empierger (s’), empiger (s’) v. pron.
fam. "se prendre les pieds dans un obstacle, au risque de tomber". Synon. région. s’embroncher*, s’entraver*.
I. 〈Surtout Nord (Cambrésis), Aisne, Aube, Haute-Marne, Marne, Ardennes, Meuse (nord)〉 s’empierger. Je me suis empiergé.
1. Quand je déballe mes colis, je fais toujours attention de couper les cerclages car
je ne veux pas m’empierger dedans. (Boucher de Fontaine-Notre-Dame [Nord], comm. de J.-Cl. Mouronvalle, Cantaing-sur-Escaut,
7 janvier 2000.)
□ En emploi métalinguistique.
2. Un certain accent, des expressions (« s’empierger » pour « s’emmêler les pieds »), un riche vocabulaire, un fonds de plaisanteries communes relient cette haute Picardie
au berceau linguistique centré sur Amiens. (Pays et gens de France, n° 75, l’Aisne, 31 mars 1983, 5.)
II. 〈Surtout Nièvre, Saône-et-Loire, Côte-d’Or〉 s’empiger.
3. Mais en vélo, fallait faire attention, surtout au bord du canal, où que les Berrichons
conduisaient encore des bourriques ou des chevaux, avec des grandes cordes pour tirer
les bateaux et pour faire s’empiger [en note : trébucher] le monde [= les gens] en promenade. Le Toine n’a pas manqué de s’empiger […] dans la corde des mariniers […]. (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 47.)
◆◆ commentaire. Ce type lexical, caractéristique du quart nord-est de la France dep. l’afr. empieger "prendre au piège" (dep. fin 13e s., Renclus de Molliens, v. TLF), a pénétré le français standard où empiéger est aujourd’hui « rare » (TLF, qui le donne avec des exemples de Lamartine et A. Arnoux) ou « littér. » (Rob 1985). Mais il est resté usuel sous les variantes empierger (Nord-Est) et empiger (Bourgogne, Franche-Comté), v. FEW 4, 578a-b, impedicare (et 8, 122b, pedicare). Pour des motifs d’ordre sémantique, la forme empierger s’explique mieux par une influence des continuateurs locaux d’afr. enfierger (v. FEW 4, 469a-b, ferrea), que par le recours à pierge "chemin empierré" (Tamine).
◇◇ bibliographie. (I) BourquelotProvins 1868 empierge "obstacle, embarras, entrave" ; ChaurandThiérache, 255 ; RLiR 42 (1978), 170 (Île-de-France) ; CrouvChampagne 1975
empiergé (sens propre et fig.) ; TamineArdennes 1992 ; BraillonPicard 1994, 23 ; ALIFOms pt
0. – (II) JaubertCentre 1864 ; FertiaultVerdChal 1896 ; LarocheMontceau 1924 ; Mâcon 1926
empiger, empeger ; RouffiangeAymé 1989 empigé dans les ronces (1929) ; TavBourg 1991 « très vivant dans toute la Bourgogne centrale et les environs de Dijon » ; ColinParlComt 1992 (cit. de M. Aymé, 1929) ; ValMontceau 1997 « usité par les adultes et beaucoup d’enfants ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Ardennes, Marne, Meuse (nord), 100 % ; Aube, 65 % ; Haute-Marne, 25 % ; 1 témoin
dans l’Essonne. (II) Saône-et-Loire, 75 % ; Nièvre, 50 %.
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