ressuivre ou resuivre v. tr.
1. 〈Rhône (Chaponost, Milery), Isère (Villeneuve-de-Marc, Vourey [techn., usuel]), Pyrénées-Orientales〉 "cueillir ou ramasser ce qui a échappé à une première cueillette, à une première récolte". Stand. glaner, grappiller. – Ressuivre les grappillons (CampsRoussillon 1991). Il faut ressuivre les pois dégrenés (BlancVilleneuveM 1993).
— Emploi intr.
1. Beaucoup de maïs étaient cassés, la moissonneuse n’a pas pu tout ramasser. Il a fallu
resuivre et on avait vite fait de remplir un panier. (TuaillonVourey 1983, 323.)
2. Emploi intr. 〈Ardèche〉 "inspecter (une vigne) à intervalles réguliers".
2. Je n’avais besoin de personne pour « re-suivre » [sic] c’est-à-dire faire le tour à intervalles réguliers, de mes « souches » dans les îles [sic ponctuation]. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 215.)
3. 〈Rhône (Beaujolais), Loire (Forez, Poncins, Pilat), Isère (Villeneuve-de-Marc), Ardèche
(Annonay), Haute-Loire (Velay), Dordogne (Nontron)〉 "contrôler, vérifier la bonne exécution de (un travail)". Il me faut ressuivre tout le travail de cet apprenti (MartinPilat 1989 ; VurpasMichelBeauj 1992). On peut pas lui faire confiance, il faut tout ressuivre ce qu’il a fait (BlancVilleneuveM 1993). Si c’est lui qui l’a fait, il faut tout ressuivre (FréchetMartVelay 1993).
● [Le compl. d’obj. désigne l’exécutant] "contrôler le travail de (qqn)". Tu as balayé ? Bon ! Je vais te ressuivre, pour voir (GononPoncins 1984).
● [Avec double compl.] "contrôler (le travail de qqn)".
3. […] ou bien c’est un maladroit, ou alors, je sais pas où il a appris son métier :
y [sic] faut tout le ressuivre, tout ce qu’y [sic] fait : les plâtres, la peinture, le papier, tout ! (MeunierForez 1984, 196.)
● Emploi intr. Avec les apprentis, on est obligé de ressuivre si on veut que le client soit content (FréchetAnnonay 1995).
— 〈Basse Auvergne〉 "réviser, vérifier (qqc.) systématiquement".
4. Je resuis le dossier préparé par X et consorts. (Professeur du secondaire, ca 50 ans, Puy-de-Dôme, décembre 1997.)
● En part. "vérifier le bon état de (une toiture)". « Ressuivre » une toiture (BonnaudAuv 1980, s.v. ressuivre [dans la métalangue]).
— En part. 〈Loire (Forez), Isère (Villeneuve-de-Marc)〉 "vérifier le bon état de (linge, vêtement) afin de constater si une reprise est nécessaire". J’aime bien ressuivre le linge avant de le ranger (BlancVilleneuveM 1993).
— 〈Puy-de-Dôme (Thiers)〉 techn. (coutellerie, vente) "vérifier le bon état des couteaux fermants".
4. 〈Puy-de-Dôme (Thiers)〉 "recommencer ce qui ne va pas (après avoir vérifié quelque chose)" ; 〈Roussillon〉 "retoucher"a.
a On doit se contenter de reproduire la glose insuffisante de la source (CampsRoussillon
1991 : "retoucher, rechercher") ; on a séparé les deux acceptions roussillonnaises (v. ci-dessus 2) en tenant compte
du seul exemple fourni.
— 〈Puy-de-Dôme (Thiers)〉 techn. (coutellerie, fabrication) "reprendre (la production) pièce par pièce, pour contrôler et réparer ce qui est défectueux". Resuivre un rang.
■ dérivés. 〈Puy-de-Dôme (Thiers)〉 techn. (coutellerie, fabrication) resuiveur n. m. "celui qui reprend (la production) pièce par pièce, pour contrôler et réparer ce qui
est défectueux".
4.1. 〈Basse Auvergne, Bas Limousin〉 "remettre (une toiture, un mur) en bon état". Stand. réparer. – J’ai été obligé de faire resuivre le toit[,] il y avait des gouttières* partout (PotteAuvThiers 1993 s.v. gouttière).
5. Couvreur, il venait de passer une quinzaine de jours à resuivre la toiture du château et craignait maintenant de ne pouvoir se faire payer. (Cl. Michelet,
Les Palombes ne passeront plus, 1980, 59.)
6. – Cette toiture, soupira le maire, il faudra bien que nous nous décidions à la faire
« resuivre ». C’est du « vieux tuile » bouffé par la mousse […]. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 65.)
7. Resuivre les murs de soutènement : / Du [sic majuscule] grand [sic minuscule] Tournant au Saut de la Vieille, au Rouet n° 5, et au « Pont de chez Djina ». Du Château Gaillard aux Rouets n° 14 et 20 et au n° 23 Chez Lyonnet. / Passerelles métalliques sur la Durolle / à resuivre : / « Chez l’Ane » au Rouet n° 18 – Chez Lyonnet n° 23. (Le Pays thiernois et son histoire 17, octobre 1992, 31.)a
a Dans le texte resuivre s’oppose à assurer l’entretien de, à maintenir et à surveiller. – Acception plus générale dans « Ton vélo, il aurait besoin de resuivre, ça ganaille de partout » (PotteAuvThiers 1993, 92 s.v. ganailler [item caché, non défini]) ?
4.2. 〈Loire (Poncins)〉 "réparer à l’aiguille (du linge, un vêtement)". Stand. raccommoder, repriser. – Mon linge n’est pas encore ressuivi (GononPoncins 1984).
5. 〈Loire (Poncins)〉 "contrefaire (qqn), (le) singer". Maman ! Le Dédé, il fait rien qu’à me ressuivre ! (GononPoncins 1984).
◆◆ commentaire. Le verbe res(s)uivre (FEW 11, 492a ; Huguet ; Rob 1985 ; TLF) a développé dans certaines variétés de la moitié sud de
la France (en Beaujolais, Lyonnais, Forez, haut Dauphiné, Vivarais, Velay, Basse Auvergne
et bas Limousin, d’une part ; en Roussillon, de l’autre), sous un signifiant entièrement
standard(isé), une assez riche palette de valeurs et d’emplois particuliers, qui,
pour autant qu’on puisse en juger dans l’état de la documentation, transfèrent et/ou
prolongent des signifiés ayant pris naissance dans les langues autochtones (francoprovençal,
occitan, catalan). Seuls, néanmoins, les sens 3 et 5.1. semblent répandus sur des
aires cohérentes de quelque étendue ; à cet égard, il est notable que res(s)uivre n’ait jamais été relevé à Lyon, qui n’a donc pas joué, en l’occurrence, son rôle
directeur de diffusion et d’homogénéisation. 1, qui découle du sémantisme de base (verbe de mouvement) à travers un sens du type
de "revenir sur ses pas pour ramasser avec plus de soin" (attesté pour castr. ressiègre), est comparable à occ. ressègre "repasser par la vigne pour voir si l’on n’a pas laissé de raisin" (Marseille 1785) et à cat. resseguir "collir els raïms o altres fruits que han quedat sense collir en fer la collita general" (s.d., AlcM et CoromCat 7, 747-748). 2, encore proche du sémantisme de base, peut être rapproché pour le sens d’occ. (Basse
Ubaye) ressègre "parcourir, visiter". 3 (dep. 1947, GononPoncins, 162), plus abstrait et découlant d’un sens comme "examiner de nouveau" (attesté pour lim. ressegre), a pour antécédent mfr. resuivre "revoir, relire (un texte) pour le corriger, l’amender" (Montaigne, Huguet ; emploi dont le caractère diatopiquement marqué paraît plus que
probable) et correspond sémantiquement à occ. ressegre "repasser le travail qu’on a fait, revenir sur un ouvrage" Mistral, mdauph. reségre "repasser, réviser", béarn. resseguì "repasser, vérifier (un travail)" Palay ; cf. le parallèle de fr. repasser "passer de nouveau par un endroit" et "examiner à nouveau". 4 fournit le maillon intermédiaire entre 3 et son développement par métalepse 5 (de
l’action antécédente à l’action conséquente). L’acception 5.1. apparaît d’abord en moyen occitan (resegir "réparer (une toiture)", zone d’Avignon 1576, Pans 5), puis en français, sur son aire actuelle, en 1731 (St-Amant-Roche-Savine,
ress‑, RA 48, 116 ; 1752, doc. Cunlhat, res‑, ChambonMatAuv 44 ; Sauxillanges floréal an ix, res‑, BullAuv 85, 55 ; cf. encore doc. Loubert 1786, res‑, BoulangerConfolentais) ; elle est connue de certains parlers auvergnats (Vinz.).
5.2., qui paraît peu représenté au plan dialectal (Poncins, Lastic), est attesté en français
dep. 1861, à Clermont-Ferrand (MègeClermF), d’où il a aujourd’hui disparu ; il n’est
relevé que ponctuellement. 6, lui aussi noté à Poncins seulement (dep. 1947, GononPoncins, 162), correspond à une
acception présente dans le parler dialectal (connue également dans les parlers de
l’Ain et des Terres-Froides, v. DuraffGloss 7956, DuraffVaux 1941, 259, DTFr 5206).
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; SaugerPrLim 1825 « barbarisme » ; PomierHLoire 1834, 221 une nièce qui ne sait pas ressuivre ses affaires ; MègeClermF 1861 ; BonnaudAuv 1976 ; SalmonVigneLyonnais 1976, 172 resuivre ; TuaillonVourey 1983 ; GononPoncins 1984 ; MeunierForez 1984 ; QuestThiers 1987 ;
MartinPilat 1989 ; CampsRoussillon 1991 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM
1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; ChambonMatAuv 1994, 44 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère
1995 Il faut resuivre ces haricots, on en a laissés [sic] qui vont prendre des fils ; FréchetDrôme 1997 ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; FEW 11, 492ab, sequi ; Brochard enq. ; Chambon enq.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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