tourner v. intr.
1. [Suivi de virer] 〈Bretagne, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest, Provence, Gard, Creuse, Dordogne,
Landes, Gironde〉 tourner, virer ou tourner-virer, tourner et virer loc. verb. "aller et venir sur place, tourner en tous sens sans but". Stand. fam. tournicoter.
— [Le sujet désigne un animé]
1. – […] Cherche donc dans tes armoires au lieu de tourner et de virer. Tu gardes toutes les guenilles sous prétexte que ça peut servir. Et bien, c’est le
moment de les sortir et pour une fois, tu auras eu raison. (J.-P. Mahé, La Grande Marie ou la fille du sonneur, 1967 [1947], 24.)
2. – Viens t’asseoir ! Tu marches, tu tournes, tu vires… (A. Sarrazin, L’Astragale, 1965, 210.)
3. Mademoiselle Zouzou dansait en face de Miguel, elle s’agitait la robe à plis, ils
faisaient un numéro. Et je tourne et je vire et je saute, ah ça ils m’ont épatée […]. (Chr. de Rivoyre, Boy, 1973, 170.)
4. Ma mère me tenait par la main, nous faisions la queue au cinéma Appolo […]. Ça me
barbait d’attendre ; déjà je n’étais pas patient ! Mais il fallait en passer par là,
la caisse ouvrait à une heure précise… Je tournais et virais, ma mère me remettait en place… (J. de Bougues-Montès, Chez Auguste. Histoires truculentes et vraies du bassin d’Arcachon, 1982, 139.)
5. […] une nuit blanche passée à tourner et à virer dans son lit. (G. Anger et J. Huguet, La Chaume, un peuple en fête, 1983, 48.)
6. – […] il [un essaim d’abeilles] monte en l’air comme un fou, il tourne, il vire mais il ne se pose pas comme il aurait dû. (M. Scipion, L’Homme qui courait après les fleurs, 1984, 50-51.)
7. Sa minuscule valise de carton était prête depuis l’aurore. Pourtant le train pour
Lourdes ne partait que le soir à vingt-et-une heures. Elle « tournait-virait » dans sa cuisine. (Y. Audouard, Les Cigales d’avant la nuit, 1988, 29.)
8. […] Émilie était toujours aussi gaie. Elle pinçait souvent les lèvres pour ne pas
rire, tournait et virait comme si elle avait le ver-coquin. (M. Jeury, Une odeur d’herbe folle, 1989, 114.)
9. Ils [des bécasseaux] décollaient soudain avec une parfaite simultanéité, évoluaient
au-dessus de l’eau en une masse compacte qui tournait et virait sans raison apparente, mais toujours avec un ensemble parfait[,] pour se reposer
aussi brusquement qu’ils s’étaient envolés […]. (J. Failler, On a volé la Belle Étoile !, 1996, 135-136.)
10. Le gardien [d’une résidence] tourne, vire, l’air de dire [à quelqu’un qui observe l’entrée] : je t’aime pas toi en planque…
(R. Merle, Treize reste raide, 1997, 65.)
11. Ma mère nous parle sans nous parler, sans nous regarder, elle tourne et vire entre le buffet, la table, les fourneaux et l’évier (…]. (I. Frain, La Maison de la source, 2000, 176.)
● Comme terme d’adresse.
12. Les autres élèves avaient des surnoms. Marcel, on l’appelait Tourne-vire, parce que tous les trois pas il se retournait sur lui-même pour regarder en arrière,
alors Tourne-vire, ça s’expliquait. (J.-Cl. Libourel, Antonin Maillefer, 1997 [1996], 70.)
— [Le sujet désigne un inanimé concret ou abstrait] Ce vent qui n’arrête pas de tourner et virer (I. Frain, La Maison de la source, 2000, 113).
● En emploi impers.
13. Le bus poursuit sa route […] et ça tourne et ça vire […]. (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 68.)
14. Ça tourne et ça vire dans les circonvolutions de son pauvre cerveau […].(A. Aucouturier, L’Arthritique de la raison dure, 1999, 54.)
— 〈Provence〉 tourné-viré (vieilli), tourne-vire loc. adv. "tout bien pesé".
15. Tu crois qu’il pourrait reprendre ce bar, après toi ? Je ne pense pas […]. / Tu verrais
qui ? […] Tourne vire, un seul ferait l’affaire, assez vif, assez causant, assez filou aussi. C’est Barone.
(Cl. Courchay, Chronique d’un été, 1990, 53-54.)
2. [Précédé de virer] 〈Provence〉 virer, tourner ou virer-tourner loc. verb. "aller et venir sur place, tourner en tous sens sans but". Stand. fam. tournicoter.
16. Mais allez donc savoir ce qui se passe sous les cornes de ces quadrupèdes [chèvres].
Installées dans un coin idéal, avec de l’herbe jusqu’aux jarrets, elles sont capables
des pires contorsions pour atteindre un rameau chétif d’arbre fruitier. Elles virent, tournent, s’agenouillent, s’étirent […]. (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 62.)
17. Le sommeil suffit d’ordinaire à remettre les choses en place. Je n’arrivais pas hélas
à le trouver. J’avais perdu l’habitude de boire et mes libations de la veille m’avaient
mis dans un insupportable état de fébrilité. Je virais-tournais dans mon lit comme un cochon malade. (Y. Audouard, Lettres de mon pigeonnier, 1991, 58.)
◆◆ commentaire. La conjonction de tourner et de virer, attestée dep. l’afr. (FEW) était déjà considérée comme de registre « bas » au 17e siècle (Fur 1690), oscillant par la suite entre « pop. » (Acad 1740-1798) et « fam. » (Acad 1878), tandis que tournevirer était « vieux » au 18e siècle (Trév 1771). Elle n’est plus enregistrée de nos jours que dans les loc. tourner et virer qqn "essayer de toutes les façons de le sonder, de le faire parler" (GLLF) et faire tourner et virer qqn "le soumettre à ses caprices" (Rob 1985), sauf dans TLF, qui cite P. Loti (1883), mais sans dégager ce tour. Cet
archaïsme semble survivre avec prédilection dans quelques larges aires, principalement
dans l’Ouest, la Provence et le Sud-Ouest, ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelona.
a Quelques exemples sont difficilement localisables : Ph. Djian 1985, Frantext ; P. Siniac Folies d’infâme, Paris, Gallimard, 1983, 262 (et trois occurrences du cédérom Le Monde (Claire Blandin, 7 novembre 1992 ; Jean-Yves Lhommeau, 16 juillet 1994 ; Christine
Rousseau, 9 décembre 1995).
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 « se tourner-virer revenir sur ses pas » ; PuitspeluLyon 1894 virer et tourner ; RézeauOuest 1984 tournevirer ; MartelProv 1988 virer-tourner ; SuireBordeaux 1988 et 2000 tourner-virer ; RouffiangeAymé 1989 ; BrassChauvSPM 1990 tourner (et) virer ; ValMontceau 1997 tournevirer ; ArmKasMars 1998 tourne-vire loc. adv. ; RoubaudMars 1998, 88 tourné-viré loc. adv. ; FEW 14, 396-397, vibrare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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