débarrer v.
1. 〈Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest〉 usuel "ouvrir (une porte, une fenêtre, etc. fermée à clef), déverrouiller". Débarrer la portière de sa voiture. Anton. barrer1*.
1. Et il s’en va bien tranquillement débarrer la porte ; il tourne la clé et il ouvre en bougonnant exprès, car dans le fond il
a grande envie de rire. (J. Boutin, Louis Rougé, le braconnier d’Anjou, 1979, 60.)
2. Tu savais que tu aurais pu frapper à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit,
on t’aurait débarré la porte. (Y. Viollier, Retour à Malvoisine, 1979, 45.)
3. Nous entrâmes dans la chapelle fantôme, intouchée depuis cinquante ans. Je débarrai la porte, le vieux sur les talons, à qui je n’avais pas relaté l’histoire et qui,
médusé, demeura sur le seuil. (Ph. Mezescaze, Où irons-nous dimanche prochain ?, 1996, 25-26.)
4. […] Marie-Louise, qui était venue « débarrer » la porte, était retournée prendre son petit-déjeuner. (P. Bourigault, Le Café de l’église, 1999, 62.)
— Par méton. du compl. d’obj.
5. Elle se brosse très fort les cheveux, ma fille, tandis que parfois je lui raconte,
à cause de l’ombre, comment se réveillait la ferme avant même que furent débarrées les volailles. (J.-L. Trassard, Des cours d’eau peu considérables, 1981, 194.)
□ En emploi métalinguistique. Voir s.v. barrer1, ex. 6.
— En contexte métaphorique.
6. Les Juifs d’Europe centrale qui échappèrent à la bête immonde mais en ont senti le
souffle sur leur nuque raidie à jamais, presque tous les survivants de l’extermination
totale, se taisent au bord du béant. Une sociologue a voulu débarrer cette porte refermée sur l’horreur […]. (Télérama, 19 avril 1989, 38.)
2. 〈Haut Jura〉 rural "ouvrir ou ôter la barrière d’un pâturage" (« très usuel » DuraffHJura 1986, qui l’orthographie débârrer). Anton. barrer1*.
◆◆ commentaire. 1. Le mot est donné par la plupart des dictionnaires avec le seul sens (archaïque) de
"ôter la barre (qui ferme une fenêtre, une porte, etc.)". TLF le donne sans marque, avec un ex. de 1922 (Pourrat) ; GLLF 1972 le marque « vx et dialect. », Rob 1985 « vx ou régional », NPR 1993-2000 « techn. ou région. », Lar 2000 « vx ou région. ». Il est cependant connu par 95 % des témoins de la région Ouest (Vienne, Deux-Sèvres,
Vendée, Charentes) et 60 % de la région Haute Bretagne-Maine-Anjou (enqDRF 1994-96)
avec le sens de "déverrouiller", jamais pris en charge par la lexicographie générale, sauf Lar 2000 qui le marque
« Québec ». Cet emploi est en effet très courant partout au Canada francophone, et il est en
outre attesté en Louisiane (GPFC 1930 ; DitchyLouisiane 1932 ; PoirierAcadG ; MassignonAcad
1962 ; ALEC 54 ; DaigleCajun 1984 ; DFPlus 1988 ; DQA 1992 ; CormierAcad 1999 ; NaudMadeleine
1999), ce qui laisse supposer que cette spécialisation sémantique remonte au moins
à l’époque coloniale. Les données dialectales montrent que le type est particulièrement
bien implanté dans le sud-ouest d’oïl (comme c’est le cas pour le simple barrer), bien qu’on le retrouve aussi en nord-occitan et en francoprovençal ; ⌈ dēbarē ⌉ v. a. "ouvrir (une porte) fermée à clef" a été relevé dans toute la Vendée, les Deux-Sèvres, la Vienne, le nord des Charentes
et l’Indre-et-Loire, ainsi qu’en Mayenne (Parlers et traditions du Bas-Maine et du Haut-Anjou : Lexique du patois vivant, Laval 1987) et dans un point de la Haute-Vienne (ALO pt 91) ; on le trouve en outre
dans l’Allier (ALF pt 901), le Puy-de-Dôme (ALF pt 801) et la Loire (ALF pt 905),
ainsi que dans un point du canton de Vaud (ALF pt 939) ; v. ALF 1743, ALO 685, SEFCO.
– 2. Dér. de barrer1* au sens 2 ; attesté dep. 1929 en fr. région. (déjà 1898 en patois, cf. Vaudioux dans
FEW).
◇◇ bibliographie. (1.) FEW 1, 258ab, *barra I ; RougéTouraine 1931 ; DavauParlTour 1979 (non confirmé par SimonSimTour 1995) ;
RézeauOuest 1984 (> RézeauOuest 1990) « vieilli dans les Charentes ». – (2.) FEW 1, 258b, *barra II 2 ; « deÜ`baÜreÜ` v. n. et a., enlever les clôtures en planches » BoillotGrCombe 1929 ; DuraffHJura 1986.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente, Maine-et-Loire, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, 100 % ;
Charente-Maritime, 80 % ; Sarthe, 65 % ; Loire-Atlantique, 60 % ; Ille-et-Vilaine,
25 %.
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