bouillée n. f.
〈Ille-et-Vilaine, Morbihan, Loire-Atlantique, Sarthe, Maine-et-Loire, Vendée, Deux-Sèvres
(spor.), Vienne, Charente-Maritime, Charente, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher〉 rural, usuel "groupe serré de végétaux (herbe, fleurs, arbres)". Stand. bouquet, touffe. – Bouillée d’oseille ; bouillée de charmes (A.D.G., Juste un rigolo, 1977, 56) ; bouillée de genêts, de sapins.
1. Il regardait fixement devant lui, dans la direction des chrysanthèmes, disposés en
large bouillée au milieu de la table. (H. Bazin, Vipère au poing, 1948, 47.)
2. À cette époque [1840], le petit hameau de La Cotinière n’abritait que quelques maisons
de pêcheurs, nichées sous les pins, derrière des bouillées de tamaris. (N. Marlier-Verdier, Oléron, 1973, 81.)
3. Trois cents tulipes crèvent le gazon, par bouillées de quinze […]. (H. Bazin, Madame Ex, 1989 [1975], 181.)
4. Les bois entouraient complètement la maison, distants tout autour d’environ deux cents
mètres. Sur l’arrière, côté fenêtre cuisine, un petit jardin potager arborait des
bouillées de persil et autres verdures inidentifiables pour un citadin d’esprit moyen. (A.D.G.,
Juste un rigolo, 1977, 46.)
5. Tout peut être prétexte à jouer, au bord de la rivière […]. La seule nécessité, c’était
de faire attention, car les bords sont glissants. Une bouillée d’herbe sur l’appui de laquelle on compte peut vous lâcher d’un seul coup, et vous
vous écrasez les quatre fers en l’air dans l’eau molle qui s’ouvre et se referme sur
vous. (Y. Viollier, La Cabane à Satan, 1982, 130.)
6. En face de lui s’entremêlaient de hauts joncs à panaches et des bouillées de saules qui fixaient la vase en îlots. (L. de La Bouillerie, Le Passeur, 1991, 55.)
7. L’horizon blanchissait. On entendit une cane se lever d’une bouillée de saules, puis la chaîne de fer tomba sur les planches. Les coups de rames qui chassent
l’eau sous le bateau s’éloignèrent de l’île de Béhuard. (L. de La Bouillerie, Le Passeur, 1991, 144.)
8. […] son lit [de la rivière] se perdait dans les nénuphars et les « bouillées » de rouches, s’égarait à travers de gros rochers de granit poli […]. (J. Néraud, Ma Rue, 1999, 196.)
9. On les [les carpes] prend au trémail : elles se mettent dans les bouillées de joncs. On entoure la bouillée après les avoir repérées. (J. André et al., À Grand-Lieu, un village de pêcheurs, 2000, 252.)
V. encore s.v. castille, ex. 3.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
10. […] les lilas de mer qui poussent dans les vases en gerbes épaisses appelées bouillées […] et qui fleurissent bleu […]. (L. Chevalier, Les Relais de mer, 1983, 16.)
— Par métaph.
11. Ses cheveux rouges […], mais d’un rouge à vous faire pâlir le plus beau cuivre du
chaudron le mieux briqué. Elle en avait une bouillée, mon ami, on aurait dit du feu. (Y. Viollier, La Mariennée, 1980, 155.)
■ variantes.
1. 〈Maine-et-Loire〉 bouillerée n. f. « Finalement, les canards s’écartèrent de la rive et filèrent, cabotant, à l’abri d’une
bouillerée [en note : bouquet] de saules à demi immergés » (G. Guicheteau, Les Gens de galerne, 1983, 200) ; « C’était une maison basse dont les fenêtres et les volets conservaient péniblement
des restes de peinture grise écaillée. Tout le long de la maison, une rangée de grosses
“bouillerées” de fleurs – sorte de trèfle sauvage aux fleurs roses du plus bel effet – redorait
l’ensemble ou accentuait la vétusté de la façade. C’est selon » (P. Bourigault, Le Café de l’église, 1999, 40).
2. 〈Mayenne〉 bouée n. f. « Le ruisseau se met alors à serpenter fort, tantôt limite entre les prés, tantôt ramenant
sur La Métairie ses deux rives, tantôt par une courbe inverse franchissant la clôture
(fil de fer et piquets) il passe entièrement sur le sol voisin où sont plantées suivant
ses contours des touffes ou plutôt ce que nous appelons des “bouées” d’aulnes (auxquelles grimpent, riches en fleurs, en mûres à l’automne, des ronces) » (J.-L. Trassard, Des cours d’eau peu considérables, 1981, 86).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1746-48 dans le français de l’Anjou (« une bouillée ou bouillerée de légumes comme de céleri, une poignée » DuPineauR ; 1748 « 3 ou 4 bouillées d’herbes »a PotierHalford, 118) et dep. le 18e s. en Saintonge (« bouillées de bois », v. MussetAunSaint), ce type est caractéristique du français du sud-ouest d’oïl.
De là, il est passé en Acadie (PoirierAcadG ; MassignonAcad 1962, § 266 ; CormierAcad
1999 ; NaudMadeleine 1999), au Québec (où il est attesté sur la Côte-Nord, ALEC 1250
‘touffe d’arbres’), en Louisiane (Ditchy) et à Saint-Pierre-et-Miquelon, selon une distribution typiquement
acadienne. Absent de GLLF, le terme figure dans Rob 1985 (« régional », sans autre précision et sans exemple) et TLF (sans marque diatopique, mais avec
des exemples de P. Loti [Rochefort], 1882 et H. Bazin [Angers], 1948) ; « il se rattache sans doute au rad. de bouleau (afr. boul), à partir duquel ont été formés différents termes dialectaux désignant des bouquets
de rejetons ou des touffes de végétaux » (TLF) et il est encore relevé dans les patois de l’Ouest (ALIFO 118 ‘une touffe d’herbe’ et 328* ‘touffe de rejetons’, pt 70 ; ALBRAM 240 ‘souchée de pommes de terre’ ; ALO 240 ‘une touffe de rejetons’ et 347 ‘un bouquet d’arbres’). Si le mot n’a pas été reconnu dans les Deux-Sèvres lors des enquêtes DRF, il n’y
est cependant pas inconnu (GlossSefco).
a Témoignage recueilli par le Père Potier de la bouche d’un de ses confrères, le Père
Pierre-Daniel Richer, originaire du diocèse d’Angers (PotierHalford 1994, 318).
◇◇ bibliographie. BaguenaultOrl 1894 ; EudelBlois 1905 ; MussetAunSaint 1929 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ;
DéribleSPM 1986 ; BrassChauvSPM 1990 ; BrasseurNantes 1993 ; PénardCharentes 1993 ;
ChauveauLexOuest 1995, 87 ; Dialangue, avril 1996, 45 ; GallenBÎle 1997, 33 ; FEW 1, 346b, *betw- (et 21, 45a).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente, Charente-Maritime, Vendée, 100 % ; Sarthe, 65 % ;
Loire-Atlantique, 60 % ; Loir-et-Cher, Maine-et-Loire, 50 % ; Ille-et-Vilaine, Vienne,
40 % ; Indre-et-Loire, 30 % ; Deux-Sèvres, Essonne, Loiret, Val d’Oise, 0 %.
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