rate ou ratte n. f.
〈Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Jura (Morez), Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire,
Isère, Drôme, Hautes-Alpes (Champsaur), Ardèche, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme
(Thiers)〉 "variété de petite pomme de terre de forme allongée, à chair jaune, fine et ferme". Synon. région. quenelle*. – Aubergines, haricots verts, rates (Th. Bresson, Chantecoq en Vivarais, 1992, 171).
1. – […] Alors, vous vous décidez […] ? Parce que moi aussi, j’ai du travail et c’est
pas vous qui allez m’aider à peler mes rates, pas vrai ? (Ch. Exbrayat, Félicité de la Croix-Rousse, 1988 [1968], 72.)
2. Je regardais, un peu enivré par tant de fraîcheurs odorantes, Ludovie lourdement essoufflée
sous sa charge remonter ses paniers de quotidiennes merveilles où se glissait la peau
lisse et blanche des pommes de terre nouvelles – les rates. (Ch. Forot, Odeurs de forêt et fumets de table, 1987, 278.)
— En appos. Les pommes de terre « rates » (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 112).
— Au sing. à valeur générique.
3. […] la « corne de bouc » de mon enfance et de mon Vivarais n’était plus qu’un souvenir. En vérité, son nom
exact, officiel, est… la « ratte » ! […] / Or la ratte, à la peau claire, à la chair ferme, à l’excellente saveur, est la reine des pommes
de terre, et je me réjouis de la voir revenir sur le marché. […] C’est du Nord aujourd’hui
que nous vient la lumière parmentière. Je veux dire du Touquet, car c’est là-bas qu’elle
a trouvé des terres légères, sablonneuses, bien ameublies. […] Du catalogue Vilmorin
1880 annonçant pour la première fois la ratte, il a donc fallu un siècle pour mettre en vedette cette pomme de terre reine. (La
Reynière, dans Le Monde, 21 mai 1988, 14.)
4. La ratte d’Ardèche connaît un développement intéressant : la pomme de terre, espèce d’altitude,
se plaît en zone de montagne. Du Vivarais à l’Oisans en passant par le Forez et la
Savoie, ce produit de base fait aussi l’objet d’une importante tradition de multiplication
de semences. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 246.)
5. Ses parents ne faisaient que la ratte, la carotte, la tomate, la salade et le cardon. (D. Van Cauwelaert, La Vie interdite, 1999 [1997], 163.)
6. La ratte est plus connue [en Alsace] sous sa dénomination alsacienne « Miesele ». (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Alsace, 1998, 279)a.
a Mais le terme ratte apparaît depuis peu sur les marchés alsaciens : « alsace cat. I / Ratte / 8,50 fr » (Strasbourg, marché du boulevard de la Marne, 9 septembre 2000).
V. encore s.v. quenelle, ex. 6.
■ graphie. La graphie ratte est récente.
■ encyclopédie. V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 312-314.
◆◆ commentaire. Par analogie de fr. région. rate "souris" (dep. 1537 en Suisse romande, PierrehSuppl ; fin 19e s. dans la région lyonnaise, FEW 10, 122a, ratt-), ce sens est attesté dep. 1894 dans le français de Lyon (Puitspelu). La variété
de pomme de terre ainsi désignée, introduite d’Allemagne (elle figure comme telle
au catalogue Vilmorin de 1872)a et portant traditionnellement en Alsace une désignation analogue (miesele, littéral. "petite souris", v. ici ex. 6), on peut se demander si rate n’est pas un calque de l’allemand, mais il ne semble pas. Quoi qu’il en soit, le
mot, par l’intermédiaire des semenciers, des livres de cuisine et des vulgarisateurs
gastronomiques, s’est aujourd’hui dérégionalisé (cf. ici ex. 3 ; A. Aviotte, Artichaut, 1996, 375 et Le Monde, 24 septembre 1997, 26). Toutefois, en raison de la culture traditionnelle de cette
variété de pomme de terre dans la région, et particulièrement en Ardèche, rate y conserve une fréquence qui peut le faire encore considérer comme un régionalisme,
ce que confirme sa présence dans la métalangue de GagnySav 1993 s.v. quenelle, signe d’une très bonne implantation régionale. La lexicographie générale a tardé
à enregistré le mot, qui n’y apparaît qu’à la fin du 20e siècle (ratte, Lar 1984 ; Lar 2000 ; NPR 2000), sans marque d’usage.
a V. Claude-Charles Mathon, « À la recherche du patrimoine : les sortes traditionnelles de pomme de terre de la
dition lyonnaise », dans Supplément au Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 52e année, n° 8, octobre 1983, xi-xx, notamment xvii.
◇◇ bibliographie. PuitspeluLyon 1894 ; MiègeLyon 1937 ; JamotChaponost 1975 ; MédélicePrivas 1975, 60
« seul terme connu ; il est senti comme français » [donné, à tort, comme équivalent de la BF 15, qui est une variété différente] ; RLiR 42
(1978), 191 (Ardèche, Drôme, Isère) ; TuaillonVourey 1983 « il n’y a pas d’autre terme connu pour cette variété » ; GononPoncins 1984 « seul mot connu des jardiniers et des acheteurs sur le marché » ; MeunierForez 1984 rates pl. ; MartinPilat 1989 ; TavBourg 1991 « le sens “petite pomme de terre” est ancien [?] dans le sud de la Bourgogne ; à Dijon il est récent (introduit par
les supermarchés) » ; MazaMariac 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; PotteAuvThiers 1993 s.v. ratoune ; VurpasLyon 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; RobezMorez 1995 ; GermiChampsaur 1996 ;
FréchetDrôme 1997 « globalement connu » ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 ; FEW 10, 122b, ratt-.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ain, Ardèche, Drôme, Haute-Loire (Velay), Savoie, Haute-Savoie,
100 % ; Isère, Loire, 80 % ; Rhône 65 %.
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