darbon n. m.
I. 〈Saône-et-Loire (sud de la Bresse), Haute-Savoie, Savoie, Ain, Doubs, Rhône, Loire,
Isère, Drôme, Provence, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 rural "petit mammifère aux membres antérieurs fouisseurs, à poil sombre, qui vit sous terre
où il creuse de longues galeries dont il rejette la terre à la surface du sol sous
forme de petits monticules". Stand. taupe. – J’ai acheté des pièges pour prendre les darbons qui massacrent tout mon jardin (DromardDoubs 1991).
1. Ceux de Bogève [Haute-Savoie] avaient pris un darbon qui leur avait fait beaucoup de mal ; ça fait qu’ils cherchaient comment le punir.
– Il faut le noyer, que l’un dit. – Il faut lui couper la tête, dit un autre. – Que non, fit le dernier, il faut le marier. (DuprazSaxel 1975, s.v. darbo, traduit du patois.) ● Dans une comparaison. Un tas de fumée noire comme un darbon (Témoignage de 1969, dans SalmonLyon 1995).
● Prov. Il vaut mieux avoir douze darbons dans son jardin que non pas [= au lieu de] un Mauriennais
comme voisin (GagnySavoie 1993).
● Emploi collectif. Le darbon a fougé [= foui] cette nuit (GononPoncins 1984).
— Par méton. 〈Haute-Savoie, Savoie, Drôme〉 "terre rejetée par la taupe à la surface du sol, sous forme de petit monticule". Stand. taupinière. – Faut défaire les darbons (GagnySavoie 1993).
■ variantes. 〈Haut Jura, Isère〉 drabon. « Les drabons dans un jardin, c’est la plaie ! » (TuaillonVourey 1983). □ En emploi autonymique « – Chez moi, tous les anciens disent […] drabon pour une taupe […] » (A. Mante, Le Temps s’élève, 1995, 268). – TuaillonVourey 1983 ; DuraffHJura 1986 « usuel » ; LaloyIsère 1995.
II. 〈Côte-d’Or (plaine de la Saône)〉 rural "insecte orthoptère, de couleur rousse, qui cause des ravages dans les jardins en creusant
des galeries dans le sol". Stand. courtilière, taupe-grillon.
■ remarques. Noter la polysémie du mot dans le français du Beaujolais "taupe, rat ou courtilière" (VurpasMichelBeauj 1992 « usuel au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous »). – FEW 3, 13b, *darbo.
◆◆ commentaire. Ce type lexical couvre, dans les parlers dialectaux, une aire compacte du sud-est
de la Galloromania (ALF 1286, du Doubs à la Méditerranée ; ALB 881 pt 112 Saône-et-LoireSE ;
ALFC 744 DoubsSE ; ALJA 165 ; ALLy 551 ; ALP 939a ; ALMC Ardèche, Haute-Loire ; FEW). Caractéristique aujourd’hui du quart sud-est
de la France – attesté dans le français de Suisse romande dep. 1589 (GPSR s.v. derbon) et à Lyon dep. ca 1750 (Du Pineau) –, darbon n’est pas documenté à l’écrit dans le français de Provence, alors que ce type y est
bien attesté en occitan et depuis longtemps (ca 1200, Avignon, Lv). L’aire française actuelle du mot s’explique par le fait qu’il
a été anciennement sélectionné par le français de Lyon ; on notera, dans cette même
aire, l’emploi de Darbon comme anthroponyme (DauzatNomsFam). Accueilli dans LittréSuppl (darbon ou derbon « dans le Doubs et le Jura »), le mot est absent des dictionnaires généraux contemporains.
a Le titre de la carte, ‘(le) hérisson’, est une coquille pour ‘la taupe’ (‘le hérisson’ devait faire l’objet de notes marginales, comme l’indique en tête du volume la liste
des « titres des cartes et des extraits des marges »).
◇◇ bibliographie. (I) DuPineauV [ca 1750] ; MonnierDoubs 1857 « dans les montagnes » ; PuitspeluLyon 1894 ; GuilleLouhans 1894-1902 ; Mâcon 1903-1926 ; BoillotGrCombe
1929 derbon « tend à être remplacé par le français [standard] » ; BaronRiveGier 1939, 16 ; ParizotJarez [1930-40] ; Gardette MélMichaëlsson 1952,
166-167 = GardetteÉtudes 365-366 et 605 (carte d’après ALF) ; DornaLyotGaga 1953 ;
DuprazSaxel 1975, 49 ; RLiR 42 (1978), 169 drabon, darbon (Isère, Savoie) ; ManteIseron 1980 drabon ; TuaillonVourey 1983 drabon ; GononPoncins 1984 « très courant encore chez les jeunes paysans » ; MartinAoste 1984 ; H. Franconie, dans Géolinguistique n° 2, 1986, 199-235 ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 40 ans, en déclin au-dessous » ; DucMure 1990 « connu, mais senti comme patois » ; DromardDoubs 1991-1997 ; FréchetMartHelv 1991 ; TavBourg 1991 ; ColinParlComt 1992 ;
VurpasMichelBeauj 1992 ; FréchetMartVelay 1993 ; GagnySavoie 1993 ; VurpasLyonnais
1993 « peu attesté » ; FréchetAnnonay 1995 ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ; GermiChampsaur 1996 ;
FréchetDrôme 1997 « usuel à Anneyron, globalement attesté ailleurs » ; FréchetMartAin 1998 « globalement attesté » ; PlaineEpGaga 1998 « presque disparu » ; FEW 3, 13b, *darbo. – (II) ConnyBourbR 1852 ; RlFn 3, 296 (Allier) ; TavBourg 1991 ; FEW, ibid.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Ardèche, Haute-Loire, 100 % ; Ain, Drôme, 65 % ; Isère, Loire, 20 % ; Rhône, 0 %.
|