boucaille n. f.
〈Côtes de Haute-Normandie et de Bretagne〉 usuel "petite pluie fine". Stand. bruine, crachin. Synon. région. mouillasse*, mouillasserie*.
1. La flotille glissait, vent arrière. Les bouts-dehors raturaient le Mont-Saint-Michel
qui, par intervalles, sortait de la boucaille. (R. Vercel, La Caravane de Pâques, 1988 [1948], 358.)
2. La pluie ne décessait [= arrêtait] pas, une boucaille qui masquait toute vue. À l’estime, on devait avoir doublé les dernières Chausey,
dans l’ouest. (R. Vercel, La Caravane de Pâques, 1988 [1948], 494.)
3. Les deux frères sont passés à portée de gaffe l’un de l’autre, heureux, malgré l’affection
qu’ils se portent, de ne pas s’être « embrassés »… ce qui arrive quelquefois hélas, dans la « boucaille » de Terre-Neuve. (J. Recher, Le grand Métier. Journal d’un capitaine de pêche de Fécamp, 1977, 109.)
4. … la boucaille est une pluie sans fin
la pluie de la désespérance et de l’ennui elle fige l’île dans un rêve étroit que portent bien les femmes noires… (Enez Eussa, 1981, dans J.-Cl. Bourlès, Une Bretagne intérieure, 1998, 186.) 5. Alors que j’étais transi par la brume glaciale, je vis surgir dans cette boucaille un iceberg d’au moins cinquante mètres de haut. (L. Martin, Forçats de l’océan. La grande pêche de Terre-Neuve aux Kerguelen, 1986, 58.)
6. – Fait beau ?
Une voix rude et éraillée, une voix qui ne savait pas parler doucement troua la nuit finissante d’un seul mot : – Boucaille ! Ce fut tout. Ce fut tout et ce fut assez. Mary, qui avait eu un grand-père pêcheur auprès duquel elle avait vécu toutes ses vacances, savait ce que signifiait ce mot. Boucaille voulait dire temps gris, ciel gris, mer grise. Pas de vent mais un crachin ténu, tenace, capable de tomber sans discontinuer pendant vingt-quatre heures comme pendant une semaine. Boucaille, c’était aussi une mer calme, débonnaire, agitée seulement de grandes houles onduleuses […]. (J. Failler, Boucaille sur Douarnenez, 1996 [1995], 5.) □ Dans un commentaire métalinguistique incident.
7. Cette brume grasse et épaisse : la boucaille, comme on la nomme, c’était bien l’angoisse, l’enfer des dorissiers. (J. Recher, Le grand Métier. Journal d’un capitaine de pêche de Fécamp, 1977, 178.)
— Par métaph.
8. Décidément, elle [une femme policière] ne « sentait » pas cette enquête, la boucaille était partout. (J. Failler, Boucaille sur Douarnenez, 1996 [1995], 93.)
◆◆ commentaire. Terme caractéristique des côtes de Haute-Normandie et de Bretagne (d’où il est passé
à Saint-Pierre-et-Miquelon), boucaille n’est documenté que dep. 1906 (« Vent du Nord, dans la matinée, entraînant avec lui brume et pluie fine, toujours la
fameuse boucaille » Charcot, DDL 9) et n’est enregistré dans la lexicographie générale que par Rob 1985,
comme terme de marine. Il « dérive peut-être, par changement de suffixe, de boucane "fumée" ; v. le français de l’Ouest s’emboucaner "s’obscurcir (du temps)" (FEW 20, 72b, mokaèm) » (BrassChauvSPM 1990). Il n’a été obtenu qu’en un seul point côtier d’Ille-et-Vilaine
par l’ALBRAM 528 (pt 35).
◇◇ bibliographie. DéribleSPM 1986 ; BrassChauvSPM 1990.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
|