roubine n. f.
I. 〈Basse Provence, Gard, Hérault, Aude, Lozère〉 usuel "petit canal de drainage ou d’irrigation".
1. […] il avait oublié que l’aube pouvait être si belle, que le printemps avait des odeurs
d’herbes, de joncs, de fleurs de glais [= iris d’eau] baignant dans les roubines. (R.-A. Rey, Frosine, 1980, 68.)
2. Abondantes dans les roubines d’eau douce et dans les graus [= chenal faisant communiquer un étang avec la mer]
salés de Camargue, les anguilles sont pêchées à l’aide de trabacs, longs filets composés
de trois poches séparées entre elles par des goulets qui vont en se rétrécissant.
(Pays et gens de France, n° 37, les Bouches-du-Rhône, 3 juin 1982, 5.)
3. À l’aube, on retrouvait la bicyclette de Tin enfouie dans la vase d’une roubine. Le guidon, seul, émergeait. (Y. Audouard, La Clémence d’Auguste, 1986 [1985], 125.)
4. – Ces terres et ces marais, les roubines alentour, tout appartenait à ce Philippe. (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 26.)
5. […] couper l’herbe, les roseaux, les joncs, tout ce qui peut pousser dans les roubines [en note : fossé d’irrigation ou de drainage] et dans les fossés. (L. Merlo, J.-N. Pelen,
Jours de Provence, 1995, 245.)
6. […] des mares et des roubines, où stagne une eau croupie. (Midi libre, éd. Montpellier, 9 février 1998, 4.)
V. encore s.v. gardian, ex. 4.
— Dans un commentaire métalinguistique incident. Un ruisseau ou plutôt une roubine comme on dit chez nous (Les Carnets de guerre de Gustave Folcher, 2000 [1981], 119).
II. 〈Haute Provence〉 "schiste calcaire qui se délite à l’air".
7. […] l’on s’arrête au plus proche bistrot pour boire un verre de ce vin noir qui ressemble
aux roubines. (P. Magnan, Le Parme convient à Laviolette, 2000, 27.)
◆◆ commentaire.
I. Terme caractéristique de la Provence et du Languedoc oriental, attesté dep. 1416 (robine) à Aigues-Mortes (Ordonnances des rois de France, v. TLF) et 1637 (roubine) dans un hydronyme (« pont de bois sur la grande Roubine » cité dans E. Germer-Durand, Dict. topogr. du Gard, 1868, v. TLF). Emprunt à l’aocc. robina de même sens (dep. 1272 à Narbonne, Lv ; v. aussi BambeckBoden 20), le terme n’est
pas autochtone en Lozère (Ø EscoloGév 1992 et ALMC 925) ; ALP 145 le donne comme sporadique
dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse. Pris en compte par la lexicographie française
des 19e et 20e siècles, il figure dans les principaux dictionnaires généraux contemporains (avec
un marquage ou trop large ou trop étroit) : GLLF robine ou roubine « Dans le Midi de la France… », Rob 1985 robine ou roubine « régional (Sud de la France) » ; TLF roubine « région. (Provence) » ; la base Frantext n’en fournit qu’un seul exemple (Vidal de La Blache, 1908, témoignant de l’emprunt
par une langue de spécialité ; cf. Pierre George, dir., Dictionnaire de la géographie, Paris, éd. 1993 « Provençal ; Haut-Var »). – Sauvages 1785 robine ; VillaGasc 1802 roubine, robine ; 1897 (A. Daudet, Le Trésor d’Arlatan, 23) ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ; FEW 10, 578a, rupina.
II. Emprunté aussi à l’occ. (cf. Honnorat 1848 roubina "calcaire feuilleté, plus mou que l’ardoise et qui se délite à l’air" et Entraunes [Alpes-Maritimes] roubino "marne", ce dernier dans FEW, loc. cit.), ce sens n’est pas pris en compte par la lexicographie générale ni régionale. Il
est, comme le précédent, à la base de divers toponymes ; pour la discussion étymologique,
cf. J. Santano Moreno, « Latin rupina », dans NRO 29-30, 1997, 63-67 ; FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Gard, 90 % ; Bouches-du-Rhône, Hérault, Vaucluse, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence,
65 % ; Hautes-Alpes, Aude, 50 % ; Alpes-Maritimes, Lozère, Var, 30 %.
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