arapède n. f.
〈Provence〉 usuel
1. "coquillage marin univalve de forme conique, qui se fixe solidement aux rochers immergés
à marée haute et dont certaines espèces, notamment Patella vulgata, sont comestibles". Stand. bernique, patelle, fam. chapeau chinois.
1. Comme Guillaume l’écoutait avec intérêt, le vieux, pour continuer la conversation,
fit apporter par sa femme une autre « vaisselle » pleine cette fois de grosses arapèdes cueillies au couteau sur les rochers. (J. Montupet, Dans un grand vent de fleurs, 1991, 228.)
2. Enfant, je gambadais avec maladresse sur les rochers […] où les arapèdes se collaient […] les unes aux autres pour sculpter une multitude de petites bosses
[…]. (M. Fillol, Les Cigales chantent encore, 1999, 94.)
□ En emploi métalinguistique.
3. […] les fameuses Patella rustica, plus communément appelées arapèdes. (Nice-Matin, éd. Menton, 26 août 1999, 28.)
— Dans des comparaisons comme l’/une arapède (sur/à son rocher) "(pour qualifier un attachement marqué, une proximité étroite, une intimité très forte)".
4. […] elle ne va plus nous lâcher. Agrippée à René comme l’arapède sur son rocher et buvant sec entre chaque danse. (A. Bastiani, Panique au Paradis, 1963, 132.)
5. […] un peuple solide et tenace, cramponné à sa terre comme l’ « arapède » (bernique) à son rocher. (Pays et Gens de France 32, le Var, 29 avril 1982, 7.)
6. […] Papi boudait toujours, incrusté sur son banc comme une arapède… (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 46.)
7. Les légendes s’y installent [dans la rade de Marseille] comme des arapèdes sur les rochers, indécrochables ! (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 20.)
V. encore s.v. cabanon, ex. 18.
— pêcheur d’arapèdes loc. nom. fam., péj. "personne considérée comme besogneuse, misérable, de peu de valeur".
8. Les garçons, surtout, lui paraissaient idiots […]. Et stupides, les filles qui pouvaient
admirer ces marins de pédalos, ces pêcheurs d’arapèdes. (N. Ciravégna, Le Pavé d’amour, 1978 [1975], 61.)
2. Au fig. "personne importune, dont on ne peut se débarrasser". Stand. fam. crampon, pot de colle. – C’est une vraie arapède ! Quelle arapède ! (BouvierMartelProv 1982).
9. Marcellin Roumère disait : Je ferai le portrait dès maintenant et le chapeau fleuri
plus tard, avec les premières cueillettes de mai.
– Comme ça, murmura Lazarie à sa sœur, nous voilà avec une arapède sur le dos jusqu’à l’été ! (J. Montupet, Dans un grand vent de fleurs, 1991, 302.) — Dans le syntagme la/une vraie arapède.
10. – […] Il me colle au cul depuis une plombe [= une heure], une vraie arapède. (J.-Cl. Izzo, Chourmo, 1996, 98.)
11. – Il est beaucoup [= très] brave*, mais alors, plus moyen qu’il s’en aille, la vraie arapède. (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 60.)
— Emploi adj. Zézette, je l’ai laissé tomber, elle commençait à être un peu trop arapède (BouvMars 1986).
■ remarques. 〈Sète〉 arapète (LangloisSète 1991 et CovèsSète 1995), à valeur de schibboleth : « Un test de “sétorité” consiste à faire prononcer ce mot. Ceux qui prononcent “arapède” ne sont pas des Sétois authentiques ! » (LangloisSète 1991). C’est aussi principalement sous cette forme que le mot est attesté
dans le français des Pieds Noirs (MazzellaPiedNoir 1989 arapette ; DuclosAlgérie 1992 arapète, arapède).
■ dérivés. arapéder (s’) v. pronom. (hapax, équivalant à "s’incruster, s’agglutiner"). « L’étrange population qui s’arapédait là […] » (J.-B. Pouy, Palmiers et crocodiles, 1994, 77).
◆◆ commentaire. Attesté au sens 1 dep. 1742 (« On apelle ce Coquillage en françois, Patelle […] ; en Provence Arapéde […] en d’autres
endroits Bernicle » Dézallier d’Argenville, L’histoire naturelle […], 238 ; 1769 « dans le département de Toulon […] on trouve aussi des Bioux, des Arapedes qui sont
assez délicats [sic] » DuhamelPêches, 98b), le terme est enregistré dans la lexicographie générale : Lar 1866-GLLF
(ex. d’Aicard) ; Rob 1985 (« Sud-Ouest » [sic], ex. de Giono et de Pagnol), TLF (sans marque diatopique, ex. tirés d’une lettre
de Zola [enfance à Aix-en-Provence] et de Pagnol) ; au sens 2 dep. 1931 (BrunMars). Le mot est connu ailleurs qu’en Provence, notamment par le
biais de la littérature régionaliste, mais sa pénétration dans le français général
semble faible (ainsi « Marion, accrochée à son écran de traitement de textes comme une arapède à son rocher
[…], la secrétaire qui tape plus vite que son ombre » J.-B. Pouy, La Belle de Fontenay, 1992, 99). De « genre flottant » pour Rob 1985, arapède est réputé masc. par les dictionnaires généraux, mais les usagers (et les glossaires
régionaux) le font constamment du féminin. De pr. arapedo (dep. 1835, Garcin), de mêmes sens (FEW).
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 ; BouvierMars1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 arrapède ; LangloisSète 1991 ; ArmanetBRhône 1993 ; BouisMars 1999 ; FEW 5, 257a, lepas.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance (sens 1) : Bouches-du-Rhône, Var, 100 % ; Alpes-Maritimes,
90 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 % ; Vaucluse, 30 % ; Hautes-Alpes, 25 %.
|