; de ce côté, la terre est croustillante ; elle donne appétit […].
Personne ne m’attendait. Ce fut une femme sèche et noiraude, coiffée d’une kissnot, qui vint m’ouvrir » (J. Cayrol, Les Corps étrangers, 1987 [1959], 107).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1869 (Jônain ; peut-être dep. 1858, v. RézeauOuest), le mot est certainement
antérieur puisqu’on le retrouve dans l’île de Saint-Barthélémy (Antilles), peuplée,
dans la seconde moitié du 17e siècle, de Normands, de Bretons et de Vendéensa. À la suite de Jônain 1869 (« Kissnot, Capeline légère. Mots anglais : n’embrassez pas »), FEW le considère comme une altération d’angl. kiss not "n’embrassez pas". Entre temps, A. Dauzat avait attiré l’attention sur une étymologie plus réaliste,
proposant d’y voir un « dérivé du type cuchon < kišõ, répandu dans le Centre et le Midi (tas de foin ; ce serait la coiffure des faneuses) » (Revue de philologie française et de littérature 1934, 29-45) ; seul des dictionnaires généraux contemporains, Lar 2000 renvoie à
cette hypothèse (« de quichon, mot dial. »). On retiendra ici l’hypothèse avancée dans RézeauOuest 1984 d’un emprunt au limousin
(« On disait [en haute Corrèze] la caissonota (prononcer : la ca-i-sou-no-tae) » Antoinette Cougnoux, dans Aguiaine 10, 1976, 77) de même sens, à rattacher à lat. capsa (FEW 2, 312). Dans cette hypothèse, le rattachement à l’anglais, toujours vivant dans l’étymologie
populaire (v. par exemple ci-dessus, ex. 2 et l’ex. de J. Cayrol), n’est qu’une remotivation.
Le mot est accueilli dans les dictionnaires généraux contemporains comme un régionalisme
du littoral charentais et vendéen (GLLF, Rob 1985, TLF, NPR 1993-2000) ou comme un
terme « anc. » (Lar 2000).
a Les exemples suivants concernent cette île : « Dans les villages, qui ont pour nom Petit-Cul-de-Sac ou Lorient, les vieilles femmes
portent encore la “quichenotte”, la coiffe en percale tuyautée » (L’Express, 10 février 1979, 153) ; « Les plus âgées [des femmes de l’île] restent fidèles à la quichenotte ou calèche, une coiffe aux larges rebords cachant le visage et qui autrefois tenait
les amoureux entreprenants à distance » (M.-N. Hervé, dans Le Monde, 27 juin 1987, 15) ; « Petit village de pêcheurs, Corossol sort tout droit du xixe siècle. On y porte encore, le dimanche, la quichenotte amidonnée et la robe de satin fermière froncée, bordée de dentelle » (Jean-Pierre Jardel, Antilles, Paris, Guides Arthaud, 1995, 256).
◇◇ bibliographie. 1890 « une grande kitchenote blanche » P. Loti, dans DDL 33 ; EudelNantes 1884 kiss-not ; MussetAunSaint 1938 ; DauzatStGeorgesD 1934-1946 ; JouhandeauGuéret 1955, 228 ;
RézeauOuest 1984 et 1990 ; SuireBordeaux 1988 et 2000 ; PénardCharentes 1993.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente-Maritime, Vendée, Vienne, 100 % ; Charente, Deux-Sèvres,
75 %.
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