savoir v. tr.
〈Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Oise, Champagne (spor.), Ardennes (surtout nord), Meuse (nord), Moselle (est), Alsace.〉 Souvent en contexte négatif ou restrictif et suivi d’une proposition infinitive usuel "être capable de". Stand. pouvoir. – Je ne savais pas manger tellement j’étais émotionnée (CartonPouletNord 1991). Il sait y aller seul (TamineArdennes 1992).
1. Par contre, la nature s’était vengée, car si l’on pouvait dire : bon pied, on ne savait ajouter : bon œil et bonne oreille ; une cataracte grandissante l’empêchait maintenant
de voir distinctement et sa surdité vous obligeait à hausser fortement la voix. (J. Séry,
Le Coq à l’âtre. Mémoires d’un village ardennais, 1979, 12.)
2. Un matin il n’ouvrit plus les yeux. Son souffle était court. Le médecin qui le connaissait
depuis longtemps ne savait pas dire grand’chose. (Chr. Roederer, Nissim Rosen, 1986, 70.)
3. Un beau jour la Ville de Strasbourg nous avertit qu’on allait démolir le quartier
et nous devions nous loger ailleurs. Vous ne savez peut-être pas vous figurer combien nous en voulions à la ville de Strasbourg de nous
détruire notre immeuble […]. (R.-G. Sager, D’un bout à l’autre. Mémoires 1921-1987, 1990, 44.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. l’afr. (Eneas, cité par PohlBelg), cet usage – qui n’est conservé dans le français de référence
qu’au conditionnel précédé de ne, dans un registre soutenu – n’est aujourd’hui courant que dans le Nord et le Nord-Est.
Si la périphrase modale savoir + inf. (avec savoir à l’indicatif, en ambiance positive et négative) est encore bien attestée en mfr.
et aux 16e et 17e siècles, elle a en effet peu à peu déserté l’usage général, le tour je ne sçaurais le dire étant noté comme « vieilli dans la langue commune » dep. 1826 (GougPériphrases, 243-255, ici 252) ; cf. l’ALF qui recueille la périphrase
principalement dans le nord de la France en réponse aux questions 1082 ‘je ne peux pas perdre, ça c’est sûr’ et 1083 ‘par ce temps on ne peut pas dormir’. « Il y a là une survivance d’un usage classique, moins rigoureux que le nôtre dans sa
distinction » (Hanse 1994), courant également dans le français de Belgique (PohlBelg 1950 « cet emploi est un des plus caractéristiques des français régionaux de Belgique » ; MassionBelg 1987 ; LeboucBelg 1998 ; DelcourtBelg 1999). Mais l’influence du substrat
germanique (qui oppose können "avoir la possibilité physique ou morale de" à oser* "avoir le droit de, la permission de") est sans doute à prendre en compte. Les dictionnaires généraux contemporains enregistrent
ces usages de diverses façons : Rob 1985 « régional (Belgique) », citant DamPich, § 1698 ; TLF « fam. [citant Jarry 1895] » ou « région. (Belgique) » ; NPR 1993-2000 et Lar 2000 « Belgique ».
◇◇ bibliographie. « J’avais mal au pied, je ne savais pas courir après le car » Lille, juillet 1914, dans DamPich, § 34 ; TuaillonRézRégion 1983 (Lorraine) ; LanherLitLorr
1989 ; CartonPouletNord 1991 ; GuilleminRoubaix 1992 ; TamineArdennes 1992 ; TamineChampagne
1993 ; MichelNancy 1994 ; aj. à FEW 11, 197a, sapere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Meuse (nord), Nord, Pas-de-Calais, 100 % ; Aisne, Ardennes,
85 % ; Marne, Somme, 65 % ; Oise, 60 % ; Aube, Haute-Marne, 50 %.
|