clenche n. f.
〈Surtout Nord, Picardie, Normandie, Bretagne (spor.), Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Haute-Marne (est), Ardennes, Lorraine, Alsace〉 usuel "petit bras de levier d’un loquet de porte ; par méton. loquet, poignée de porte (ou de fenêtre)". Synon. région. guichet*, ticlet*. – Poussé par la clenche, le loquet sauta dans son agrafe de fer avec un claquement sec (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 207). La clenche d’une porte (J. Chaudron, Autour de la Bessotte. Souvenirs d’un enfant de Lorraine, 1994, 106). Les clenches de portes (R. Harrburger, Du pain avec du chocolat, 1995, 295). La porte du café a une antique clenche (Ph. Claudel, Meuse l’oubli, 1999, 38).
1. Eh bien ! c’est cette impression-là que j’avais en touchant la clanche de notre porte. Il me semblait que je revenais prendre une place que je ne méritais
plus. J’ai attendu un bon moment, puis, pour finir, j’ai fait un signe de croix, et
j’ai tout de même poussé la porte. (H. Grégoire, Poignée de terre, 1979 [1964], 24.)
2. Un petit déclic dans la clenche de la porte de la cuisine […]. (A. Stil, Beau comme un homme, 1977 [1968], 113.)
3. Elle n’avait pas allumé. Elle n’avait pas même gratté à la porte. Un tour prudent
à la clenche et, déjà, ses mains tâtonnaient sur le lit de la chambre 17. (P. Lebois, La Flache aux écureuils, 1971, 78.)
4. Enfin voilà sa maison. Lucien se précipite sur la clenche de la porte. (A. Jeanmaire, Les Lauriers sont coupés, 1972, 38.)
5. On vend [dans un magasin] des robes d’été, des sacs et des maillots de bain. Des fois
je rends la monnaie. Des fois il vient personne pendant une heure. Entre les clients,
tu penses à rien. Tu deviens un tabouret, un portemanteau, une clenche de porte. (A. Perry-Bouquet, Voilà un baiser, 1984 [1981], 73.)
6. Il donne un coup de poing sur une clanche de porte et je découvre ce que Cadet Rousselle appelle sa cambuse. (G. Mercier, Le Pré à Bourdel, 1982, 33.)
7. Vers la fin de la matinée, Mélanie guettait le bruit sec de la clanche dans la serrure en fer. Il signifiait que le facteur était passé. (A.-M. Blanc, Pays-Haut, 1988, 239.)
8. – Si, c’est vrai. Même que la porte de la cuisine était fermée. Je ne savais pas ouvrir
les portes […]. C’est la première fois que j’y arrivais. Je me rappelle bien, écoute :
je sens encore mon geste. Je tourne cette clenche, tu vois, avec ma main, qu’était toute petite. (A. Perry-Bouquet, La Rangée des bourriques, 1988, 80.)
9. Elle […] expédia la cliente, accrocha la pancarte « je reviens », retira la clenche et fila. (A. Perry-Bouquet, Des gens comme vous et moi, 1990, 91-92.)
10. […] je me levai avec un grand luxe de précautions, enfilai mon pantalon et ma vareuse
et, prenant mes sabots à la main, j’actionnai la clenche et sortis sans difficulté. (J. Failler, L’Ombre du Vétéran, 1994 [1992], 101.)
11. Quand j’ai la main sur la clenche [pour sortir], mon père me dit : « Fais voir tes chaussures, elles sont cirées ? » (Cl. Ponti, Les Pieds bleus, 1995, 31.)
12. Elles [les farces villageoises] étaient nombreuses […]. Une autre était très pratiquée,
notamment en hiver où il fallait bien occuper ses soirées : c’étaient les tic-tac importants à Athienville, Bezange, Coincourt, Hénaménil, Mouacourt. À Crion, un spécialiste des farces en tous genres, Louis Didier, nous a expliqué : « Il fallait accrocher une ficelle après la “clanche” de la porte. Au bout de cette ficelle, une pierre qui pend à 30 cm du sol environ,
ensuite, une autre ficelle attachée un peu au-dessus de la pierre et d’une longueur
indéterminée ; elle était actionnée à distance par un groupe de jeunes qui la tirait,
la laissait repartir, la pierre heurtant à chaque fois la porte et cela, jusqu’à ce
que l’habitant se réveille […]. » (La Mémoire de la terre au Pays du Sânon, 1996, 283.)
13. Je fus à mon bureau. Alors que je posais la main sur la clenche, Mlle Laffé, ma secrétaire […], m’arrêta net :
– Monsieur Rouvieux ? On a téléphoné pour vous. (Kââ, On a rempli les cercueils avec des abstractions, 1997, 15.) 14. La porte dispose en effet d’une clenche manœuvrable de l’extérieur, alors que les portes des autres locaux à poubelles en
sont dépourvues, l’ouverture ne pouvant se faire qu’avec une clenche libre en possession du gardien. (L’Est républicain, éd. Nancy, 13 janvier 1998, 408.)
15. – […] un chat doué. Tu sais… Il ouvre, tout seul, les portes en sautant après les
clenches ! (G.-J. Feller, Libre enfant de Favières, 1998, 264.)
16. […] les habitués, ceux qui savaient que, lorsque le rideau de fer [d’un restaurant
de Molsheim, Bas-Rhin] était baissé, il fallait faire un peu le tour de la maison,
appuyer sur la clenche et monter […]. (Dernières Nouvelles d’Alsace, 14 novembre 1999.)
17. colmar. Des touristes ont été intrigués, dimanche à 13 h, par le manège de deux garçons
d’une dizaine d’années qui tournaient autour des voitures stationnées place Lacarre.
Ces mineurs testaient les clenches des voitures afin de vérifier si les véhicules étaient bien verrouillées [sic]. (Dernières Nouvelles d’Alsace, 6 décembre 1999.)
□ En emploi métalinguistique.
18. « […] quand j’ai fait mon service [militaire] à Paris / ils se sont fichus de moi parce
que j’appelais ça une clenche / c’est pourtant dans le dictionnaire. » (Témoignage, dans SchortzSenneville 1998, 121.)
■ graphie. La graphie la plus fréquente dans les dictionnaires est clenche.
■ dérivés. clenchette n. f. rare "id.". Attesté dep. 1863 (Littré), il n’est relevé dans les sources écrites contemporaines
que chez Bachelard – né à Bar-sur-Aube (Aube) – dans La Poétique de l’espace, 1957 (TLF).
■ variantes. 〈Surtout Ardennes, Meuse (nord), Marne〉 cliche. « Liza […] enfonça une clef, tourna une cliche […] ; la porte baîlla […] » (Th. Malicet, Debout, frères de misère, 1962, 31) ; « Tombé […] près de la porte du couloir, je me relevai aussitôt en cherchant à tâtons
après la “cliche” de la porte » (Chr. Ryelandt, Mémoires de Victor Droguest, le roi des contrebandiers, 1951, 186). □ Avec un commentaire métalinguistique incident. « […] la cliche… Il voulait dire la poignée de la porte, en porcelaine blanche » (J. Rogissart, Moissons, 1946, 12). – BruneauMsArdennes ; TamineArdennes 1992.
◆◆ commentaire. Attesté dep. le 12e s. (d’abord dans le Nord) sous diverses formes jusqu’au frm., au sens de "petit levier faisant bascule, sur lequel on appuie pour ouvrir le loquet d’une porte", le mot est souvent employé par métonymie pour désigner le loquet lui-même et, par
analogie, la poignée de la porte, dans diverses régions de France, notamment en Normandie,
dans le Nord (et en Belgique : PohlBelg 1950 clenche, clinche, dans la définition de cliche ; MassionBelg 1987 ; DelcourtBelg 1998), dans les Ardennes et la Lorrainea, en Bretagne et au Canada (dep. 1674, Arch. nat. du Québec, FichierTLFQ ; ALEC 50 ;
le TLF donne un ex. de Guèvremont, mais sans identifier le mot comme diatopiquement
marqué ; DQA 1992) ; il apparaît aussi dans la métalangue de la lexicographie régionale
(LanherLitLorr 1990 s.v. clencher ; TamineArdennes 1992 s.v. cliche ; MartinVosges 1993 et MartinLorr 1995 s.v. clencher). Clenche ou clanche est attesté dans Frantext principalement chez des auteurs normands (Flaubert, Barbey d’Aurevilly) et, sporadiquement,
chez Laforgue, Pourrat et Giono ; aussi dans LelongLuroué 1911, 54 [= Yvelines]).
Rob 1985 donne le mot comme techn. "petit bras de levier dans le loquet d’une porte", mais avec un ex. de Queneau (né au Havre) de 1932 et comme un belgicisme "poignée de porte", sans exemple, rejoignant dans ce dernier cas TLF, NPR 1993-2000 et Lar 2000. On
ne suivra pas DHLF 1992 qui affirme qu’ « en France, il est demeuré technique ». La variante clinche (par ex. dans Hanse 1994, qui dénonce le mot « en Belgique et en Picardie ») se lit dans Simenon [d’origine liégeoise], Les Vacances de Maigret, 1948, dans TLF).
a L’ex. 13 ci-dessus témoigne de son emploi plus au sud de cette zone (cf. courrier
de l’auteur en date du 20 décembre 1997 : « […] j’ai toujours employé le mot “clenche” à la place [de] ou pour “poignée de porte” sans y penser, sans que j’aie la moindre idée de l’endroit où j’ai pu l’apprendre.
Mais comme le lieu où, enfant, j’ai appris à parler, est la Bourgogne et la Franche-Comté,
il n’y a qu’à conclure ! »).
◇◇ bibliographie. DuPineauC [ca 1750] « La clanche ou clenche, le loquet de la porte » ; StMleuxStMalo 1923 ; EsnaultMétaph 1925 ; GrandjeanFougerolles 1979 s.v. tyanch « pène de la porte ; clenche en français régional » ; LepelleyBasseNorm 1989 ; LepelleyNormandie 1993 ; MartinVosges 1993 s.v. clencher comme définissant ; MichelNancy 1994 (« usuel ») ; SchortzSenneville 1998 ; BlanWalHBret 1999 « usuel, vieilli, surtout rural » ; LesigneBassignyVôge 1999 ; FEW 16, 332b, klinka.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Basse-Normandie, Nord, Oise, 100 % ; Ille-et-Vilaine, 75 % ;
Aisne, 70 % ; Sarthe, Somme, 65 % ; Loire-Atlantique, 40 % ; Maine-et-Loire, 30 % ;
Pas-de-Calais, 0 %. – (cliche) Ardennes, Marne, Meuse (nord), 100 % ; Haute-Marne, 25 % ; Aube, 15 %.
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