rechanger (se) v. pron.
1. 〈Champagne, Ardennes, Franche-Comté, Loire (Poncins), Isère (Villeneuve-de-Marc)〉 usuel
— "changer de vêtements". Stand. se changer. – T’es en eau, rechange-toi vite (TamineChampagne 1993).
1. Bon, j’ vais éplucher ma soupe, j’ vais me r’changer, j’ vais mettre ma blouse. Moi, j’aime bien être en blouse ! (L. Semonin, La Madeleine Proust en forme, 1984, 25.)
2. – […] Pour ce qui est du linge, j’aime […] bien me rechanger toutes les semaines, surtout en été, je trouve qu’on a moins chaud dans du propre.
(M.-Th. Boiteux, Le Secret de Louise, 1996, 66.)
● Au part. passé/adj.
3. Le maire porte une chemise blanche empesée et une lavallière noire. Les autres ne
sont que rechangés, en simples vêtements de travail. (J. Rogissart, Passantes d’octobre, 1958, 98.)
— Par restr. "mettre une tenue plus soignée qu’à l’ordinaire ; revêtir ses habits du dimanche". On ne peut pas descendre à Saint-Claude sans se rechanger (DuraffHJura 1986).
4. Après la toilette, on se « rechangeait ». Chacun enfilait ses « habits du dimanche », avec ordre aux enfants de ne pas les salir. (J.-L. Clade, La Vie des paysans franc-comtois dans les années 50, 1988, 165.)
5. Le Tatave : Tais-toi, va ! tu déraisonnes, tu ferais mieux de t’activer un peu, on
veut* pas être prêt pour la messe, […] tu es encore « en tous les jours ».
Le Tintin : Il ne faut pas bien du temps [= pas beaucoup de temps] pour se rechanger, pour enfiler un pantalon et puis une veste. (P. Jeune, « La Félicie cause au Milo », Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n.s. 19, octobre 1992, 325.) ● Au part. passé/adj. La Myriam doit aller à Feurs, elle est toute rechangée (GononPoncins 1984).
2. 〈Doubs (Besançon)〉 [Le sujet désigne le temps] "devenir différent, se modifier". Il fait beau aujourd’hui, mais le baromètre baisse… le temps veut* rechanger ! (DromardDoubs 1991).
◆◆ commentaire. Attesté de façon sporadique aux 19e et 20e siècles dans les dictionnaires généraux du français avec les marques « pop. » (Lar 1875 ; TLF) et dans le français des environs de Paris en 1936 (MaugBagneux),
se rechanger "changer de vêtements" (le sens particulier "s’endimancher" n’étant explicite que dans TLF), est aujourd’hui caractéristique d’une aire nord-est
de la France (Champagne, Ardennes, Franche-Comté, avec quelques traces dans la Loire),
avec prolongements en Belgique (PohlBelg 1950 « déjà dans Diderot »), en Suisse romande (Pierreh 1926 se rechanger, déjà en 1636 se rechanger d’habits), mais aussi au Québec (GPFC 1930) et en Louisiane (DitchyLouisiane1932 "changer de linge, de vêtements"). L’ensemble de ces éléments, auxquels s’ajoute la diffusion, aussi méridionale du
déverbal rechange*, désigne cet usage comme un archaïsme issu du français populaire.
◇◇ bibliographie. DuPineauV [ca 1750] rechanger un enfant ; ZéliqzonMetz 1930 ; MaugBagneuxHSeine 1936 se rechanger ; GononPoncins 1984 ; DuraffHJura 1986 « régionalisme inconscient » ; TrouttetHDoubs 1991 se r’changer ; ColinParlComt 1992 ; RéginVallage 1992 ; TamineArdennes 1992 ; BlancVilleneuveM
1993 « usuel » ; DuchetSFrComt 1993 ; TamineChampagne 1993 ; RobezMorez 1995 « personnes âgées » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; FEW 2, 122b, cambiare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Doubs, Haute-Saône, 100 % ; Jura, Territoire-de-Belfort,
65 %.
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