abat n. m.
1. 〈Normandie, Indre-et-Loire.〉
— pleuvoir/tomber d’abat loc. verb. impers. "pleuvoir de façon soudaine et violente". Ça tombe d’abat (BrasseurNorm 1990 ; SimonSimTour 1995). Il pleut d’abat (SimonSimTour 1995).
— pluie d’abat loc. nom. f. "pluie d’orage, soudaine et violente".
1. Le crin noir et serré d’une pluie d’abat fouettait de biais l’horizon, au-dessus de la mer. (J.-L. Ezine, La Chantepleure, 1983, 134.)
2. 〈Surtout Centre-Ouest, Indre-et-Loire, Aveyron, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées,
Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel Le plus souvent dans la loc. nom. m. abat d’eau "pluie d’orage, soudaine et violente". Il est tombé un bel abat cette nuit (ArmanetVienne 1984). Je me suis pris un abat-d’eau sur le coin de la gueule (SuireBordeaux 1988). Il y a deux ans on avait eu un de ces abats d’eau… (Femme, 65 ans, Abilly, dans SimonSimTour 1995).
2. – La lune n’a pas d’auréole, disait-elle, tant pis : encore un peu de pluie n’aurait
pas fait de mal. Tenez, regardez la terre : elle est aussi sèche… ces abats d’eau ne pénètrent pas. (Fr. Mauriac, Galigaï, 1952, 62.)
3. Un roulement sourd révélait la brutalité de l’abat d’eau. Les grosses gouttes traversaient l’air noir en le hachant de stries liquides. (R. Béteille,
Souvenirs d’un enfant du Rouergue, 1984, 102.)
4. C’est alors qu’au plus fort de la tourmente, surgissant de la pluie et du vent apparut
un cheval fou sur lequel se tenait crispée la belle Muriel […]. Muriel descendit toute
noyée par les abats d’eau. (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 142.)
5. La seule différence des journées se marquait dans la façon dont se déversait l’eau
du ciel : parfois c’était une épaisse brouillasse qui pénétrait tout de froid […].
Le plus souvent, comme en ce jour, c’étaient de violents abats que poussait le vent d’ouest, ils claquaient aux vitres, se glissaient en longues
flaques sous les portes […]. (M. Clément-Mainard, La Foire aux mules, 1989 [1986], 123-124.)
6. Succédant à une sécheresse de plusieurs semaines, les abats d’eau ont provoqué ici et là quelques perturbations. (Ouest-France, éd. Vendée-Ouest, 4 août 1986.)
7. […] une nouvelle sécheresse estivale se profile et, en attendant, on redoute les violents
abats d’eau qui entraînent d’un coup les semis au fossé et emportent la terre trop légère. (É. Fottorino,
« Le Lot-et-Garonne à l’heure des intempéries », dans Le Monde, 21 avril 1990, 25.)
8. Les grands abats d’eau de l’hiver et du printemps avaient laissé dans le couloir d’entrée des taches sombres
et boueuses […]. Une brouette défoncée et des cannes à pêche étaient posées le long
du mur de la cuisine. (Fr. Pons, Les Troupeaux du diable, 1999, 168.)
9. De violents orages se sont abattus hier en fin d’après-midi sur le Gers […]. En deux
heures, les sapeurs-pompiers gersois ont dû faire face à 85 interventions, dont 65
assèchements, en raison des abats d’eau, notamment sur Auch. (Sud-Ouest, éd. Pays basque, 28 juillet 1999, 4 R.)
◆◆ commentaire. Caractéristique de l’Ouest – d’où il est passé au Canada (1810 abat de neige, DDL 48 ; 1910 pluie d’abat FichierTLFQ ; GPFC 1930 pleuvoir d’abat dans la métalangue s.v. frimasser ; ALEC 1175 ; PoirierAcadG ; NaudMadeleine 1999) et à St-Pierre-et-Miquelon (BrassChauvSPM
1990), dispersion qui témoigne de l’existence de ce sens avant le 18e s. – d’où il a gagné le Sud-Ouest, mais aussi sporadiquement attesté dans la région
lyonnaise, abat "pluie abondante" n’est cependant enregistré dans les dictionnaires du français que dep. 1863 (Littré,
sans marque diatopique ; mais, confirmant l’archaïsme du mot et son enracinement dans
l’Ouest, ce dictionnaire cite une lexie proche, vent d’abas chez Descartes [né à La Haye-Descartes ; études à La Flèche], 1637) ; même absence
de marque dans TLF (qui cite Pourrat : abats de pluie 1922, abats de grêlons 1923 et abat d’eau 1925 ; mais on sait que cet auteur a volontiers recours à de légers archaïsmes) et
dans GLLF (qui cite Loti [1888], originaire de Rochefort), tandis que Rob 1985 indique
vaguement « vx ou régional » avec le même exemple de Loti, la lexie pluie d’abat étant qualifiée de « vx » dans NPR 1993-2000 et Lar 2000. Parallèlement, diverses lexies ou locutions comparables
ont été enregistrées par des glossaires du 19e siècle : en 1849 à Caen (« Dans l’arrondissement de Caen, la pluie d’abat est une pluie abondante » Duméril), 1870 en Aunis (« abat-d’eau […] on dit aussi pluie d’abat » MeyerAunis), 1887 dans l’Orne (« la pluie tombe d’abat » Dumaine, 204) ; pluie d’abat est par ailleurs documenté en 1856 chez le Normand Barbey d’Aurevilly (Frantext). Dépourvu de toute assise occitane et francoprovençale (Ø ALLy 785, Ø ALJA 26),
le mot s’est diffusé dans la région lyonnaise par Paris.
◇◇ bibliographie. PuitspeluLyon 1894 abat (d’eau) ; ClouzotNiort 1907-1923 « un abat d’eau est une violente averse, une pluie d’abat » ; MussetAunSaint 1929 ; DuclouxBordeaux 1980 ; ArmanetVienne 1984 ; SuireBordeaux
1988 et 2000 ; Wiedemann MélJeune 1990, 373 ; RézeauOuest 1990 ; BoisgontierAquit
1991 ; SimonSimTour 1995 ; Dialangue, avril 1996, 25 ; FEW 24, 18a, abbattuere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente, Charente-Maritime, Gers, Gironde, Landes, Hautes-Pyrénées,
Deux-Sèvres, 100 % ; Vienne, 60 % ; Pyrénées-Atlantiques, Vendée, 50 % ; Indre-et-Loire,
40 % ; Lot-et-Garonne, 20 %.
|