vire-vire n. m. invar.
1. 〈Provence〉 fam. "manège forain, notamment de chevaux de bois".
1. Les premiers mètres du film représentent la fête avec ses vire-vire, comme on dit à Marseille. (L. Malet, Casse-pipe à la Nation, 1991 [1957], 566.)
2. En ce temps-là mourut aussi le cheval des Bouchard. Ces Bouchard possédaient le dernier
vire-vire à traction animale qui fréquentait nos fêtes foraines. (P. Magnan, L'Amant du poivre d'âne, 1988, 305.)
3. – Regardez, dit Séraphine, il y a un vire-vire là-bas…
Le manège tournait en haut de l'allée, une machinerie énorme[,] rose, verte et bleue avec des chevaux, des cochons et même des tigres qui tournaient en coulissant… Même en plein jour, les ampoules électriques brûlaient, il y en avait partout… – Ça vous dirait d'y faire un tour ? (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 34.) — Par anal.
● "tourniquet d'arrosage (BlanchetProv 1991) ; appareil dont le fonctionnement se fait par un mouvement circulaire".
4. […] un petit appareil en fer-blanc pourvu d'une manivelle que Lisa appelait « le vire-vire » et qui était un modeste extracteur : il pouvait tout au plus contenir deux cadres
[de ruche]. (M. Scipion, L'Homme qui courait après les fleurs, 1984, 56.)
● faire le vire-vire loc. verb. "s'agiter, remuer en tous sens".
5. – Marie-Louise, ne bois pas de café. Ça t'empêche de dormir toute la nuit, tu fais le vire vire dans le lit. (N. Ciravégna, Chichois et la rigolade, 1996 [1992], 121.)
2. Au fig. 〈Provence, Gard, Hérault, Lot-et-Garonne〉 fam.
2.1. "besoin de s'agiter, de remuer, de bouger".
6. Un jour, il me prend le vire-vire, plus moyen de rester en place. Je prends la voiture et me voilà dans la montagne
de Lure. (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 46.)
2.2. "vertige, tournis", surtout dans des loc. verb. du type avoir/donner le vire-vire.
7. Elle crie après maman parce qu'elle est trop rapide : « Bou Diou*, cette petite, c'est le mistral ! Arrête-toi, que* tu me donnes le vire-vire. » (N. Ciravégna, Chichois de la rue des Mauvestis, 1979, 13.)
8. […] il s'est mis à tourner en gambadant que ça me donnait le vire-vire […]. (R. Blanc, Clément, Noisettes et autres Gascons, 1984, 74-75.)
9. Alors tu rirais, Marty, de me voir grimper sur la grande chaise pour attraper le pot
qui est sur la grosse poutre. Je leur dis, en couinant un peu, tiens-me le bien que
j'ai le vire-vire. (R. Blanc, Clément, Noisettes et autres Gascons, 1984, 117.)
10. Marthe s'apprête à écrire quelques exemples au tableau. Que lui arrive-t-il ? La classe
se met à tourner autour d'elle et elle doit s'agripper au bureau pour ne pas tomber,
visage devenu blafard […].
– Ce n'est rien. J'ai eu le « vire-vire ». (S. Pesquiès-Courbier, La Cendre et le feu, 1984, 197.) 11. On est allés prendre le pastis à la gare de l'Est. C'est là le vrai cœur de Marseille,
avec, devant la statue mutilée de je ne sais plus qui, le petit marché où l'on trouve
tous les fruits et légumes de l'univers. […] Ça grouille de monde, ça crie, ça s'appelle
par la fenêtre, on entend un piano, des chiens aboient, des chats regardent – c'est
une bouillabaisse vivante qui donne le vire-vire, et ça sent la mer, l'anis et la friture. (H.-Fr. Blanc, Jeu de massacre, 1993 [1991], 45.)
12. – […] Bon, et Gélou, qu'est-ce qu'elle en dit, de tout ça ?
– Elle a pas envie de rentrer. Elle est inquiète, la pauvre. Toute perdue. Elle dit que ça lui fait le vire-vire dans la tête. (J.– Cl. Izzo, Chourmo, 1996, 226.) ◆◆ commentaire. Attesté d'abord au sens, aujourd'hui vieux, de "loterie foraine" (« Un bal, un carrousel de chevaux de bois, des vire-vire, un tir au pistolet » A. Theuriet, France 1910 ; 1908 « la terrasse où s'installent quatre ou cinq roulottes de forains, vire-vire, tir à
l'arbalète, jeux de massacre, etc. » J. Aicard, né à Toulon, DDL 25 ; « On pouvait aussi jouer au vire-vire, genre de jeu de roulette où l'on gagnait des bonbons et des pralines » Chroniques de Simiane [Alpes-de-Haute-Provence], recueillies par H. Mollet et P. Martel, 1984, 77, évocation
de la fête patronale du village en 1900, souvenirs de L. Julien, né en 1885, évoqués
par sa petite-fille), vire-vire est aussi relevé dans le français des Hautes-Alpes en 1938 (J. Barachin, région) et de la Combraille en 1945 (É. Pauly, Vieille Combraille, Moulins, 95), et a été également enregistré dans plusieurs glossaires du Berry dep.
1903 (Lapaire, FEW ; BerthierIssoudun 1996). Le sens "manège de chevaux de bois" est attesté sous la forme bire-bire à Bayonne en 1902 « […] expressions étrangères (espagnoles, basques, patoises), qui sont d'un usage courant
à Bayonne. […] bire-bire = Carrousel (chevaux de bois) » (LambertBayonne, 142) et 1904 « bire, bire, carrousel, chevaux de bois (patois) » (LambertBayonne, 83), puis à Marseille en 1931 (Brun).
Redoublement à valeur intensive du radical de virer, vire-vire connaît plusieurs autres sens peu diffusés, parmi lesquels s'inscrivent ceux de cet
article (non pris en compte par la lexicographie générale), de même que "endroit où la mer forme des tourbillons" (dep. Besch 1845) ou "engin de pêche" (1923 « […] à l'ombre d'un arbre pleureur, un vire-vire tournait ainsi qu'un moulin à prières
et cherchait l'alose » A. Arnoux, né à Digne, dans IGLF ; « […] l'alose pêchée au vire-vire depuis la Barthelasse, devant les remparts d'Avignon » Le Monde, 19 juillet 1995, 22). Le mot est particulièrement caractéristique du français de
Marseille au sens 1 (dep. Brun) ; les sens 2, d'attestation plus récente, semblent en usage dans une aire plus large (mais avoir le vire-vire "avoir le vertige", relevé dans ColinParlComt 1992, ne semble pas d'usage courant dans le français de
Franche-Comté).
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; CouCévennes
1992 "tournis" ; ArmanetBRhône 1993 ; CovèsSète 1995 ; ArmKasMars 1998 « vieilli » ; MartelBoules 1998 « partout » ; BouisMars 1999 ; FEW 14, 385b, vibrare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : ("manège") Var, 100 % ; Bouches-du-Rhône, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 65 % ;
Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, 50 %.
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